Soirmagazine : ATTITUDES
Le berger


Par Naïma Yachir
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Du haut de ses 1,90m, Hocine, ce jeune berger, père de famille, est fier de sa maison. Adossée au pied de la montagne de Youkous, dans la région de Tébessa, sa demeure n’a rien à envier à celles des villes. Pourtant, de l’extérieur, le hameau d’une dizaine de maisonnettes ne paye pas de mine. Hocine, un grand de la débrouillardise et du bricolage, a su allier confort et esthétique. La chambre de ses trois enfants est équipée de lits, de deux bureaux et d’un micro-ordinateur.
Le froid qui règne à l’extérieur ne les dérange nullement. Son poêle qu’il a réalisé lui-même réchauffe toute la maisonnée. Le stock de bois et des fûts de mazout lui tiendront tout l’hiver. Ce soir, il est seul, sa petite famille se trouve chez la grand-mère. Connu pour sa grande générosité et son hospitalité, il héberge des invités que lui confiera le vieux Tahar, un voisin, qui, lui, n’a pas la chance d’avoir ses commodités.
Il dort d’un seul œil, car en cette soirée hivernale, le gèle est annonciateur des premières neiges. Il vérifie si son fusil de chasse est devant la porte d’entrée avant de s’emmitoufler dans une couverture douillette, à proximité du feu qu’il vient d’attiser. Après un somme qui a duré quelques instants seulement, il se lève, enfile sa kachabia, chausse ses bottes en caoutchouc, enveloppe sa tête dans son bonnet et sort. Dehors, la cour est couverte d’un tapis blanc et les arbres se sont transformés en de gigantesques pins à sucre. Hocine se dirige droit vers l’enclos des chèvres. Il vérifie si elles sont bien protégées car ses barbichettes sont très sensibles au froid. Il retourne au chaud, le nez rouge, les mains glacées.
Il ajoute une bûche qu’il coupe en menus morceaux avec une hache qu’il garde constamment près de son bûcher, se déchausse, met ses pieds près du feu, souffle dans ses mains jusqu’à ce qu’il retrouve cette chaleur qui réchauffe tout son corps. Après quoi, il se rendort.
La sonnerie de son téléphone portable le réveille en sursaut. Il est 5h. Il fait encore nuit. Il n’a dormi qu’une petite poignée d’heures. Mais il faut se lever. Il prend la marmite remplie d’eau qu’il a posée la veille sur son poêle, ça lui évite d’allumer le suppresseur, et lui permet une économie d’énergie. Il se dirige ensuite vers la salle de bains, se lave le visage et fait ses ablutions. Il sort et va droit vers l’étable pour nourrir ses bêtes qui s’agitent déjà. Il attendra que le soleil se lève et réchauffe le dos de la montagne pour les emmener sur les hauteurs, à travers un sentier rocailleux.
Elles auront toute la journée pour gambader et se gaver d’une herbe verte et fraîche. Dans sa besace, il mettra son maigre repas composé d’un morceau de fromage et d’un pain fait maison, ainsi qu’un oignon vert. Ses chiens, ses fidèles compagnons, veilleront au grain. Hocine croise Anouar, le bûcheron du jour, à l’allure très vive. Il est quelque peu son contraire, mais s’entend bien avec lui. Plus bas, la rivière murmure.
Notre berger respire à pleins poumons : pour rien au monde il n’échangera sa montagne, même contre les plus grandes capitales du monde.





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