Contribution : Académie, dites-vous ?

Par Abdelkader Khelladi, professeur, fac de maths USTHB
L’Algérie a enfin décidé de se doter d’une Académie des sciences, très vieux projet qui n’a pu être mis en œuvre faute de masse critique de scientifiques au lendemain de l’indépendance.

De nombreuses initiatives personnelles n’ont pu aboutir, faute d’implication directe et claire des universitaires des établissements algériens d’enseignement supérieurs. Depuis quelques années, le projet a fait un bond dans la préparation puisque des institutions publiques prestigieuses y ont été associées, sur initiative de l’Etat : Mesrs, Cnes et autres.
La démarche nouvelle, initiée par le gouvernement algérien, qui a donné la responsabilité de la préparation au Mesrs, a permis d’avancer sérieusement dans les préparatifs de mise en place de cette institution prestigieuse, l’Académie des sciences algérienne.
Une commission (ou comité selon les terminologies utilisées par les uns et les autres) a travaillé au sein du Mesrs au niveau national, mais des institutions internationales comparables, qui ont une existence qui se compte en siècles pour certaines, ont été sollicitées. Cette dernière implication avait un but noble : éviter les dérives qu’une telle naissance, tant attendue et désirée par beaucoup, pouvait provoquer dans la communauté scientifique nationale.
Cette démarche, louable en soi, devait aboutir à la naissance officielle de l’Académie des sciences algérienne et à la mise en place de procédures de démarrage, notamment le choix des premiers académiciens algériens, après la publication du texte officiel du gouvernement qui consacrerait la naissance officielle de l’académie et aussi le démarrage des appels à candidature, selon des critères usuels appliqués par les académies étrangères.
Cela semblait trop beau : enfin une académie des sciences algérienne, née dans les honneurs et la clarté, tant dans la démarche scientifique que dans la démarche administrative.
Les universitaires algériens, intéressés ou non par une candidature, ont eu l’«agréable» surprise d’apprendre que les candidatures étaient ouvertes, selon des critères de choix retenus par on ne sait qui et surtout que des délais de transmission des candidatures étaient fixés à des dates pour le moins incompréhensibles et fantaisistes.
De plus, les dossiers devraient être envoyés par email à une adresse personnelle et non une adresse institutionnelle ! Le site officiel de la DGRSDT a, en effet, brillé par une incohérence que l’on ne lui connaissait pas.
Il y a eu d’abord, vers la fin décembre 2014, une annonce sur ce site, sans aucune information de la communauté scientifique concernée ni même les établissements d’enseignement supérieur (certains ?) fixant des critères incompatibles avec les critères des académies étrangères et surtout fixant la date limite et ultime de dépôt des candidatures au 30 janvier 2015. Beaucoup n’ont eu l’information que le 29 janvier au soir !
Pour on ne sait quelles raisons (scientifiques ? Transparence ? Interventions ?) le délai a été reporté au 15 mars 2015 en haut de la page web du site alors que le bas indiquait, curieusement, la date du 15 février, rien que cela ! Les critères, eux, n’avaient pas changé. Et, plus étrange encore, on note que toute mention a disparu de ce site, consulté ce jour du 10 mars 2015 !
La communauté scientifique nationale devrait et est en droit de s’inquiéter d’une telle approche qui ne laisse aucun doute pour poser la question fondamentale : que veut-on faire de cette académie et qui est derrière de tels comportements ? D’autant plus que la démarche rationnelle est évidente et saute aux yeux de tous. On peut présenter ce processus dans l’ordre comme suit :
1- publier le texte légal de création de l’Académie des sciences algérienne. Ce texte, acte de naissance, doit prévoir explicitement, sous une forme ou sous une autre, les modalités de démarrage de l’académie (qui s’occupe de quoi). Aucune démarche ne peut se justifier avant cette consécration officielle de la naissance de l’académie ;
2 - informer toute la communauté des scientifiques algériens et même la population algérienne de ce nouvel acquis pour le pays ;
3 - diffuser les critères de candidature en collaboration avec les institutions internationales qui ont été consultées (impliquées ?) pour la préparation ;
4 - s’assurer que les premiers académiciens algériens, qui seront nommés après que le travail de la commission ad hoc internationale ait fait les choix, celles et ceux qui doivent en assumer et guider les premiers pas de cette jeune institution nationale, qui doit rayonner sur le pays et le monde, doivent être choisis dans une totale transparence : ceux-là seront celles et ceux qui étudieront et voteront sur les futurs dossiers de candidature des futurs académiciens et de leur intégration.
C’est cette démarche transparente, légaliste, claire et politiquement correcte, et acceptable nécessaire, qui ne fait naître aucun doute dans l’esprit de personne y compris nos partenaires, qui est seule à doter notre pays d’une institution scientifique, académique au sens premier du terme, institution dont notre pays rêve depuis le recouvrement de sa souveraineté.
A. K.



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