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Exposition universelle de milan 2015, le challenge de Habiba


Par Naima Yachir
Son optimisme, son patriotisme et sa passion pour son métier ont fait de Habiba Djadi une femme ambitieuse pour qui travail rime avec amour.
Sa sélection à la participation à l'exposition universelle de Milan fait sa fierté. Six mois durant, cette psychologue de 34 ans, versée dans l'hôtellerie, une profession qu'elle vénère, est déterminée à être à la hauteur de ses ambitions. «Revenir avec des médailles» c’est son but.
Du haut de ses 34 ans, Habiba Djadi était destinée à embrasser une carrière d’orthophoniste après de brillantes études en psychologie, mais le destin en a voulu autrement. Sortie major de promo, elle pointera au chômage pendant longtemps. «J’ai envoyé des dizaines de CV un peu partout, sans aucune réponse. J’ai alors décidé de faire des petits boulots. Indépendante très jeune, il n’était pas question pour moi de moisir à la maison et de tendre la main. Je me contentais de ce qui me tombait dans la main, abandonnant le rêve de devenir une éminente orthophoniste.
J’ai vraiment galéré. Vendeuse, serveuse, représentante commerciale, agent pour une entreprise de communication, je ne faisais pas la fine bouche, et je me disais toujours qu’il n’y avait pas de sot métier. Le monde du travail n’avait presque plus de secret pour moi. Je voulais alors passer à autre chose. Puis, un jour, la chance me sourit. Dieu a entendu mes prières en m’envoyant un membre de ma famille qui me proposa un emploi à l’hôtel Sofitel. C’était pour moi le summum. J’étais enfin déclarée et j’avais un salaire fixe. J’occupais le poste de coordinatrice entre les différents services de l’hôtel.
Certes, mes débuts ont été très durs, j’ai d’ailleurs failli jeter l’éponge à plusieurs reprises, mais au fil du temps mon nouveau job me passionnait. J’ai compris que l’expérience, il fallait l’arracher, que la moindre petite information, il fallait la voler. J’étais très alerte, et mon sens de l’observation s’aiguisait chaque jour un peu plus. Nous avons affaire à des personnes qu’on doit satisfaire coûte que coûte, il faut donc avoir toujours le sourire, la bonne parole, et ce n’est pas évident. Je rentrais le soir à la maison en pleurant. Mes parents me réconfortaient et m’encourageaient à ne pas abandonner. En Algérie, une femme qui travaille dans un hôtel est très mal vue. Je commençais à 15h pour finir à 23h. Pour aller de l’avant, il faut faire fi de toutes les considérations sociales, culturelles et du qu’en dira-t-on. En fait, ce qui m’a donné la force de continuer, c’est le client. Quand ce dernier vous dit qu’il a fait tous les Sofitel du monde et que le vôtre est l’un des meilleurs, cela vaut tout l’or du monde. Dans ce métier, il faut avoir du caractère, des nerfs d’acier pour gérer les mentalités, les sautes d’humeur et les niveaux d’instruction des collègues. Quand on arrive à comprendre tout cela, on est sauvé. Ce qui est fascinant, c’est qu’on oublie notre formation de base. Un universitaire avec master est valet de chambre, une comptable, femme de chambre.
Il faut être passionné pour accepter cela. En tout cas, ce qui est fabuleux en hôtellerie, c’est qu’on apprend à soigner notre apparence, avoir de la classe, mais dans la sobriété. Le faste, l’extravagance ne sont pas permis.
En fait, il faut savoir véhiculer l’image de Sofitel et à travers cette image, on véhicule celle de notre pays. La fibre patriotique que je porte en moi suscite un sentiment de jalousie surtout quand je voyage, ne serait-ce que chez nos voisins, le Maroc et la Tunisie. Cela me donne alors plus de motivation pour me perfectionner. Et cela a donné de bons résultats, puisque j’ai pu décrocher le poste de gouvernante.
Un an plus tard, j’ai été confirmée avec les félicitations de mes supérieurs. J’étais toujours au-devant de la scène, on m’encourageait sans cesse et cela m’incitait à faire toujours plus. J’assumais les suites des VIP, et croyez-moi, c’était une fierté et un challenge à la fois.
