Contribution : Importance de l’intégrité des puits dans le développement du gaz de schiste
L’impact sur la qualité de l’air et la sismicité induite
(3e partie)


Par Iddir Ahmed zaïd(*)
Tout forage constitue une voie potentielle de remontée en surface des fluides piégés dans le sous-sol. Aujourd’hui, les techniques qui ont permis le boom des ressources non conventionnelles semblent relever le défi d’assurer et de maintenir l’intégrité des puits de forage pour prévenir au mieux les fuites des fluides polluants. Des puits non conventionnels, typiquement plus longs et à trajectoires latérales courbes, accèdent à des réservoirs en surpression considérable. Ils doivent résister aux intenses pressions de la fracturation hydraulique et aux volumes d’eau importants pompés en subsurface plus que ne le font les puits d’hydrocarbures conventionnels. Dès lors, toute défaillance dans l’intégrité du puits peut engendrer des surcoûts importants et impacter négativement la santé humaine et l’environnement.

En cas de fuites dans le puits, les fluides peuvent migrer à travers des interstices ou des défauts dans le tubage en acier, les joints de tubage, ou encore des garnitures mécaniques défectueuses ou le ciment, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du puits. L’accumulation excessive de pression dans l’espace annulaire du puits, dite pression de tubage soutenue (SCP), peut forcer les fluides à s’épancher hors du puits et dans l’environnement. Dans les fuites externes, les fluides s’échappent entre le tubage et la paroi rocheuse du puits là où le ciment est mal appliqué ou absent. Alors, ces fluides peuvent atteindre les eaux souterraines peu profondes ou l’atmosphère. Les opérations de puits et leur âge avancé sont deux facteurs susceptibles d’altérer leur intégrité. Les perforations, la fracturation hydraulique et les tests de pression entraînent parfois des variations significatives de température et de pression capables d’endommager les contacts entre le ciment et le tubage adjacent ou la roche, ou encore fissurer le ciment ou la roche couverture environnante. La fissuration et les attaques chimiques sont des facteurs potentiels de dégradation du tubage et du ciment à la suite de réactions chimiques avec des saumures ou d’autres fluides qui se transforment en acides corrosifs dans l’eau (acide carbonique ou acide sulfurique à partir de CO2 et H2S).
Les déterminants de l’intégrité d’un puits concernent trois étapes : le forage, les opérations, l’obturation et l’arrêt de l’activité du puits. Pendant le forage proprement dit, les phases-clés pour préserver l’intégrité du puits consistent à limiter les dommages dans la roche environnante et à prévenir l’incursion dans le puits d’éventuels fluides de formation en surpression. Les techniciens de forage doivent alors équilibrer la surpression des fluides du réservoir avec la pression hydrostatique de la boue de forage dans le puits, l’acier et le ciment afin d’empêcher d’éventuelles éruptions d’horizons aqueux souterrains pouvant être catastrophiques. Cependant, même si ces éruptions peuvent impacter lourdement l’environnement, elles sont très rares et peuvent être rapidement identifiées et maîtrisées. Les gaz emprisonnés dans les pores des formations intermédiaires doivent donc être empêchés d’envahir le puits au cours du forage.
L’essentialité de l’intégrité d’un puits est intimement liée aux travaux de complétion du puits, à l’extension de sa durée de vie et de ses performances. Les fluides doivent être maintenus dans le puits et dans la formation-cible à l’aide du tubage en acier, du ciment et des composants mécaniques qui isolent les fluides et scellent les espaces entre le tube de production, le tubage externe et la roche environnante. Lorsqu’un puits devient économiquement non rentable, on doit procéder à son obturation et son abandon dans de bonnes conditions d’étanchéité.
