Actualités : IMPORTATIONS ET FUITES DE CAPITAUX
Les banques mises en alerte
L'Etat est décidément bien déterminé à donner un
grand coup de pied dans la fourmilière et mettre fin à l'anarchie, à la
passivité et, disons-le, à ce véritable avaloir qui siphonne les
ressources nationales en devises : les importations et les transferts
des capitaux. Après les mesures du gouvernement, notamment du ministère
du Commerce et celles prises par la Banque d'Algérie, c'est au tour de
l'Association des banques et des établissements financiers (Abef) de
resserrer davantage l'étau contre les fraudeurs.
Kamel Amarni - Alger (Le Soir)
Dans «une note de vigilance à l'attention des banques, relative à
l'application de la réglementation des changes et au traitement des
opérations de commerce extérieur et transfert des capitaux» transmise
mardi dernier et dont nous avons obtenu une copie, l'Abef enjoint à tous
les organismes financiers du pays de ne plus jamais négliger le moindre
détail et passer au peigne fin toute opération liée au commerce
extérieur.
«Cette note intervient suite aux constats de cas de fraudes et de
transferts illicites des capitaux en matière de commerce extérieur»,
précise le texte. Rappelant une précédente note, émise par la Banque
d'Algérie en date du 12 février 2015, ainsi qu'une autre émanant de la
direction générale des changes, la note de l'Abef n'y va pas par
trente-six chemin.
Il y est écrit, clairement, que «ces mesures pourraient être confortées
par d'autres mesures et dispositions adoptées par les autres acteurs
intervenant dans la chaîne de déroulement d'une opération de commerce
extérieur (ministère du Commerce, Direction générale des douanes,
Direction générale des impôts et Banque d'Algérie)». Mais d’ores et
déjà, «l'examen et l'analyse des cas de fraude relevés ont permis de
tirer des enseignements», relève la note. Lesquels enseignements qui
«inspirent» une série de mesures de vigilance
«Faire attention au profil juridique des opérateurs»
Outre l'article 42 du règlement n°07/01de la Banque d'Algérie qui «fait
obligation à la banque de s'assurer, préalablement à la réalisation
d'une opération de commerce extérieur, de la surface financière du
client», la note de l'Abef préconise une autre précaution : «Ce principe
général gagnerait à être affiné dans le sens d'une prise en charge, non
seulement du risque crédit, mais également du risque de conformité et du
risque opérationnel (...)».
Un autre cas est particulièrement indiqué dans la même note comme
potentiellement propice aux fraudes et infractions. «Les sociétés
nouvellement créées, notamment de type Sarl, ne permettent pas une
évaluation fine du risque pris sur ce type de client. Le provisionnement
à 100% de l'opération d'importation ne prémunit pas contre un risque de
non-conformité.
Aussi, et par mesure de prudence et pour ce type de profil
d'entreprises, les banques sont invitées à ne pas domicilier d'opération
d'importation pour des montants excédant deux fois les fonds propres de
l'entreprise.» Ce, avant de préciser davantage encore : «Il est entendu
par fonds propres de l'entreprise, le capital en numéraire augmenté
d'éventuels apports en compte courant des associés adressées à une LCAC
dûment recueillis par la banque.»
Viendra ensuite le cas d'un autre type de sociétés, celle dites
«sociétés soumises au statut fiscal du forfait». Celles-ci, rappelle la
note de l'Abef, «ne sont pas censées développer un chiffre d'affaires
supérieur à 30 millions de dinars.
De ce fait, il ne doit pas être permis à la société soumise au forfait
fiscal d’effectuer des transactions dont le montant annuel dépasserait
les 30 millions de dinars.
A ce titre, les banques sont invitées à effectuer les vérifications en
ce sens».
S'agissant des grosses boîtes, à savoir «les sociétés ayant un
historique suffisant (états financiers sur plusieurs années) et faisant
l'objet d'une évaluation “classique” généralement usitée en la matière»,
l'Abef recommande de traquer les opportunités de fraudes que certaines
pratiques permettaient jusque-là.
