Contribution : LARBI BEN M’HIDI
Incarnation de la révolution et de l’unité nationale
Par Ali Cherif Deroua
Le 4 mars 1957, Larbi Ben M’hidi, l’une des icônes de la Révolution
algérienne, était assassiné par l’armée coloniale avec l’aval des plus
hautes autorités civiles et militaires françaises.
Plus d’un demi-siècle plus tard, certaines personnes s’amusent, à qui
mieux mieux, à minimiser le rôle de Larbi Ben M’hidi dit «Si Hakim»,
d’autres à vouloir l’effacer des tablettes de l’Histoire de l’Algérie,
d’autres enfin à l’attaquer avec ignominie et turpitude. Même certains
médias se prêtent à ce jeu malsain en véhiculant certaines photos
manipulées ou bidouillées.
1- A titre d’exemple, voici la même photo transformée et véhiculée
sans jamais attirer l’attention de certains historiens, écrivains,
journalistes, politiques et, d’une façon plus large, les lecteurs ou
auditeurs de ces faussaires de notre glorieuse Histoire.
Comment ne pas condamner cette manipulation qui porte préjudice à une
photo historique prise après la clôture des travaux du Congrès de la
Soummam ?
Pourquoi ne pas se révolter de voir Larbi Ben M’hidi ne pas être reconnu
et nommé sur cette photo ou être confondu avec Brahim Mezhoudi ?
Mieux, dans certains médias, la personne centrale de cette photo est
évacuée sans aucun nom, sans même se demander qui est ce monsieur.
Pour ma part, lorsque j’ai vu pour la première fois en mars 2000 cette
photo avec le nom de Brahim Mezhoudi, je suis allé le voir chez lui au
boulevard Mohammed V, à Alger, avec la photo pour lever tout doute et
avoir une confirmation. Si Brahim m’avait répondu : «Le casque colonial
et les lunettes m’appartiennent, mais celui qui les porte est bien Larbi
Ben M’hidi. Pendant plus de deux semaines durant le Congrès, il ne
cessait de me taquiner surtout sur le casque colonial. J’étais le
premier et le seul officier à avoir eu un ordre de mission signé pour
trouver une solution aux problèmes que confrontait la Wilaya I. Avant
mon départ, j’ai offert à mon ami et compagnon Larbi Ben M’hidi mes
lunettes et le casque.»
Je tiens à signaler que je connais Si Brahim comme compagnon et ami
depuis Le Caire, à la formation du GPRA en 1958, avec sa rectitude, son
éthique, sa moralité et sa franchise.
Cette photo historique dévoile à plus d’un titre le rôle et l’importance
de chacun des responsables se trouvant sur ce document.
A ceux qui ont des doutes sur cette photo, il y a des spécialistes en
analyse iconographique pour s’assurer de son authenticité. La personne
centrale de la photo (portant des lunettes de soleil et un casque
colonial) est Larbi Ben M’hidi, l’homme qui a permis le succès du
Congrès de la Soummam, dont il a présidé les travaux. A sa droite, Krim
Belkacem, l’hôte de ce Congrès et avec Larbi Ben M’hidi l’un des 6 pères
du 1er Novembre ; à sa gauche, Abane Ramdane, l’organisateur du Congrès.
A la droite de Krim Belkacem, Amar Ouamrane avec sur l’épaule le bras
protecteur de Krim, qui en dit long sur leur relation et leur
complicité.
Puis Zighoud Youcef, qui, par sa posture, semble surveiller tout ce beau
monde.
A la gauche d’Abane, Abdallah Bentobal avec une certaine distance entre
les deux hommes, distance annonciatrice déjà de relations crispées.
A ces six responsables, les Algériens, tous les Algériens, sans
exclusive, leur doivent, individuellement et collectivement,
considération et respect, pour avoir donné à la Révolution les assisses
nécessaires pour que celle-ci triomphe et arrive à cette finalité, ô
combien glorieuse : l’indépendance de notre cher pays. Dans la légende
de ces photos, certains citent le nom des autres personnes sans aucun
titre, sauf Amirouche, présenté comme colonel.
Kaci debout à côté de Bentobal accroupi. Benaouda, Rouibah et Amirouche
avaient tous le grade de commandant lorsque cette photo a été prise.
2- Larbi Ben M’hidi
Pour en revenir à Si Hakim, comment ne pas aligner, à cette occasion,
son parcours de militant révolutionnaire ?
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Militant du PPA puis du MTLD, il devient en 1947
membre de l’Organisation secrète (OS), adjoint de Mohamed Boudiaf,
responsable de tout l’Est algérien (ancien département de
Constantine).
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1950, il entre en clandestinité et rejoint l´Oranie.
-
1952, il est responsable pour la région Bel -Abbès
et Mascara où j’ai eu le plaisir et l’insigne honneur de l’avoir
rencontré au mois de mars 1952, alors que j’étais interne au collège
de cette ville.
-
1954, il devient membre de la direction du Comité
révolutionnaire d’union et d’action (CRUA) qui est en charge de la
réunion des 22 pour le déclenchement de la Révolution du 1er
Novembre 1954.
