Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
Irak, Syrie, Libye, massacre et destruction à tout-va !
Par Hassane Zerrouky
Commençons
par ces images diffusées par l’Etat islamique (EI) montrant des
djihadistes détruire joyeusement des statues, frises et autres trésors
pré-islamiques du musée de Mossoul, réduire en miettes à coups de masse
des statues de l’époque mésopotamienne déboulonnées de leur socle,
utiliser un perforateur pour défigurer un imposant taureau ailé assyrien
en granit, sur le site archéologique de la porte de Nergal de Mossoul.
Toujours est-il qu’en quelques instants, le passé de l’Irak a été
effacé. «Fidèles musulmans, ces sculptures derrière moi sont des idoles
pour les peuples d'autrefois qui les adoraient au lieu d'adorer Dieu»,
explique un djihadiste, sûrement le chef d’équipe de ces ouvriers d’un
jour, face à la caméra. Arguant que «les soi-disant Assyriens, Akkadiens
et d'autres peuples avaient des dieux pour la pluie, pour les cultures,
pour la guerre». En clair, à voir les illuminés de l’EI qui se veulent
plus musulmans que les musulmans, on se demande pourquoi au 7e siècle
les premiers combattants de l’Islam n’ont pas détruit ces «vestiges
païens», pourquoi ont-ils respecté les religions pratiquées par les
populations des territoires conquis, pourquoi n’ont-ils jamais détruit
d’églises, ni de synagogues ? Citons le plus illustre d’entre eux, le
calife Omar Ibn al-Khatab, qui lors de la prise de Jérusalem en 638, a
visité le Saint Sépulcre, avant de publier cet écrit stipulant : «La
sécurité des personnes et des biens est garantie pour les habitants de
Jérusalem. Leurs églises et les croix doivent aussi être sécurisées. Ce
traité s'applique à tous les habitants de la ville. Leurs lieux de culte
doivent rester intacts. Ceux-ci ne seront ni repris, ni démolis. Les
gens sont tout à fait libres de suivre leur religion. Ils ne doivent
être affectés à aucune difficulté». Omar Ibn Al-Khatab a bien écrit :
«Les gens sont tout à fait libres de suivre leur religion».
Plus de quinze siècles après, au 21e siècle, des gens se réclamant de
l’Islam, en l’occurrence le wahhabisme, dynamitent des sanctuaires et
des mausolées de saints de l’Islam (Mali, Tunisie, Libye, Syrie et
Irak), détruisent les tombeaux des deux princesses de la Casbah d’Alger,
saccagent des églises, brûlent des livres anciens, profanent des
cimetières (cas du M’zab). L’objectif étant de faire table rase du passé
des peuples par la destruction planifiée des lieux de mémoire, de sorte
que les générations à venir n’aient plus aucune conscience de leur
identité et de leur appartenance à une civilisation ancienne et
millénaire.
Et, pour reprendre le propos de l’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie,
Abderahmane Hadj Nacer (El Watan), à propos du M’zab dont il est
originaire : «pour rendre fluides et malléables les populations, il faut
les couper d’avec le lien de l’ancestralité».
En Libye, l’assassinat mardi dernier d’Intissar al-Hassaeri, 35 ans,
membre fondatrice du mouvement Tanweer, une association culturelle et
sociale, est symptomatique de la dérive consécutive à l’intervention de
l’Otan de ce pays, intervention dont l’un des résultats les plus
probants aura été l’apparition de la version libyenne de l’EI. Après le
massacre des 21 coptes, l’Etat islamique, qui s’est constitué une assise
territoriale à Derna, pris le contrôle de Syrte, puis Sabratha (ouest de
la Libye) accentue son emprise sur le pays, menace d’envoyer 500 000
migrants sub-sahariens en Italie, et se trouve désormais aux portes de
la Tunisie. Ici également, cette nébuleuse veut faire taire des voix,
ramener le pays à l’âge de pierre, réaliser ce que le colonialisme n’est
pas parvenu à faire.
Concernant la Syrie, on observera que ce qui provoque la colère et les
protestations de certains politiques en France, le Premier ministre
français Manuel Valls en tête, et certains médias et commentateurs
français, ce n’est pas le dernier enlèvement de centaines de chrétiens
syriens, ou le fait que la Turquie continue de fermer les yeux sur les
allées et venues des djihadistes de l’EI de part et d’autre de la
frontière, mais le voyage de quatre parlementaires français à Damas.
Bien que le régime de Bachar n’ait jamais été ma tasse de thé, pour des
raisons que j’ai déjà expliquées dans Le Soir, il n’en reste pas moins
surprenant qu’avec ce qui se passe en Libye, et aujourd’hui en Syrie et
en Irak, Paris mais aussi Washington, qui a décidé d’entraîner et
d’armer des islamistes dit modérés» pour combattre à la fois Daesh et le
régime de Bachar, s’entêtent à faire de la chute de Bachar leur
priorité.
Certes, on nous dira que Washington et ses alliés bombardent Daesh. Mais
ne leur a-t-il pas fallu moins de 15 jours pour détruire le régime de
Saddam autrement plus armé que Daesh !
H. Z.
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