Il est précisé, à ce propos, qu'«il existe une proximité objective entre
la fraude et les infractions au contrôle des changes, d'une part, et le
blanchiment d'argent, d'autre part». Ainsi, «la constitution de Preg en
couverture d'opérations d'importations, par des versements en espèces
effectuées, le plus souvent par des tiers, semble être un canal
privilégié par les contrevenants.
A ce titre, il est fortement recommandé aux banques de refuser ce mode
opératoire, d'autant qu'il peut être source d'infraction à la
législation relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et le
financement du terrorisme».
Très au fait de toutes les failles qu'offre le système, mais aussi de
toutes les «ruses» auxquelles recourt une faune de faux importateurs et
qui ravage l'économie nationale, la puissante association des banques
met en garde contre «une autre pratique similaire et qui présente les
mêmes risques.
Il s'agit des actes notariés de reconnaissance de dettes servant de
justificatif à des dépôts d'espèces. Au même titre que le premier mode
opératoire, ce dernier devra être refusé par les banques lors de la
domiciliation des opérations de commerce extérieur».
«Renforcer la vigilance concernant les importations en provenance de
la Chine et de Dubaï»
Combien de fois, de prétendus importateurs lèvent-ils d'énormes fonds en
devises auprès des banques publiques sans jamais rien importer, ou alors
pour inonder le consommateur algérien par d’innombrables produits
impropres à la consommation et, parfois, tout simplement dangereux ? L'Abef
veut en finir avec ce véritable crime économique et sa note le signifie
expressément.
«Il est observé que des opérateurs domicilient de nouvelles opérations
sans que celles réalisées précédemment ne soient apurées. Cette
situation est tout à fait normale, notamment dans les cas de fournitures
partielles d'équipements intervenant dans le cas d'investissements
réalisés par un opérateur.
Cependant, ce cas de figure devrait être moins fréquent dans le cas
d'opérations d'importation de biens destinés à la revente en l'état.
Aussi, la vigilance des banques sur de telles situations est requise et
les autorise à surseoir à de nouvelles domiciliations avant apurement
des opérations devant l'être». Mieux, «la non-inscription de l'opérateur
sur le fichier des contrevenants à la réglementation des changes n'est
pas un obstacle à cette mesure de vigilance». Nul n'ignore, par
ailleurs, que le marché algérien est transformé, depuis des années, en
une véritable «décharge» de produits bas de gamme ou carrément nocifs en
provenance d'Asie, notamment la Chine.
«Il a été constaté, poursuit la note, que la majorité des banques
européennes exigent, pour les opérations d'importation en provenance de
Chine et de Dubaï, la fourniture par le fournisseur, avant transfert des
fonds, d'un certificat d'empotage, attestant de la qualité et quantité
des marchandises embarquées.» L'exemple à suivre, tout bonnement !
«Cette pratique de prudence des banques européennes à l'égard de
certaines places pourrait être étudiée et éventuellement utilisée par
les banques algériennes dès lors que l'opportunité et les conditions de
mise en œuvre de cette mesure auront été validées par l'autorité
monétaire».
Par ailleurs, l'Abef recommande de «black lister» des pays non
transparents sur le régime fiscal où nichent et prospèrent les sociétés
écrans.
Une opération qui nécessite, toutefois, le concours des pouvoirs publics
à travers, notamment, la Direction générale des impôts et la Direction
générale des douanes.
Par contre, et concernant «le fichier national des fraudeurs» il se
verra peaufiné par deux nouvelles mesures afin d'en améliorer
l’efficacité.
L'Abef les précise dans sa note : «L'inscription des opérateurs
fraudeurs devra, au-delà de la dénomination sociale, concerner
solidairement également le gérant et les actionnaires.»
De même qu'il sera désormais question «d'autoriser l'accès des banques
au fichier des opérateurs fraudeurs à l'instar de l'accès aux centrales
des risques et impayés ou à la base de données du Cnis (douanes)».
Il était vraiment temps...
K. A.
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