Chronique du jour : Lettre de province
La Constitution, cet increvable subterfuge !
Par Boubakeur Hamidechi
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Avec
cette histoire de l’amendement… à rebours de la Constitution, nous avons
la preuve que la forfaiture politique avait été bel et bien au
rendez-vous du vote au Parlement, un certain 12 novembre 2008.
En effet, ce qui avait, toujours, été réfuté comme une malveillance
d’analystes et d’opposants, ne vient-il pas d’être vérifié à travers le
souhait de revenir à la saine clause limitant les mandats ? Incidemment
donc, c’est le pouvoir lui-même qui réactive la polémique au sujet d’une
démarche, inavouable quant à ses objectifs, et qui l’a autorisé jusqu’à
ce jour à exercer son haut magistère. Sans le vouloir explicitement ou
plutôt sans en avoir mesuré le caractère accusateur de la proposition,
Bouteflika s’est clairement autodésigné comme le principal ordonnateur
de ce qui s’est commis à l’approche de la fin de son second mandat. Car
pour avoir systématiquement réfuté l’idée d’un débat national autour
d’une constituante, accoucheuse d’une seconde république, pour ensuite
s’accorder le privilège exorbitant de ne pas recourir à l’acte
référendaire, n’avait-il pas, en 2008, sacrifié tous les formalismes qui
encadrent l’exercice de l’autorité ?
Il est vrai que contrairement à son prédécesseur (Zeroual) manquant
d’expérience, lui était déjà un transfuge d’un système fondé sur
l’autoritarisme. C’est ainsi que grâce à de multiples opérations de
subornation du «pouvoir» législatif, il parvint à en faire une
dépendance obéissante. D’ailleurs la dot que le Parlement de godillots
lui avait offerte en 2008 ne représente-t-elle pas toujours la pire
démission d’une classe politique certes capitularde par frilosité mais
pas au point d’être le soutier d’un régime d’aventuriers. C’est que le
drame de l’Algérie en 2015 ne se mesure plus ou plutôt ne s’illustre que
peu dans ses échecs économiques et sociaux. Il est terriblement
perceptible dans l’indifférence qu’elle suscite parmi le concert des
nations. Or, le désintérêt qu’elle inspire tient au fait essentiel
qu’elle n’est presque plus gouvernée comme il se doit. Conséquence d’une
coupable soumission à un pouvoir à vie, l’Etat se retrouve dans la
configuration inédite d’une vacance au sommet de sa direction et, dans
le même temps, incapable de susciter l’idée d’une succession. Malgré le
basculement brutal de 2013, consécutif à l’inaptitude médicale du
Président, le cartel qui a pris les rênes au palais pense être en mesure
de recomposer les rapports politiques en faisant de l’esbroufe avec la
vieille promesse d’une nouvelle Constitution.
En reprenant, dans les circonstances présentes, le carrousel des
consultations en interne, l’on pense probablement faire pièce aux appels
pressants des courants politiques qui dénoncent l’impasse nationale. Or,
même le secours des fuites, sciemment organisées afin d’alimenter les
moulins de la communication, ne semble guère porter ses fruits.
L’instance dans laquelle se reconnaît une bonne partie de l’opposition
vient effectivement de s’inscrire en faux contre la démarche du palais.
Pour celle-là, la paralysie du pays n’est même plus soluble dans une
révision de la loi fondamentale, car il est impératif de remettre
d’abord en cause l’ensemble des légitimités dans les institutions de
l’Etat. Alors que le concept de transition est avancé aussi bien par le
palais que par l’opposition, il est cependant notoire que, d’un côté
comme de l’autre, l’on ne parle pas de la même démarche. Ainsi, lorsque
l’on prête à Bouteflika le désir (faute de volonté réelle) d’organiser
au mieux son effacement du pouvoir d’une manière progressive (jusqu’en
2019 ?) en constitutionnalisant à nouveau la fonction de chef du
gouvernement en la dotant de prérogatives étendues ; l’on croit savoir,
par ailleurs, qu’une large base de l’élite politique donne un autre sens
à la notion de transition. Il s’agirait, selon cette dernière,
d’organiser la «transition» de l’Algérie vers une seconde République et
non pas accompagner une «transition» vers la sortie, d’un régime
moribond ! D’où l’immense malentendu sur les objectifs-clés de chacune
des deux parties.
Au moment où les prétoriens du régime jettent en pâture l’idée d’une
Constitution comme atout majeur et prétendument consensuel, l’opposition
rétorque que le pays n’est plus dans le même cas de figure qu’en 2011.
Dorénavant, si une Constitution venait à être adoptée, celle-ci
s’écrirait alors en l’absence du régime actuel et avec certainement une
vision tout à fait différente de ce que ce dernier pouvait inspirer,
ajoute-t-on.
Or, si la contradiction achoppe sur les buts à atteindre, il ne semble
plus exact de recourir à l’exorcisme sémantique qui veut donner au
vocable de «transition» le synonyme de «pacifique». Et pour cause, alors
que le palais s’efforce d’enfumer la classe politique en lui offrant une
nouvelle version de la Constitution qu’exigent les courants
intransigeants si ce n’est la dissolution du régime sans préalable ni
marque de respect ! Il n’y a, par conséquent, «rien de pacifique» dans
ce genre de confrontations des destins, n’est-ce pas ?
B. H.
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