Actualités : IMPORTATION DE VÉHICULES
Vers l’annulation du nouveau cahier des charges ?
Se dirige-t-on vers l’abrogation de l’arrêté
ministériel conditionnant le cahier des charges de l’activité des
concessionnaires de véhicules et, par conséquent, l’annulation de ce
cahier des charges ? Possible, dans la mesure où le texte promulgué
mercredi dernier comporte une incohérence liée au mode de règlement des
importations.
Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir)
L’activité des concessionnaires automobiles en Algérie est régie
depuis le début de l’année par un nouveau dispositif réglementaire. Un
décret exécutif a été publié le 8 février dernier au Journal officiel,
fixant les conditions et les modalités d’exercice de l’activité des
concessionnaires de véhicules neufs.
Le 23 mars suivant, le ministre de l’Industrie et des Mines a signé un
arrêté fixant les cahiers des charges relatifs aux conditions et
modalités d’exercice des activités de concessionnaires de véhicules
(automobiles, remorques et semi-remorques et engins roulants) neufs.
Cet arrêté ministériel n’est cependant paru au Journal officiel que le
1er avril dernier. Ce faisant, un dispositif réglementaire qui entend
contribuer à l’organisation, la professionnalisation de l’activité,
définir les obligations des concessionnaires en matière de sécurité et
garantir les droits et intérêts des acquéreurs. Néanmoins, un dispositif
réglementaire, fondamentalement l’arrêté ministériel, dont l’application
pose problème.
Déjà élaboré de manière unilatérale par le département de Abdesselam
Bouchouareb, même si des réunions de «concertation» sont censées avoir
été tenues avec des représentants du réseau de distribution, l’arrêté
comporte une incohérence, une incongruité.
Ainsi, l’article 2 de l’arrêté ministériel stipule que «les commandes de
véhicules automobiles neufs passées et ayant fait l’objet d’une lettre
de crédit avant la date de signature du présent arrêté ne sont pas
concernées par les dispositions de l’article 23 du cahier des charges»
(relatives aux nouveaux équipements de sécurité obligatoires). Notons
que la version de l’arrêté ministériel parue le 23 mars sur le site
internet du département de Abdesselam Bouchouareb comportait une version
différente. Il était noté que «les commandes de véhicules automobiles
neufs passées et ayant fait l’objet d’une domiciliation bancaire avant
la date de signature de cet arrêté ne sont pas concernées par les
dispositions de l’article 23 relatif aux nouveaux équipements de
sécurité».
En effet, l’expression «domiciliation bancaire» publiée sur le site
internet a été remplacée par «lettre de crédit» dans le Journal
officiel. Pourquoi ce changement d’intitulé ? A-t-il été décidé lors
d’une réunion de concertation ou sur intervention d’une tierce partie ?
Ou bien les auteurs du texte auraient-ils confondu les deux termes ? Si
tel était le cas, ce serait incompréhensible, inconcevable. Mais au-delà
de cette incongruité, c’est la situation d’imbroglio dans laquelle se
trouvent déjà les banques, les ports et les services douaniers, qui est
également inconcevable.
Les commandes de véhicules domiciliées avant le 23 mars 2015, date de
signature de l’arrêté, et en cours de dédouanement seront-elles
considérées en infraction par rapport à l’arrêté ? Serait-ce également
le cas pour les commandes domiciliées entre le 23 mars et le 9 avril
2015, date à laquelle les opérations de domiciliation bancaire avaient
été suspendues par l’Association professionnelle des banques et
établissements financiers (ABEF) ?
En d’autres termes, les véhicules importés sur la base d’une lettre de
crédit seraient-ils les seuls à pouvoir être dédouanés, dans la mesure
où ils ont été commandés conformément à la disposition de l’arrêté
promulgué ? Or, l’ouverture d’une lettre de crédit n’est qu’un des
moyens de règlement des importations, la législation algérienne
permettant le recours aussi à la remise documentaire. Des
questionnements déjà soulevés mais dont l’acuité reste cependant vive.
En effet, des commandes de véhicules neufs ont été domiciliées par les
banques entre le 23 mars et le 9 avril pour un montant de plus de 700
millions d’euros. Si ces commandes domiciliées essentiellement par
remise documentaire sont considérées en situation d’infraction
réglementaire, et donc refusées au dédouanement, ces financements
seraient-ils alors perdus ? Ce qui représenterait une perte pour
l’économie algérienne, quoique un gain pour les banques étrangères
domiciliataires des constructeurs. Et ce au-delà de la saturation des
enceintes portuaires, l’impossibilité de déchargement des bateaux et le
non-respect des engagements pris envers les clients.
Les nouvelles dispositions régissant l’activité des concessionnaires
automobiles ont-elles été élaborées sans prendre en compte et cette
incohérence et ce coût ? Quelles mesures devront prendre alors les
Douanes, les entreprises portuaires, la Banque d’Algérie et les banques
pour pouvoir gérer cette problématique ? Dans ce contexte, l’application
de l’arrêté ministériel relèvera de l’impossible et contraindra
certainement les pouvoirs publics à réagir. Ce qui suppose au moins la
possibilité d’abroger cet arrêté ministériel et par conséquent
l’annulation des cahiers des charges exigibles aux concessionnaires
automobiles ? Se dirige-t-on alors vers cette perspective ? Peut-être.
Et cela même si le ministre de l’Industrie arguait, deux jours avant la
parution au Journal officiel, du caractère quasi irréversible de cet
arrêté.
C. B.
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