Actualités : Transparence

Par Bouchan Hadj-Chikh
Perestroïka et Glasnost – restructuration et transparence – étaient les maîtres mots de l’ère Mikhaïl Gorbatchev. Dans les rues de Moscou, ou lors de rencontres officielles, ces deux mots dominaient les conversations dans les années 1980. Je n’y ai pas coupé. Deux heures durant, au cours d’un déjeuner dans la salle à manger de l’ambassade d’Algérie à Moscou, un ministre, invité d’honneur de Son Excellence, M. Yala, se fit le meilleur avocat de ce virage qui fascinait la planète. L’Union soviétique allait mieux, assurait-il. Quelques mois plus tard, mon distingué confrère, Zoubir Souissi, eut le privilège d’interviewer le secrétaire général du PCUS et, me confia-t-il, se permit même de recommander son interprète auprès du dirigeant de la seconde puissance militaire mondiale pour les enthousiastes explications qu’il lui fournit en guise de la préparation à sa rencontre «historique». L’histoire dit que M. Gorbatchev prit note de son nom.
Puis vint le désastreux M. Eltsine. Clown grotesque. Se permettant un geste coquin repris par toutes les télévisions de la planète. Et la conséquence, la démonétisation de son pays au regard des amis comme des ennemis de ce peuple qui fêtera bientôt l’écrasement de l’Allemagne nazie, il y a 70 ans, au terme d’une douloureuse et héroïque «guerre patriotique», comme ils la nomment. Jusqu’à l’arrivée de M. Vladimir Poutine. Peut-être que ce dernier, en termes de restructuration, en a-t-il fait assez pour que son pays soit craint et retrouve son rang. Ses rapports, en tout cas, avec la presse, montrent une volonté évidente de transparence. Et la Russie paraît moins opaque. Plus transparente, assurément. Pas au point d’être invisible, tout de même. Mais transparente. Transparente au point où, très officiellement, le site du Kremlin vient de publier les revenus annuels de M. Poutine. Nous apprenons ainsi qu’en 2014, ils atteignaient 137 000 euros contre 67 106 euros en 2013. Ils ne frisent pas l’indécence. Après tout, c’est tout juste le salaire annuel d’un directeur dans le système des Nations-Unies. Revenus qui, selon l’échelle des salaires au Kremlin, sont inférieurs à ceux de certains de ses collaborateurs. On nous annonce, en outre, qu’il dispose, en propre, d’un appartement de 77 mètres carrés et qu’il occupe un second, sans doute de fonction, de quelque 150 mètres carrés. Plus trois voitures. Si nous savons tout des revenus du Président Poutine, de son patrimoine, ou presque, nous ne savons rien, en revanche, de ceux du nôtre et de son entourage. Depuis quelques jours, je suis curieux de voir la déclaration d’impôt de M. Abdelaziz Bouteflika, du président de l’Assemblée nationale et du Sénat, des ministres, des députés et des sénateurs sur le site du gouvernement et de la présidence de la République. Après tout, pourquoi pas ?
A ce jour, pour faire «Etat moderne», et ne pas effaroucher les observateurs, les candidats aux élections présidentielles sont tenus, en effet, de produire une déclaration de leur patrimoine. Puisqu’il n’y eut aucune contestation, nous les tenons pour vraies, vérifiées par les services compétents. Argent propre qui n’aura pas slalomé pour s’exporter en évitant les contrôles de change. Reste, un arrière-goût.
Si, en effet, je me suis contenté, avec beaucoup d’autres, de leur déclaration de patrimoine, j’attends de prendre connaissance de leurs déclarations de revenus. Et, dans le droit fil de mes attentes, pour eux, comme pour M. Poutine et ses collaborateurs, j’espère bien pouvoir, un jour, me pencher sur les déclarations de leurs biens en fin de mandat. Estampillées propres. Sans bavure. Pour assainir un climat qui en a besoin.
Si elle venait à être déposée sur les bureaux des Assemblées, je ne doute pas, mon irréductible optimisme aidant, que les «siégeants» à tous les niveaux adopteraient une telle proposition de loi. Connaissant l’abnégation des responsables, nous la tiendrons pour une «invite» à «une vie meilleure» pour les «ex» quelque chose. Afin que leur soit assurée une vie «après» sans que pèse sur eux le moindre soupçon.
Peut-être même pourrait-on suggérer de graver ces dispositions dans le marbre, comme on dit. Un article, peut-être, dans la nouvelle Constitution, ou sa révision. Ce texte toujours en gestation, nous disent les meilleurs accoucheurs. Longue gestation, s’il en est, qui nous fait craindre le recours à une césarienne pour sauver la matrie.
B. H.-C.



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