Des barrières mécaniques et en ciment sont installées pour en garantir l’étanchéité à différentes profondeurs et prévenir toute migration de fluides vers le haut ou vers le bas dans le puits. Des puits incorrectement abandonnés peuvent constituer des voies potentielles de communication entre les couches les plus profondes et la surface, entraîner des fuites de fluides polluants et la contamination des eaux de surface et de l’atmosphère. Malgré toutes les mesures de précaution, l’intégrité d’un puits peut connaître des ruptures, menant très rarement à des explosions en surface. Comprendre pourquoi et comment surviennent ces ruptures est vital pour l’amélioration de la sécurité des puits fracturés hydrauliquement et la minimisation de la contamination de l’environnement. Les résultats des enquêtes sur les puits offshore et onshore montrent des disparités dans les proportions de SCP survenues, reflétant l'importance de la géologie et de la construction des puits. Dans le golfe du Mexique, une enquête menée sur 8 000 puits montre que 11 à 12% des puits ont connu des indices de SCP dans les gaines d’étanchéité du tubage externe, avec des taux allant de 2% à 29% selon les sites. En Alberta, les entreprises ont rapporté que moins de 4% des 316 000 puits réalisés accusent des signes de SCP, avec notamment un site à l'est d'Edmonton qui affiche un taux de 15,3% de SCP.
Une étude plus récente sur l'intégrité des puits à l’échelle mondiale montre que sur des échantillons de plus de 100 puits, le taux d’indices de SCP se situe dans une fourchette de 3% à 43% à Bahreïn, au Canada, en Chine, en Indonésie, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au large de la Norvège et du golfe du Mexique.
Douze cas sur les dix- neuf échantillons étudiés exhibent des taux de SCP dans les puits supérieurs à 10%. Il est à noter que les données officielles disponibles sur les ruptures de l’intégrité des puits sont encore relativement rares et éparses.
En Alberta, la réglementation exige des tests sur la migration des gaz dans le sol autour des têtes de puits. C’est ainsi que des mesures effectuées en surface sur l’étanchéité du tubage d’un échantillon de 1 230 puits au Canada révèlent que 23% des puits présentent des fuites de gaz en surface et dans le sous-sol ; ce qui correspond à un volume de 0,01 à 200 m3 de CH4 qui s’en échappe quotidiennement. Une étude similaire menée dans la même région sur une base de données des services de l'industrie a conclu à des occurrences de fuite de gaz pour seulement 0,6% des puits. Par ailleurs, dans une zone-test à l’est d'Edmonton, les analyses de sol montrent que 5,7% des puits, soit 1 187 sur 20 725 puits, présentent des indices de fuite de gaz. De plus, les forages dirigés sont 3 ou 4 fois plus sujets à des fuites de gaz que les forages verticaux avec un taux d’indice de fuite de gaz ou de SCP supérieur à 30% sur les 4 600 puits étudiés. S’agissant de la contamination des eaux souterraines, la compilation des données relatives aux incidents inhérents à l’exploitation des hydrocarbures dans l’Ohio et au Texas montre que sur une période 25 ans, l’Etat de l’Ohio a connu 185 cas de contamination d’eaux souterraines causés par des ruptures dans les bassins de stockage des eaux usées ou dans l’intégrité des puits.
L’Ohio, qui comptait environ 60 000 puits en production, exhibe un taux d'incidents de l’ordre de 0,1%, soit environ 5 puits pour 100 000 puits en production, pour cette période. Par contre, le taux pour le Texas était plus faible, avec 211 incidents au total, soit environ 0,02% ou encore 1 puits pour 100 000 puits en production pour la même période. Fait intéressant, cette étude comptait aussi 16 000 puits horizontaux de gaz de schiste dans le Texas et aucun cas associé à la contamination des eaux souterraines n’a été rapporté. Des enquêtes de terrain à large échelle sont également disponibles auprès de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Elles incluent les données relatives aux violations des mécanismes de l'intégrité des puits et au respect des exigences réglementaires. Combinées aux SCP et aux incidents souterrains, ces données montrent des taux de défaillances de barrière compris entre 1 et 10% des puits ; cependant, les taux de contamination déclarés pour les eaux souterraines sont plus faibles (de 0,01% à 0,1% des puits). En fait, ces chiffres constituent une limite inférieure pour les problèmes environnementaux, tous les cas d’échec n’étant pas toujours identifiés. Pour une meilleure approche de la réalité, il est nécessaire de procéder au dépistage systématique de la contamination potentielle des eaux souterraines et des incidents de rupture de l’intégrité de puits afin de compléter les données auto-déclarées de l'industrie. Néanmoins, les conclusions de ces études et enquêtes de terrain montrent que des risques multiples liés à l’intégrité des puits existent toujours avec des disparités entre sites et pays, mais leur limitation relève du possible, pour peu que les procédures en vigueur soient adaptées aux contextes géologiques et observées minutieusement au cours des différentes étapes du développement des hydrocarbures non conventionnels.

