Actualités : Relancé dans la loi de finances 2015
Le crédit à la consommation attendra
Relancé dans la loi de finances 2015, le crédit
bancaire à la consommation ne risque pas d’être octroyé de sitôt, la
nature des produits nationaux éligibles n’étant pas encore définie
officiellement et la nouvelle centrale des risques de la Banque
d’Algérie n’étant pas opérationnelle, la baisse des prix du pétrole ne
constituant pas un facteur propice.
Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir)
Décidée par l’exécutif et avalisée lors des deux réunions
tripartites (gouvernement- Centrale syndicale-patronat), tenues l’année
dernière, la relance de l’octroi de crédits bancaires à la consommation
avait été entérinée par la loi de finances pour 2015.
Dans son article 88, modifiant et complétant l’article 75 de la loi de
finances complémentaire pour 2009, la loi de finances 2015 stipule que
«les banques sont autorisées à accorder, en sus des crédits immobiliers,
des crédits à la consommation destinés à l’acquisition de biens par les
ménages».
Suspendue depuis la mi-2009, les pouvoirs publics mettant en avant alors
le souci de réduire les sorties de devises et de juguler l’envolée des
importations, l’allocation des crédits à la consommation est ainsi
réimpulsée plus de six ans dans «le cadre de la relance des activités
économiques», comme le précise l’article 88.
Selon ses promoteurs, la réintroduction de ce crédit vise à booster la
consommation de produits fabriqués localement, permettant ainsi de
satisfaire la demande domestique mais aussi stimulant l’activité
industrielle et de prestation de services en élargissant les carnets de
commandes des entreprises.
Toutefois, la loi de finances 2015 prévoit que «les modalités
d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire».
Or, deux mois et demi après l’entrée en vigueur du texte législatif,
cette mesure n’est pas encore entrée en application.
En effet, le texte réglementaire, un décret exécutif, n’a pas encore été
promulgué, au moins jusqu’à la date d’hier, même s’il est censé avoir
été finalisé. Sera-t-il finalisé, signé et publié au Journal officiel à
temps ? Le sera-t-il à court ou à moyen terme ? Car élaboré au niveau
d’un groupe de travail représentatif des partenaires socioéconomiques,
des banques et des départements ministériels, ce décret doit fixer les
conditions exactes ainsi que les modalités de mise en œuvre de la
relance.
Ainsi, le décret attendu définit le type et les conditions du crédit à
la consommation, son montant et sa durée. Comme déjà rapporté, le décret
prévoirait une durée du crédit de trois à 60 mois, un financement
bancaire égal au maximum à 70% du bien à acquérir pour une quotité de
remboursement qui ne devra pas dépasser 30% du revenu mensuel.
Néanmoins, la nature des produits et services éligibles au
«crédit-conso» n’est pas encore définie officiellement, tant par ce
décret que par le biais d’arrêtés ministériels et interministériels,
escomptés en cours de maturation et liés à la promulgation dudit décret.
Cela même si les produits électroménagers, électroniques et
d’ameublement, les matériaux de construction, voire le véhicule Renault
assemblé à Oran, sont réputés concernés.
En fait, les critères définissant la production éligible, l’identité des
entreprises concernées ainsi que le taux d’intégration adéquat ne sont
pas encore connus. Cela même si les partenaires socioéconomiques
convergent sur le principe de la territorialité, tout ce qui est créé ou
assemblé sur le sol algérien méritant le label de produit national comme
le relevait récemment un dirigeant du Forum des chefs d’entreprises,
ainsi que sur l’inopportunité de fixer un taux d’intégration unique. Or,
les banques ne pourront octroyer de tels crédits aux postulants dans la
mesure où les produits concernés ne sont pas identifiés et que les
conditions financières et modalités pratiques ne sont pas encore
précisées.
Cela même si nombre d’établissements bancaires assuraient l’année
dernière de leur disponibilité à mettre en œuvre une telle mesure, étant
déjà prêts en termes logistiques et ayant déjà offert des prestations
dans ce domaine, durant la période antérieure à l’ordonnance de juillet
2009. Mais l’aptitude des banques à prester concrètement risque d’être
encore incertaine, bridée au-delà de leurs capacités d’engagements et
aux niveaux de liquidités par le fait que la Centrale des risques
d’impayés des entreprises et ménages ne soit pas encore opérationnelle
au niveau de la Banque d’Algérie.
Inscrite dans le processus de modernisation de la gestion des risques,
l’installation définitive de la nouvelle Centrale des risques avait été
annoncée pour le second semestre 2015. Une échéance que le gouverneur de
la Banque d’Algérie avait évoquée à maintes reprises ces derniers temps
mais qui s’avère encore incertaine, voire lointaine.
De fait, l’impulsion d’une telle instance à même de contrôler, freiner
le risque d’endettement des ménages s’avère contrainte, au-delà des
facteurs logistiques et autres malgré les initiatives de l’autorité
bancaire, par l’absence d’engagement réel des pouvoirs publics. Un
engagement que le contexte financier et économique actuel, marqué par
les velléités du gouvernement de stimuler la production et l’entreprise
nationales mais aussi par la baisse accentuée des cours du pétrole,
risque en fait de brider. Dans la mesure où les finances publiques sont
à l’orange, imposant une gestion rigoureuse et moins dépensière, une
visibilité et lisibilité meilleures de la conduite économique mais que
les pouvoirs publics peinent cependant à concrétiser, à assumer, le
risque de voir la mise en œuvre du crédit à la consommation reportée à
terme, voire aux calendes grecques est patent.
En d’autres termes, le dispositif de rationalisation des dépenses
publiques, annoncé par l’exécutif et dont l’application s’avère assez
chaotique, pourrait se traduire par une remise en cause tacite, plus ou
moins partielle, de la disposition législative. Dans la mesure où des
produits éligibles au crédit-conso sont fabriqués localement mais
assemblés à partir d’intrants et composants importés, l’exécutif
pourrait imposer directement ou indirectement des mesures contraignantes
à l’égard de ces importations. Ce que d’aucuns pourraient, certes,
interpréter comme indu de la part des pouvoirs publics mais une pratique
«normale» au vu des us de la gouvernance économique et financière en
œuvre depuis des décades en Algérie.
En somme, les pouvoirs publics ayant souvent propension à atermoyer, la
Centrale des risques n’étant pas encore opérationnelle, la nature des
produits éligibles n’étant pas encore publiée, le tout dans un contexte
de baisse des cours de l’or noir, la relance du crédit à la consommation
n’interviendra pas de sitôt.
C. B.
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