Fidèle à lui-même, mon ami Amar s’en est allé comme
il a vécu, sans tambour ni trompette, laissant celle de la renommée aux
avides des feux de la rampe.
La foule qui l’a accompagné à sa dernière demeure, témoigne de
l’attachement à sa personne et aux valeurs qu’il a su semer autour de
lui tout au long de sa vie. En me joignant à cette marque de sympathie,
c’est surtout l’homme passionné par l’Algérie que je voudrais évoquer.
Né en 1942 à Aïn Berda, dans la région d’Annaba, il a choisi, très
jeune, de s’émanciper vers les rangs de l’ALN où son amour patriotique
s’est aiguisé dans la lutte pour le recouvrement de l’indépendance de
l’Algérie. Ce compagnonnage dans le combat pour la liberté l’a
définitivement marqué. Plus tard, après l’indépendance, il obtiendra en
1966 le diplôme de l’Académie du cinéma, du théâtre, de la radio et de
la télévision de Belgrade. Mais son goût pour les combats politiques le
poussera à poursuivre ses études supérieures en sciences politiques et
économiques à l’Université d’Alger. C’est à ce moment que nos chemins se
sont croisés et que nous sommes devenus amis, à la vie, à la mort. La
cruelle l’a pris, mais elle ne prendra pas nos longues soirées de débats
politiques passionnés. Tout était à construire et l’artiste s’est doublé
de l’acteur politique pour donner corps à ses idées. Car le cinéaste a
engendré, parfois dans la douleur, des œuvres qui lui valurent de
prestigieux prix dans des festivals internationaux. Je me souviendrai
toujours de nos retrouvailles chaleureuses à Ouagadougou où j’étais en
poste et lui concourant pour un prix du Fespaco qu’il obtint avec brio.
C’est que Amar a été prolifique en films chocs, historiques,
révolutionnaires, j’en passe et des meilleures qualifications. Le
cultissime Patrouille à l’Est ( 1972) dont le cri/totem «Yaou alikoum
min Guelma» restera à jamais l’oriflamme des cinéphiles algériens. Et
comment ne pas citer Fleur de lotus (1998) ou Les Portes du silence.
C’est en ma qualité de témoin, et souvent de complice que je veux
restituer la générosité de Amar qui s’est exprimée aussi dans son autre
vie : son militantisme politique notamment à travers l’action
syndicale. Je veux surtout dire combien il fut animé de foi et de
passion dans l’exercice de ses fonctions de secrétaire général du
Syndicat des comédiens, de théâtre et de cinéma qui relevait de l’Union
générale des travailleurs algériens (UGTA). Ce poste lui a permis de
conjuguer l’élan artistique à l’ardeur politique. Malgré la chape de
plomb des années du terrorisme, malgré les coups bas des ennemis de
toujours de l’Algérie, il sut rester authentique, vrai et surtout
attentif aux autres. Je garderai en mémoire les promenades sur le Cours
de la Révolution, à Annaba, durant lesquelles nous refîmes le monde
plusieurs fois, avant de revenir comme d’habitude au seul sujet qui nous
animait réellement : l’amour de la patrie qu’il a su sublimer par
l’image.
Je dédie cet hommage posthume à ses familles, la sienne propre et celle
plus large du cinéma, à ses camarades militants, à ses compagnons de
lutte pour l’indépendance, les moudjahidine, et aux membres de
l’association Lumière qu’il présidait et dont le nom même résume
parfaitement Amar. Jusqu’au bout, les lueurs de l’espoir auront guidé sa
vie. Feu Amar était toute flamme.
Abdelkader Messahel
Ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines.