Monde : L'armée turque entre en Syrie pour évacuer un mausolée ottoman et ses gardiens

La Turquie a mené une incursion militaire à 37 km à l'intérieur du territoire syrien dans la nuit de samedi à dimanche pour évacuer la dépouille d'un dignitaire ottoman et les soldats qui gardaient son tombeau situé dans une zone tenue par le groupe Etat islamique (EI), une opération dénoncée par Damas.
Cette opération a été décidée en raison de la détérioration de la situation autour de la minuscule enclave turque de quelques centaines de mètres carrés où gît Souleïmane Shah, le grand-père d'Osman Ier, fondateur de l'empire ottoman, a annoncé tôt dimanche le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, lors d'un point de presse à l'état-major des armées.
«Une opération a été lancée à 21h (locales 19h GMT) avec le passage de 572 soldats par le poste-frontière de Mursitpinar (sud-est)», a précisé M. Davutoglu. Damas a qualifié d'«agression flagrante» l'intervention turque, accusant Istanbul de «fournir tout type de soutien aux bandes de l'Etat islamique, du Front Al-Nosra et d'autres groupes terroristes liés à Al-Qaïda».
Le régime islamo-conservateur turc a rompu avec le président syrien Bachar al-Assad depuis l'éclatement de la guerre civile dans ce pays en 2011 et accueille sur son sol près de deux millions de réfugiés qui ont fui les combats.
Le Parlement d'Ankara avait donné son feu vert l'an dernier à des opérations militaires turques en Syrie et en Irak contre l'EI.
Une quarantaine de chars sont entrés en Syrie dans le cadre de cette incursion, a précisé le Premier ministre turc, indiquant qu'elle s'était achevée sans qu'il n'y ait de combats.
«Les reliques du dignitaire turc ont été rapatriées temporairement en Turquie pour être inhumées ultérieurement en Syrie», a-t-il indiqué, ajoutant qu'une zone avait été sécurisée en territoire syrien pour transférer la dépouille à cet endroit dans les jours suivants.
Il s'est félicité du «bon déroulement» de cette première incursion turque en Syrie depuis le début de la guerre civile.
La Turquie s'est ainsi emparée d'un nouveau bout de terre situé à 200 mètres seulement de sa frontière, en territoire syrien, dans le village d'Eshme près de la ville de Kobane, d'où ont été chassés en début d'année les jihadistes qui l'assiégeaient par les miliciens kurdes aidés par des raids aériens de la coalition internationale, pour y construire un nouveau mausolée. Les troupes turques et le contingent gardant la tombe sont rentrés tôt dimanche en Turquie et tout ce qui reste du lieu saint a été détruit, selon M. Davutoglu.
Le gouvernement turc a informé la Coalition nationale syrienne de son incursion, a par ailleurs indiqué le bureau de presse de la Coalition. L'opposition turque a vivement critiqué «un retrait présenté comme une victoire militaire». «Pour la première fois de l'histoire de la République turque, nous perdons nos terres sans combattre», a martelé Gürsel Tekin du parti républicain du peuple (CHP).
Sinan Oghan, dirigeant du parti de l'Action nationaliste (MHP, droite), a évoqué un «scandale». «Vous avez failli à protéger la sépulture de notre ancêtre et nos soldats ont été obligés de se retirer», a-t-il lancé sur son compte Twitter. La relocalisation en sol syrien de ce tombeau revêt une importance politique et diplomatique pour Ankara qui souhaite montrer qu'il n'a pas «perdu» contre les jihadistes, ont commenté les observateurs.
D'ailleurs, M. Davutoglu a fait remarquer que «la Turquie n'a été privée d'aucun de ses droits en ce qui concerne le droit international», qui lui attribue un morceau de territoire syrien pour ce tombeau. «Nous étions prêts à riposter de la manière la plus forte à toute attaque qui aurait pu avoir pour cible nos troupes», a insisté le chef du gouvernement turc.
Un soldat turc a perdu la vie lors d'«un accident» au moment de l'incursion, a annoncé M. Davutoglu.
La Turquie avait menacé les jihadistes de représailles s'ils attaquaient le site symbolique, sous souveraineté turque, situé au nord-est d'Alep. Le tombeau est considéré comme un territoire turc depuis la signature d'un traité entre la France, qui occupait alors ce territoire, et la Turquie en 1921.

Un journaliste suédois libéré après une semaine de détention
Un journaliste suédois, qui avait été arrêté par les forces gouvernementales pour entrée illégale en Syrie, a été relâché après une semaine de détention, ont annoncé hier les médias suédois. Joakim Medin, journaliste indépendant, avait été arrêté avec son interprète kurde, lequel a également été relâché, à un barrage dans la ville de Qamishli, près de la frontière avec la Turquie. Le journaliste a dit au journal suédois Expressen n'avoir subi aucune violence, mais avoir été interrogé. Medin a reconnu être entré «illégalement» en Syrie sans être passé par la voie officielle. En décembre, il avait été arrêté par les garde-frontière turcs pour entrée illégale dans le pays à partir de Kobané. Le ministère suédois des Affaires étrangères a confirmé sa libération, sans donner plus de détails.



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