Monde : Jérusalem 1957. Alger, le Caire, Tunis 2015
La décapitation des chrétiens d’Égypte et la — seule — bonne réponse de
Sissi
De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Des comme Sarkozy, il y en a beaucoup, ici, en Europe. Le Caire le sait
et Alger doit le savoir.
L’Égypte de Sissi, Etat renaissant de ses cendres depuis la triste fin
du règne des Frères musulmans, a réagi à l’effroyable décapitation de 21
de ses ressortissants, de religion chrétienne. Que pouvait faire d’autre
Le Caire ? Condamner par communiqué l’horreur ? Laisser passer en
attendant que passe la tourmente ? Opérer en secret par le biais des
moukhabarates ? Se venger en actionnant d’autres groupes qui
accepteraient de se mettre à sa solde ?
Attendre ou la quémander une aide internationale ? Coopérer avec Paris
ou Rome pour intervenir ? Toutes les options étaient sur la table. Les
stratèges égyptiens ont choisi, vraisemblablement, avec l’accord du
«gouvernement» de Tobrouk de ne pas se laisser intimider et d’envoyer
des signaux forts à tous.
Aux terroristes de Daesh, évidemment, mais aussi et - surtout - aux
puissances occidentales : France, Grande-Bretagne, Etats-Unis qui
s’installent, déjà, en Libye comme tutrices et parraines. Le Président
Sissi a tracé les lignes à ne pas dépasser. Rouges ou jaunes, les
couleurs importent peu.
L’essentiel étant que Le Caire a décidé de ne pas se laisser distancer
en ex-Libye.
Il faut, évidemment, parler d’ex-Libye depuis la guerre que l’Otan a
déclenchée dans ce pays et que l’ex-président Sarkozy a bien voulu
diriger pour le compte de l’Alliance et des Etats-Unis. En éliminant
Gueddafi, Sarko et le Traité savaient exactement ce qu’ils faisaient.
La destruction et l’éclatement de la Libye étaient inscrits dans
l’agenda que l’après-Gueddafi ouvrait. Le crime contre un chef d’Etat,
controversé, certes, mais légitime, ne pouvait déboucher que sur la
situation présente.
Une Libye disparue, de facto, de la géographie et remplacée par au moins
trois entités, si peu fédérées et impréparées à la gouvernance. Tripoli,
Cyrthe, Benghazi, Tobrouk ressemblent à Jérusalem en 1947 où tous les
services de renseignement des puissances de l’époque, les chefs de
tribus palestiniennes, les trafiquants, les vendeurs d’armes, les
passeurs d’or et de diamants, les chefs religieux musulmans, juifs,
chrétiens de toutes obédiences, les leaders progressistes qui
pressentaient qu’un «mauvais coup s’y préparait», s’y côtoyaient, s’y
abordaient, s’y familiarisaient, chacun roulant pour son compte ou pour
sa chapelle. Le reste, ça a été la proclamation d’Israël.
Croire ou se laisser berner par l’illusion que le démantèlement de la
Libye est le seul objectif, serait non pas naïf, mais une analyse
criminelle, une projection aux conséquences historiques peut-être à
jamais irréversibles.
C’est toute la région qui est non pas concernée, mais visée. L’Algérie,
l’Égypte, la Tunisie sont en première ligne. Sissi le sait si bien qu’il
a envoyé ses troupes et ses messages. A bon entendeur, salut... Le
dialogue interlibyen drivé par Alger est une voie exceptionnelle de
règlement, mais est-ce, sera-ce suffisant ?
Pas sûr, et si le dialogue échoue, il faut sans doute faire comme Le
Caire, frapper avant d’être frappé, intervenir pour empêcher d’autres
d’intervenir.
Des comme Sarkosy, il y en a beaucoup, ici...
A. M.
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