Actualités : Bouteflika tire la sonnette d'alarme à l'ouverture de
«Constantine, capitale de la culture arabe» :
«Il faut prémunir notre jeunesse de l’extrémisme religieux»
De notre envoyé spécial à Constantine, Kamel
Amarni
La manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe» a été donc
officiellement lancée dans la soirée de jeudi dernier en la présence,
pour l'occasion, du Premier ministre Abdelmalek Sellal, du président de
l'Assemblée, Larbi Ould Khelifa, du président du Conseil
constitutionnel, Mourad Medelci, du secrétaire général de la Ligue
arabe, Nabil El Arrabi, ainsi que de quasiment l'ensemble des membres du
gouvernement. Pour les raisons que tout le monde connaît, c'est via une
«lettre» de Abdelaziz Bouteflika que la manifestation sera
officiellement inaugurée.
Comme pour la célébration de l'anniversaire du 19 Mars, c'est le
conseiller Benamar Zerhouni qui a été chargé de lire le message
présidentiel dans cette imposante et nouvelle salle se spectacle, le
Zenith, rebaptisée, dans ce «message» même, du nom du dernier des
dirigeants ottomans de la ville, Ahmed Bey. Pour la circonstance, le
message de Abdelaziz Bouteflika évoquera une question sensible et
combien d'actualité : la déferlante du discours, et même des actes
intégristes dans la société algérienne profondément infestée par les
salafistes. De même qu'un système éducatif qui lui assure un afflux de
renforts massifs et constant. «Il est évident que les nations ne se
valent pas en termes de progrès, de développement et de créativité.
Cette différence n'est pas fortuite mais traduit tout l’intérêt et
l'importance que chacune accorde aux savants, au savoir, et à la
rationalité scientifique. Le tout est fondé sur un dialogue constructif
qui rejette toute forme d'extrémisme et de violence, un dialogue qui
fait primer l’intérêt général sur l’intérêt particulier», commence par
insinuer l'auteur de la lettre.
Avant de se faire mieux comprendre : «La culture est le socle de la
nation et le ciment qui consolide son unité. Il convient ainsi de la
renforcer, de l'approfondir et de la promouvoir afin de sauvegarder
notre sécurité culturelle en ces temps de mondialisation galopante, mais
aussi de renforcer l'immunité des plus jeunes pour mieux les prémunir de
l'extrémisme religieux et du fanatisme sectaire dont ils peuvent être
les proies faciles.» Ce ne sont d'ailleurs pas les exemples illustratifs
de la chose qui manquent, comme on a eu à le constater au cours d'une
frénétique campagne salafiste contre la note du ministre du Commerce sur
l'autorisation administrative de la vente d'alcool, et l'inacceptable
concession du gouvernement, mardi dernier. Dans sa lettre, Bouteflika
expliquera son propos en ajoutant «qu'en l'occurrence, il s'agit d'armer
la jeunesse d'une culture qui l'incite à puiser dans le passé glorieux
de notre nation et à se nourrir de ses valeurs les plus nobles, tout en
s'éloignant des facteurs de division, de fitna, qui sont par essence
dangereuses pour la plénitude des liens unissant les enfants d'une même
nation». Et pour y aboutir, le rôle de l’école et du système éducatif
est au cœur même de la problématique : «Il est plus que jamais
nécessaire d'enrichir notre système d'enseignement d'un contenu culturel
puisé à la source de notre histoire et dans la créativité de nos
écrivains et de nos artistes pour que l'on puisse transmettre aux
générations montantes les messages de patriotisme, de valeurs
authentiques et de bonne moralité sociale que véhiculent ces créateurs».
Plaidant pour l'exploration et la promotion des «disciplines aussi
actuelles que les sciences exactes», ainsi qu'à «préserver nos gisements
culturels et l'intégrité de notre patrimoine civilisationnel», il
interpellera l'élite. «A cet égard, écrira-t-il, je lance un appel aux
hommes de culture et de lettres, aux savants et penseurs, pour les
exhorter à donner le meilleur d'eux-mêmes pour pouvoir diffuser la
culture de la modération et de la tolérance et d'en faire, pour nous
tous, un rempart infranchissable contre les tenants de l'ignorance et de
l'obscurantisme». Un peu plus loin, il lancera un autre appel similaire
mais d'ordre plus général : «Nous exhortons les enfants de cette nation
à s'opposer à la violence destructrice par la créativité et la pensée
éclairée pour permettre à cette même nation de renouer avec ses honneurs
d'antan. Il s'agit de forcer le respect et la considération et
promouvoir les valeurs de tolérance, de réconciliation et d'entente en
demeurant attachés à l'unité nationale dans tous les conflits arabes en
cours, non seulement en tant qu'exigence politique, mais, en premier
lieu, en tant que valeur culturelle et civilisationnelle». L'influence
exponentielle des «salafistes» en Algérie constitue une préoccupation
visible tout au long de ce discours. Ainsi, également de cette autre
allusion : «Je reste convaincu que notre réussite dans ce monde
mondialisé passe par l'édification d'une économie forte et d'un système
éducatif bien établi. Pour ce faire, nous œuvrons pour que nos enfants
ne se nourrissent que du travail de leur terre, ne se vêtissent que de
ce que fabriquent leurs usines et ne prennent comme source de réflexion
et de vie que leur culture propre.» Le discours insiste constamment sur
le système éducatif qui «doit être le meilleur moyen d'ancrer l'identité
de nos enfants , à travers un renforcement de leurs connaissances et de
leurs potentialités et leur ouverture aux cultures et langues
universelles , notamment en tirant avantage des progrès technologiques».
Avec de tels constats et à un tel niveau de responsabilité, l’État
algérien a-t-il, enfin, pris conscience de l’extrême urgence d'extraire
l'école des griffes de l'islamisme qui la contrôle, en réalité ?
K. A.
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