Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
Yémen, cette fausse unité arabe
France, le racisme se territorialise
Hassan Zerrouky.
Sous
une photo montrant Barack Obama et Benyamin Netanyahu se bidonnant comme
de vieux complices, on trouve cette légende : «Les Arabes ont réussi à
s’unir…contre le Yémen.» Il faut dire que la coalition arabe conduite
par l’Arabie Saoudite pour empêcher les rebelles chiites houthis de
s’emparer d’Aden, n’a jamais fait montre d’un esprit aussi guerrier et
unitaire lorsqu’il s’agissait d’aider les Palestiniens. La chute d'Aden
serait un revers considérable pour cette coalition arabe, qui a répété à
plusieurs reprises que son objectif était que le gouvernement du
président Mansour Hadi, chassé de Sanaâ, puisse s'y maintenir.
C’est la deuxième fois en quatre ans que les pétromonarchies du Golfe
interviennent militairement dans un pays de la région. En 2011, elles
ont volé au secours de la dynastie sunnite de l’émir Hamed ben Issa
al-Khalifa, au pouvoir dans l’émirat de Bahreïn depuis deux siècles,
confrontée à d’importantes manifestations populaires conduites par une
coalition de partis d'opposition comprenant le premier parti chiite du
pays, le Wefak. On était dans ce qu’on appelait alors le «printemps
arabe» et la révolte chiite, pourtant pacifique, a été écrasée sans que
les Etats-Unis et leurs alliés, rivés sur la Libye de Kadhafi et la
Syrie de Bachar, ne bougent le petit doigt. C’est que Bahreïn abrite le
quartier général de la Cinquième flotte US. C’est dans le port de
Manama, capitale du Bahreïn, que mouillent les porte-avions USS Kitty
Hawk (CV-63), USS Constellation (CV-64), USS Theodore Roosevelt (CVN-71),
USS Abraham Lincoln (CVN-72) et USS Harry Truman (CVN-75) et sept autres
navires de guerre. Tous ces joujoux, qui avaient pris part à la guerre
contre le régime de Saddam en mars 2003, sont surtout là pour protéger
les monarchies arabes contre le méchant iranien. Et dans le cas du
Yémen, l’US Navy a mis ses moyens de surveillance électronique au
service de ses protégés arabes.
Reste à savoir si cette armada arabe, qui bénéficie du soutien de la
Turquie et du Pakistan – ce dernier va envoyer des troupes au sol –
viendra à bout des montagnards houthis. Car en dépit de l'offensive
aérienne déclenchée par l'Arabie Saoudite et ses alliés en soutien au
président Abd-Rabbou Mansour Hadi, les miliciens chiites houthis et
leurs alliés ne relâchent pas la pression. Et puis, chacun sait que les
montagnes du Yémen, à côté desquelles nos montagnes algériennes font
figure de collines, constituent un redoutable piège pour tous ceux qui
s’aviseraient à envahir le pays.
En Syrie, le soutien turc et arabe à l’opposition islamiste a été
déterminant dans la prise de la ville d’Idleb, dans le nord du pays. Ce
chef-lieu de province est tombé samedi dernier entre les mains des
djihadistes du Front al Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, et de ses
alliés salafistes d’Ahrar Cham. Sans attendre, al-Nosra a annoncé la
couleur. Elle va établir un émirat ayant pour capitale Idleb dans le
nord-est de la Syrie.
Et elle pourra compter sur Tayyip Erdogan pour consolider ses positions.
Voilà donc la Syrie dépecée avec l’établissement de deux califats :
l’Etat islamique d’Abou Bakr al-Baghdadi et l’émirat du nord-est du pays
qu’ Abou Mohamed al-Julani, le chef d’al-Nosra, veut constituer. Il
n’empêche. La Coalition nationale de l'opposition en exil (CNS) est bien
la seule à saluer une «importante victoire sur le chemin de la
libération totale du territoire syrien». Comme dirait l’autre : il est
permis de rêver.
En France, malgré son bon score aux élections cantonales de dimanche –
c’est désormais la deuxième force politique du pays — le Front national
(FN) de Marine Le Pen n’a pas réussi à s’emparer d’un seul département.
Mais, aux prochaines élections régionales de l’automne prochain, il
risque de s’emparer d’au moins deux régions, l’une dans le nord de la
France, et l’autre, la région Rhône-Alpes, dans le sud-est du pays.
Le racisme et la xénophobie sont en voie de s’institutionnaliser. Voilà
donc le FN en passe de se territorialiser en se dotant de deux petits
«émirats» à partir desquels il pourrait partir à la conquête du pays de
France.
H. Z.
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