Quand le client quitte l’hôtel avec le sourire, et qu’il revient, cela veut tout simplement dire qu’on a gagné le pari. Cela veut dire aussi qu’en Algérie il n’y a pas que du négatif. Mon rêve de devenir une excellente orthophoniste, je l’ai mis aux oubliettes puisque j’en ai eu un autre, celui de percer dans l’hôtellerie.
Et je ne regrette pas. Mais je dois avouer que mes études m’on beaucoup servi dans l’exercice de mon métier, je n’ai donc pas perdu mon temps. Pour l’anecdote, je savais avec beaucoup de tact dire à un macho que la salle de bains est mal nettoyée par exemple. J’ai gagné au change. J’ai appris la langue anglaise, appris à gérer une équipe, le stress qui est omniprésent, cerner le client. Avec l’expérience, on sait tout de suite ce qu’il veut, si c’est un habitué des hôtels, s’il est de passage, ou s’il va séjourner longtemps. On a du recul et on mûrit». Ambitieuse, c’est là son moindre défaut. Habiba visait la restauration. L’exposition universelle de Milan 2015 tombait à pic. L’EGT devait trier sur le volet des personnes compétentes, sérieuses, jeunes et dynamiques pour représenter l’Algérie à cette manifestation où 75 pays participent durant six mois. «Ce jour-là, j’allais déjeuner quand la responsable m’a convoquée à son bureau. Elle n’est pas passée par 36 000 chemins. Elle m’a dit tout de go : «Tu es prête à partir pour six mois à Milan.» Je n’ai pas hésité une seconde à répondre «oui».
En ajoutant que je dois quand même en parler à mes parents. Ces derniers m’ont encouragée. On m’a sélectionnée bien que je n’avais aucune expérience en restauration, mais c’était sans compter sur ma témérité et mon ambition, ma soif d’apprendre et vite. J’ai donc suivi un stage bloqué à l’hôtel Raïs de Aïn Taya avec le reste de l’équipe. 13 en tout, huit cuisiniers et six en salle. Hommes et femmes venus de différents établissements hôteliers, comme le Mercure, l’Albert 1er, le Sofitel et le Raïs, tous faisant partie de l’Entreprise de gestion touristique Centre. J’avoue qu’au début j’avais le trac. Mais mon stage à l’hôtel Raïs, où j’ai trouvé l’aide précieuse de son directeur, son personnel, m’a aidé à surmonter ma peur.
Faire découvrir à plusieurs pays des quatre coins du monde la cuisine algérienne dans toute sa diversité, l’art de la table algérienne, car elle existe, est pour moi un défi à relever, et j’adore les défis, surtout je ne veux pas trahir la confiance de ceux qui m’ont choisie. Au début je ne savais pas grand-chose de la cuisine, mais Mme Ziouche Rachida, assistante au commissaire de la manifestation, et Messili Amine, chef cuisinier de l’hôtel Raïs qui a représenté l’Algérie dans bon nombres d’expositions universelles, m’ont énormément appris sur notre gastronomie. Le but de l’Expo de Milan c’est que l’Algérie se réapproprie notre couscous. On en a recensé à ce titre au moins 3 000 sortes.
A ce titre, un dossier a été ficelé pour démontrer que ce plat vient de l’Algérie, qu’il est originaire de l’ Algérie. Il va être présenté lors de cette manifestation. Le programme est riche. En plus de la gastronomie, il y a des thèmes culturels comme l’organisation de fêtes de mariage à l’algérienne. A cet effet, nous allons organiser pour un couple algérien établi à Milan toute la cérémonie des noces. Nous ferons découvrir aussi nos fêtes religieuses, nous viserons le tourisme culinaire. Nous célébrerons le 5 Juillet qui sera décalé au 8 août exceptionnellement à cause du mois de Ramadan. On fera tout pour être à la hauteur».
Depuis le 1er mai, l’équipe est à Milan, et le challenge a commencé.





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