Soirmagazine : ATTITUDES
Hystérie
Par Naïma Yachir
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Alger, aux heures de pointe. D’interminables processions de voitures
circulent pare-choc contre pare-choc sur les artères de la capitale. Les
nerfs des automobilistes, lessivés après une journée de labeur, sont
soumis à rude épreuve. Les policiers, qui s’échinent à réguler le
trafic, ne savent plus où donner de la tête. Klaxons, coups de sifflet,
on ne s’entend plus... Dans cette cohue, un télescopage soudain
interrompt les railleries des conducteurs qui vocifèrent contre l’agent
de la circulation. Deux voitures se sont percutées. L’automobiliste, qui
vient de recevoir le coup contre le pare-choc arrière de sa rutilante
Clio, s’arrête brusquement, sort de la voiture, se tient la tête, hurle
de toutes ses forces et vomit un chapelet d’injures. C’est à Dieu qu’il
s’en prend, sans discontinuer, devant les yeux médusés de ses congénères
qui se retrouvent bloqués. Il se dirige ensuite vers le mis en cause,
qui, lui, le visage rubicond, s’enfoncera dans le siège de sa vieille
carcasse, face à son bourreau, prêt à le scalper. Il lui dira en
bafouillant : «Je suis désolé, je n’ai pas pu freiner à temps.» Et le
forcené de lui répondre : «Allez, gare-toi et ne t’aventure pas à me
dire que ce n’est pas de ta faute», tout en poursuivant ses blasphèmes.
«L’accusé», plus âgé, s’exécutera. Il s’extirpe de sa voiture et
constate les dégâts. Ahuri par l’hystérie de son antagoniste, il lui
dira dans un calme olympien :
- Mais ta voiture est intacte, pourquoi toute cette colère et toutes ces
injures ?
- Tu as de la chance.
Il reprendra le volant, à côté d’une dame qui, en spectatrice stoïque,
n’a pas bronché. Il démarrera en trombe, laissant derrière lui des
automobilistes enragés.
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