Actualités : AFFAIRE DE L’AUTOROUTE EST-OUEST
Le colonel Khaled face au juge


Sans surprise, le procès de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest a entamé, hier, sa vitesse de croisière. Ainsi, deux faits marquants ont caractérisé ce second jour du procès. Il s’agit de l’audition de deux mis en cause dans cette affaire, en l’occurrence M. Khaled, l’ex-colonel du DRS, et Chani Medjdoub, et la stratégie mise en place par le magistrat Tayeb Hellali pour arracher le maximum d’aveux, dans un dossier qui reste, aux yeux de tous les observateurs, très «complexe».

Abder Bettache - Alger (Le Soir)
Les auditions ont été entamé dans l’après-midi, juste après la fin de la lecture de l’arrêt de renvoi. Un document de 152 pages qui a nécessité une journée et demie de lecture. Le premier appelé à la barre était le colonel Khaled.
Un ex-officier supérieur de l’ANP, ayant occupé, pendant une dizaine d’années, le poste de conseiller du ministre de la Justice en sa qualité de colonel du DRS. Son appel à la barre par le président du tribunal criminel, M. Tayeb Hellali, pour son audition a surpris plus d’un. Personne en s’attendait que l’ex-officier supérieur de l’ANP soit le premier à être entendu par le tribunal criminel, d’autant que le mis en cause a été poursuivi pour des chefs d’inculpation relevant de la correctionnelle. Brun, longiligne, et portant un costume sombre, le colonel Khaled, de son vrai nom Ouazane Mohamed, a entamé son témoignage en relatant son parcours professionnel. «Je suis sortant de l’Ecole nationale d’administration de la filière diplomatie. Pour des raisons familiales, j’ai effectué une carrière de militaire et depuis, j’ai assuré plusieurs responsabilités tant en Algérie qu’à l’étranger, jusqu’à mon dernier poste en ma qualité de conseiller au niveau du ministère de la Justice», explique-t-il. C’est à ce moment précis que le magistrat lui demande de lui raconter sa relation avec Chani Medjdoub. Mais, l’ex-colonel du DRS a insisté auprès du magistrat pour expliquer notamment la nature de sa relation avec l’ex-secrétaire général du ministère des Travaux publics, M. Mohamed Bouchama.

«Ma relation avec Chani était familiale»
Le témoignage du colonel Khaled est attentivement suivi par l’assistance. De par le poste de responsabilité au moment des faits, son témoignage est considéré, dès lors, comme capital pour «comprendre les dessous de cette affaire».
Poursuivant son témoignage, il relate au tribunal comment il a connu Chani : «C'était après qu'il fut rentré en Algérie et vidé son mandat d'arrêt dans l'affaire du Fonds algéro-koweïtien pour l'investissement (FAKI). Chani a été condamné et s'est pourvu en appel. On m'a demandé de l'aider au début, ce que j'ai refusé en disant à des amis communs qu'il fallait suivre la procédure. C’est ce qui a été fait.»
Et de poursuivre : «J’ai connu Chani en 2006. Et Bouchama, depuis une quarantaine d'années. Chani est venu me voir pour lui présenter Bouchama, alors secrétaire général du ministère des Travaux publics. J'ai refusé jusqu'à ce qu'il le rencontre à travers Melzi. Ensuite, Chani m'a informé de sa rencontre et je l'ai accompagné par la suite. Chani a présenté à Bouchama la série de blocages rencontrés par les Chinois dans le projet de l'autoroute.»
A ce moment précis, le juge Tayeb Hellali l’interrompt : «Comment se fait-il que tout colonel que vous étiez et de surcroît conseiller au ministère de la Justice, vous interveniez pour le compte de quelqu’un qui est poursuivi en justice ?» «Absolument pas, M. le président. Je ne suis pas intervenu pour lui et en plus, c’est une fois qu’il a réglé ses problèmes avec la justice. Ma relation avec Chani Medjdoub était purement familiale. C’était presqu’un cousin. Il venait chez moi et connaissait toute ma famille», rétorque-t-il.

«J’étais reçu par Omar Bongo»
En parfait connaisseur du dossier, le juge Hellali rappelle à l’inculpé toutes les sommes qu'il a perçues de Chani (1,8 milliard, achat de villas, etc). Une accusation que l’ex-colonel a réfutée, d’où la réaction du juge : «Il vous a payé pour service rendu.» Une déclaration que le mis en cause a encore une fois rejetée.
Il est 15 h 45. L’audition de l’ex-colonel dure depuis une heure et quelques minutes. Le procureur de la République tente, lui aussi, d’arracher des vœux. Mais en vain.
L’accusation demande à l'accusé où il rencontrait Chani, «à la maison, au ministère, sachant qu'il était poursuivi pour dilapidation de deniers publics et avec la sensibilité du poste que vous occupiez ?» A chaque fois, il les rejette. Chani Medjdoub est le second mis en cause à être appelé à la barre. Moment de vérité. Mouvement des robes noires. Tous les regards sont braqués vers le mis en cause. Que dira-t-il ? Et surtout qui est Chani Medjdoub ? Ce dernier, maîtrisant l’art de la communication, présente son CV.
«Je ne suis pas un inconnu en Algérie. Le colonel Khaled est le dernier élément des services de sécurité que j'ai connu. J'ai des amis dans ces services depuis les années 1990. Je suis un financier respecté sur la place luxembourgeoise. J’étais à la tête d’une délégation chinoise qui a visité le Gabon et j’étais reçu par feu Omar Bongo», dira-t-il. Il explique au juge ses activités et ses relations de travail avec le Chinois.
Il fait part, également, des conditions de son interpellation, de sa détention et les «tortures morales subies». Au juge, il dira que ce dossier est «politique et moi je n’ai rien à voir dedans. Je suis un financier et un homme d’affaires». Puis il éclate en sanglots, lorsqu’il évoque sa mère et ses enfants. Grande émotion dans la salle. L’audition de Chani se poursuit. Il est 17h 15. Le juge passe à l’offensive et pousse l’accusé à la contradiction, notamment sur cette question d’argent qui lui a été versé par les Chinois.
«L'argent qui vous a été versé par les Chinois ne concerne que le projet de l'autoroute, il n'y a aucun document sur le Gabon», lui dit le juge Hellali. Chani marque un temps d’arrêt. Sa défense intervient et demande la suspension de l’audition. Cette dernière est suspendue pour qu’elle soit reprise aujourd’hui.
A. B.



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