Impacts de l’exploitation du gaz de schiste sur la qualité de l’air
En plus des risques d’impacts sur la qualité des eaux souterraines et de surface, de la réduction des quantités importantes d’eau consommées, de la sismicité induite, on doit envisager la problématique des impacts et de la réduction des émissions de gaz préjudiciables à l’atmosphère et à la santé humaine dans le cadre du développement des hydrocarbures non conventionnels. Leur extraction à partir des formations géologiques de faible perméabilité appelle toute une chaîne industrielle émettrice de polluants atmosphériques dans pratiquement chacun de ses maillons. Comparée à l’extraction de ressources conventionnelles, celle des hydrocarbures non conventionnels exige une plus grande densité de puits (environ 10 puits au km2) et une cadence de forage soutenue pour maintenir le niveau de production en raison du déclin relativement rapide de la performance des puits au cours du temps. Du fait du caractère continu des opérations de forage pendant des décennies dans une région donnée, les émissions de gaz divers par toute la machinerie impliquée dans les phases du développement, épousent aussi un caractère continu dans le temps. Mais quel que soit le niveau de ces émissions, il n’en demeure pas moins que le remplacement du charbon par le gaz naturel dans la production de l’énergie participe à une réduction substantielle des émissions de CO2 (environ de 50%), des particules fines, d’oxydes d’azote NOx, d’oxyde de soufre SO2 et d’autres éléments toxiques tels que le mercure associés à la production d’électricité. Une étude scientifique récente dresse un aperçu objectif des impacts du développement des hydrocarbures non conventionnels sur l’atmosphère. Elle note que les émissions des polluants volatils débutent déjà avec les travaux de réalisation des infrastructures de production, de la préparation de la plateforme de puits jusqu’à la construction des pipelines, des stations de compression et des centres de traitement. L’apprêtement de ces infrastructures diverses incluant la construction des voies d’accès, l’aménagement des sites d’exploitation et les opérations de forage génère des émissions de CO2, de particules fines, de NOx avec le fonctionnement des engins et équipements au diesel. Le processus de complétion d’un puits dure de quelques jours à quelques semaines selon la complexité de la procédure et un à deux mois pour plusieurs puits autour d’une même plateforme. Des moteurs, pompes et générateurs très puissants alimentés au diesel sont mis en œuvre pour pomper l’eau, les agents de soutènement et les additifs chimiques en subsurface durant la fracturation hydraulique. Durant cette étape, du gaz naturel et du pétrole commencent à affluer vers la tête de puits accompagnés par l’eau et les additifs utilisés pour fracturer la roche. Evidemment, les pratiques de complétion diffèrent d’une région à l’autre et d’une société à l’autre. Parfois les eaux qui affluent en tête de puits sont pompées directement et stockées dans un bassin ouvert sur site à partir duquel peuvent s’échapper dans l’air environnant du méthane et des composés organiques volatiles (COVs ou VOCs). Cependant, les mélanges fluides qui remontent du puits sont de plus en plus stockés dans des réservoirs fermés ou ouverts dont les vapeurs sont brûlées ou lâchées dans l’atmosphère avec ce que cela sous-entend comme incidences sur la qualité de l’air local, notamment là où le climat est pluvieux et humide. Une fois les étapes de stimulation et de complétion d’un puits non conventionnel achevées, les opérations de production restent similaires à celle de l’extraction des hydrocarbures conventionnels.
Les émissions possibles durant la production et le traitement (déshydratation et séparation) englobent les fuites de gaz naturel, de vapeurs d’huiles à partir des équipements, les lâchers intentionnels d’éléments volatils à partir des réservoirs de stockage d’huile et des eaux produites, et les produits de la combustion incomplète durant le torchage.
Evidemment les émissions fugitives reflètent la composition du gaz produit incluant les GES (méthane), des proportions variables de VOCs, des aromatiques comme le benzène et d’autres polluants comme le toluène, et parfois des contaminants comme H2S. Le gaz naturel produit à partir d’un puits de gaz dit humide sera plus riche en VOCs que celui produit à partir d’un puits de gaz sec. Il ne faut pas omettre également la contribution des émissions engendrées par les compresseurs alimentés au gaz naturel, les centres de compression et les unités de combustion qui produisent leur part de CO2, CO, NOx, VOCs, particules fines, hydrocarbures aromatiques, SO2 et H2S.