-
Il est avec Mostefa Ben Boulaïd, Mohamed Boudiaf,
Krim Belkacem, Rabah Bitat et Didouche Mourad l’un des pères de la
Révolution.
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Le 1er novembre 1954, il devient le responsable
de la Zone V (future Wilaya V) qui couvre l’ensemble de l’Oranie
(ex-département d’Oran). Avec un minimum d’armes (5 pistolets et 8
fusils de chasse), comparés aux armes dans les autres zones, et avec
67 personnes armées de couteaux et de fourches, il fait prendre date
à cette zone dans le déclenchement de la Révolution avec six actions
programmées dont trois réussies à Oran avec la mort de Samuel
Azoulay sous la responsabilité d’Ali Chérif Chériet, à Bosquet, avec
la mort de Laurent Francois sous la responsabilité de Ramdane Ben
Abdelmalek (dont l’ex-village de Bosquet porte son nom) et de
Francois Braun, garde-forestier à la Mare d’Eau (Sig), sous la
responsabilité d’Ahmed Zabana. Les trois autres actions n’ont pas eu
lieu par manque de coordination ou à cause de l’alerte donnée par
l’ennemi.
-
Février 1956, il part au Caire pour convaincre
ses pairs se trouvant dans la capitale égyptienne de la nécessité de
trouver des armes. Après un séjour de deux mois au Caire, il revient
vers sa zone et le maquis.
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Le 7 mai 1956, il est à Alger pour rejoindre
Abane afin de préparer le Congrès de la Soumman. Comment ne pas se
rappeler que la veille, nos compagnons en Zone V avaient lancé une
campagne d’attentats dans la région de Aïn-Témouchent, qui a ébranlé
la France avec comme résultat l’attaque de 47 fermes, la mort de 59
personnes dont 23 Européens d’après les sources ennemies (voir les
journaux français de l’époque).
Cette action a été programmée pour lui permettre de discuter avec
ses pairs en position de force s’il en était besoin.
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Août 1956, il préside toutes les réunions du
Congrès de la Soummam
-
Il devient membre du Conseil national de la
révolution algérienne (CNRA) et membre du Comité de coordination et
d’exécution (CCE), instance suprême de la Révolution.
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Le 23 février 1957, il est arrêté à Alger par les
paras du général Massu auquel le ministre résidant en Algérie,
Robert Lacoste, avait délégué les pouvoirs civils et militaires dans
la zone Alger Sahel.
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Torturé, il est assassiné dans la nuit du 3 au 4
mars 1957 par le commandant Paul Aussaresses avec l’aval des
autorités civiles et militaires françaises.
En février 1956, Larbi Ben M’hidi se trouvait au Caire, il aurait pu
rester là-bas en tant que responsable politique, il ne l’a pas fait.
Bien au contraire, il est revenu en Algérie auprès de ses frères du
maquis.
Un an plus tard, il est arrêté par l’armée française,
il a refusé toute compromission avec les autorités ennemies malgré
toutes les «propositions alléchantes» d’un certain colonel Marcel
Bigeard auquel il avait répondu concernant les attentats par :
«Donnez-nous vos avions et nous vous donnerons nos couffins.» Il a été à
même de les impressionner par son courage, son abnégation, son discours
politique et son mépris pour ses tortionnaires. Quoi de plus
impressionnant, de plus sublime que cette photo de Larbi Ben M’hidi
menotté, encadré par des paras avec le sourire aux lèvres, sourire qui
en dit long sur son courage et son mépris de l’ennemi et de l’adversité.
Avant d’être remis à ses assassins, il eut l’insigne honneur du
lieutenant Allaire qui lui fait présenter les armes contrairement aux
règles militaires et dont voici quelques extraits de son témoignage : si
je reviens à l’impression qu’il m’a faite à l’époque où je l’ai capturé,
et toutes les nuits où nous avons parlé ensemble, j’aurais aimé avoir un
patron comme ça de mon côté, j’aurais aimé avoir beaucoup d’hommes de
cette valeur, de cette dimension, de notre côté. Parce que c’était un
seigneur Ben M’hidi. Ben M’hidi était impressionnant de calme, de
sérénité et de conviction. Je l’ai remis à l’état-major et à une équipe
qui est venue le chercher, et c’était la nuit, et bien que le règlement
s’y oppose, je lui ai fait présenter les armes, parce qu’il faut
reconnaître chez son adversaire la valeur et le courage (Voir
enregistrement sur internet www.chouf-chouf.com larbi ben-mhidi). Avec
un parcours aussi impressionnant, un comportement responsable aussi
sublime, un appel prémonitoire — «Mettez la Révolution dans la rue et
le peuple algérien la prendra à bout de bras» —, comment ne pas le
considérer comme l’incarnation de la révolution algérienne.Quel destin ?
Né dans l’Est algérien (Aïn M’lila), ayant fait ses preuves de
responsable politique et militaire à l’Ouest, il meurt dans le Centre
(Alger). A ce titre, il représente l’incarnation de l’unité nationale.
Repose en paix, mon cher compagnon, mon admirable responsable, je
n’oublierai jamais notre au-revoir sur le quai d´une gare, un certain
lundi 7 mai 1956.
Gloire à nos martyrs !
A. C. D.
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