Les expériences montrent qu’un bon nombre de sites présentent des volumes d’émissions fugitives relativement faibles mais lorsque celles-ci sont prises à l’échelle régionale sur des milliers de plateformes, elles peuvent conduire à des quantités substantielles pouvant impacter la qualité de l’air. Il est donc important de contrôler au mieux toutes ces fuites et d’en réduire les quantités produites toutes les fois que cela est possible pour en limiter les impacts sur la qualité de l’air et la santé des populations proches des périmètres d’exploitation.
Pour évaluer les impacts des énergies non conventionnelles sur l’atmosphère tant à l’échelle locale que globale, les managers de la qualité de l’air doivent disposer d’informations sur la composition, le volume et les sources à l’origine des émissions.
Deux approches sont utilisées :
- (1) inventaires des émissions et leur modélisation ;
- (2) mesures atmosphériques.
Les inventaires des émissions s’appuient généralement sur des profils de composition chimique pour estimer les émissions totales de VOCs à partir de catégories de sources individuelles dans un champ de production donné. Ces profils moyens sont dérivés d’un nombre restreint d’analyses de la composition du pétrole et gaz naturel locaux bruts ou de condensat liquide, de modèles de compositions chimiques des vapeurs émises dans les déshydrateurs et les réservoirs de stockage de pétrole ou condensat liquide, ou encore des profils d’émissions par défaut des échappements de moteur fournis par l’EPA ou d’autres sources. A l’opposé de ces estimations à caractère général sur la base d’inventaires, des mesures détaillées de la composition chimique de l’air dans les bassins de pétrole et de gaz naturel sont de plus en plus pratiquées. Ce sont ces mesures qui ont révélé des concentrations accrues de méthane, de plus de 20 autres hydrocarbures et de substances toxiques atmosphériques autour des sites de production d’huiles et gaz non conventionnels aux Etat-Unis. Ces dernières incluent parfois du H2S, du méthanol, des alcanes à poids moléculaire élevé, des composés suspectés à l’origine de cancers ou d’autres effets sur la santé et des aromatiques dont les BTEX (benzène, toluène, éthyle-benzène et xylène). Dans la contrée de Garfield du Colorado, l’analyse d’échantillons d’air a permis de détecter cette catégorie d’hydrocarbures potentiellement toxiques dans un périmètre de moins de 150 m autour des platesformes de puits durant les opérations de reflux. Ces concentrations ont été attribuées aux émanations de gaz en provenance d’eaux de reflux stockées dans des réservoirs ouverts. Si on se fonde sur les données de l’industrie de 2006, la fraction volatile brûlée ou lâchée dans l’air et due à la production de gaz naturel dans les territoires fédéraux des Etats-Unis est estimée entre 0,34% et 5%. En Pennsylvanie, les estimations des émissions de NOx, VOCs, particules fines et SO2 à partir du développement de gaz de schiste, sont mal contraintes et varient d’un facteur de 2 à 5 entre sites. Toutefois, les centres de compression alimentés au gaz naturel espacés de 80 à 160 km sont considérés comme les plus grandes sources d’émissions des polluants liés aux activités de pétrole et gaz en Pennsylvanie (>80% des VOCs, >50% des NOx, >60% des particules fines et 0 à 60% de SO2). Dans le bassin de Denver, dans le Colorado, l’inventaire officiel rapporte que plus de 6 000 réservoirs de stockage de pétrole et condensat sont responsables de plus de 70% des émissions de VOCs issus de toutes les sources locales.
En pratique, on utilise un calcul empirique pour quantifier les émissions en cours sur la base du volume d’hydrocarbures extrait en barils que l’on multiplie par un certain nombre de coefficients. Ce volume est dans un premier temps multiplié par le principal facteur dit d’émissions incontrôlées issu d’un modèle de 2002 et dont la valeur est de 6,2 kg par baril de pétrole ou de condensat produit. Le résultat obtenu est ensuite multiplié par quatre coefficients : le facteur d’efficience du torchage (95%), le facteur de pénétration de la règle dans la région (92.56%) qui mesure la fraction des opérations où sont mises en œuvre les mesures d’atténuation prévues, le facteur d’efficacité de la règle (80%), le facteur d’efficacité du captage (75%, 25% des vapeurs sont lâchées dans l’air). Mais l’efficacité de cette méthode reste modeste : en mai 2012, des mesures aériennes donnent des valeurs pouvant aller jusqu’au double des estimations empiriques des émissions de VOCs dues aux activités du pétrole et gaz dans le bassin de Denver. Aux Etats-Unis, les émissions totales de méthane associées à l’extraction du gaz naturel à l’échelle régionale et nationale demeurent incertaines et font l’objet de recherches. Les estimations officielles par l’EPA donnent des taux annuels fluctuants sur la décennie écoulée, se situant entre 0,2% et 1,5% de la production nationale brute. Sur la base de mesures directes effectuées sur 190 sites de production de gaz répartis à travers les Etats-Unis, le taux national des émissions a été estimé à 0,42% de la production totale brute en 2011, légèrement inférieur au taux estimé par l’EPA (0,49%) en 2013. On a trouvé que les fuites au niveau des équipements et des dispositifs pneumatiques sur les sites de production constituaient les principales sources de méthane dans les opérations de production à l’échelle nationale. A l’opposé de ces mesures d’émissions ascendantes et aux estimations basées sur des inventaires, des mesures atmosphériques récentes par des méthodes aéroportées et sur de hautes tours, donnent des taux de fuite plus grands pour deux bassins de production de l’ouest des Etats-Unis.
Dans le bassin de l’Uinta, on estime que 55 000 ± 15 000 kg de méthane s’échappent dans l’atmosphère chaque heure, ce qui correspond à un taux de 6,2 à 11,7% de la production totale de gaz naturel dans la région alors qu’un taux de 4% est estimé pour le bassin de Denver. On voit bien que ces taux sont supérieurs à celui fourni par l’EPA en 2013 pour tous les systèmes de gaz naturel des puits jusqu’aux utilisateurs finaux. Nonobstant, il est à noter que le développement du gaz de schiste a l’avantage de diminuer les émissions de certaines substances polluantes, en particulier lorsqu’il est utilisé pour la production de l’énergie. Il est pratiquement admis que le gaz brûlé pour produire de l’électricité ne génère que la moitié de la quantité de CO2 libérée par la combustion du charbon pour le même but.
Du coup, si les fuites de gaz sont maîtrisées et minimisées, les gains en termes de GES seront substantiels, notamment en tant que probable pont vers de futures énergies renouvelables. Approximativement, ce sont 1 à 3 kg de NOx et 2 à 10 kg de SO2 par mégawatt-heure produit qui sont émis par les centrales électriques au charbon et qui seront évités si celles-ci étaient alimentées au gaz naturel. Par ailleurs, au lieu de pratiquer le torchage des gaz lors de la phase de complétion, il est possible de les récupérer et de les envoyer dans les circuits de vente après l’opération de séparation eau/gaz dans les réservoirs de stockage des eaux de reflux.
C’est ce que l’on a convenu d’appeler «la complétion verte» qui devrait être mise en œuvre sur tous les puits à partir de 2015 aux USA. Cette opération limitera les rejets de gaz dans l’atmosphère, et particulièrement le méthane, et contribuera à la réduction partielle des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Développement du gaz de schiste et risque de sismicité induite
La sismicité associée à la fracturation hydraulique à grande échelle et à l’intensité de l’énergie d’extraction devient l’une des préoccupations de la recherche dans les pays à forte production d’hydrocarbures non conventionnels. En fonction du facteur à l’origine, on distingue :
- (1) la sismicité due à la fracturation hydraulique qui inclut rarement des séismes pouvant être ressentis par les populations et
- (2) la sismicité due à l’injection profonde des eaux usées qui génère parfois des séismes de plus forte énergie.
La réactivation des failles par la fracturation hydraulique et l’élimination des eaux usées peut être facilitée par l’augmentation de la pression des pores de la roche, réduisant ainsi la contrainte effective dans la zone de la faille. Ce phénomène permet à l’énergie stockée dans la roche d’être libérée plus facilement. Par ailleurs, l’injection des fluides de fracturation ou des eaux usées en profondeur peut croiser une zone de failles ou transmettre une onde de pression des fluides qui réduit la contrainte effective dans la zone. Ces deux phénomènes peuvent induire des séismes dans les sites de production. Bien que la sismicité ressentie attribuée à la fracturation hydraulique soit peu documentée, aucun séisme de magnitude supérieure à 4 n’a été rapporté. Dans les champs de Horn River Basin au Canada, des séismes de magnitude inférieure à 3,8 ont été rapportés récemment. Des séismes de moindre intensité (2,3 – 2,8) induits par la fracturation hydraulique ont été détectés en Oklahoma, aux Etats-Unis, et au Lancashire, en Angleterre. Dans certains cas, le ciblage direct par les opérations de failles dont les plans sont souvent associés à des zones de fractures hautement perméables pouvant accroître notablement les taux de production de gaz peut provoquer une certaine sismicité. Néanmoins, les cas de séismes rapportés et attribués à la fracturation hydraulique demeurent faibles, comparés aux autres facteurs déclencheurs anthropiques comme l’exploitation minière et la mise en eau des barrages. La sismicité induite associée à l’injection des eaux usées est rare mais génère des événements d’énergie plus élevée. De nombreux séismes ressentis accompagnent davantage l’injection d’eaux usées que la fracturation hydraulique. Entre 1967 et 2000, les géologues ont relevé un fond continu avec un taux d’occurrence de 21 séismes de magnitude Mw ≥ 3.0 par an dans le centre des Etats-Unis. A partir de 2001, avec la montée de la production de gaz non conventionnels, ce taux est passé progressivement à environ 100 séismes du même type, atteignant 188 pour la seule année 2011.
Les scientifiques de l’USGS attribuent l’augmentation de cette sismicité à l’injection profonde des eaux usées issues de l’exploitation du gaz et pétrole dans la région.
La magnitude des séismes attribués à cette injection est souvent supérieure à celle des séismes dus à la fracturation hydraulique et peut atteindre jusqu’à 5,7. Pour l’année 2011, des séismes de magnitude comprise entre 4 et 5,3 sont associés à l’injection profonde des eaux usées dans les localités de Youngstown, de l’Ohio, de l’Arkansas, du Texas, etc., le dernier étant attribué à l’élimination des eaux provenant de l’extraction de gaz de houille. Le séisme le plus puissant (Mw = 5,7) attribué à l’injection profonde d’eau à proximité d’un puits en cours de la fracturation hydraulique s’est produit près de Prague, en Oklahoma, en 2011, détruisant 14 habitations et blessant deux personnes. Cet évènement et deux autres de magnitude supérieure à 5 semblent avoir été déclenchés par un grand séisme de magnitude 8,8 qui s’est produit à Maule, au Chili.
Il semblerait que ce grand séisme ait débloqué des failles qui ont atteint le seuil de charge critique à la suite de l’injection localisée des eaux usées. Cette explication soulève la nécessité de comprendre davantage le processus de charge et de déclenchement de la sismicité induite dans de pareils cas.
En fin de compte, la sismicité induite par l’injection profonde des eaux usées est connue de longue date. Des évènements ressentis associés à ce type d’opérations sont rares mais peuvent atteindre des magnitudes suffisantes pour endommager des bâtiments et blesser des personnes. La probabilité de leur occurrence peut être réduite par les mesures élémentaires suivantes devant être observées lors de la fracturation hydraulique ou de l’injection profonde des eaux usées en volume important et sous de fortes pressions :
- (1) éviter l’injection de fluides dans des failles actives ou des failles dans des roches fragiles ;
- (2) limiter les taux d’injection pour réduire l’augmentation des pressions dans les pores ;
- (3) installer un réseau local d’enregistrement là où il y a un potentiel de sismicité ;
- (4) établir des protocoles alternatifs d’opérations à l’avance pour modifier les opérations en cas de déclenchement de sismicité ;
- (5) réduire les taux d’injection ou abandonner les puits si la sismicité venait à se déclencher.
I. A. Z.
* Géophysicien département STU, université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou.




Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2015/05/12/article.php?sid=178458&cid=41