Contribution : Importance de l’intégrité des puits dans le
développement du gaz de schiste
L’impact sur la qualité de l’air et la sismicité induite
(3e partie)
Par Iddir Ahmed zaïd(*)
Tout forage constitue une voie potentielle de remontée en surface
des fluides piégés dans le sous-sol. Aujourd’hui, les techniques qui ont
permis le boom des ressources non conventionnelles semblent relever le
défi d’assurer et de maintenir l’intégrité des puits de forage pour
prévenir au mieux les fuites des fluides polluants. Des puits non
conventionnels, typiquement plus longs et à trajectoires latérales
courbes, accèdent à des réservoirs en surpression considérable. Ils
doivent résister aux intenses pressions de la fracturation hydraulique
et aux volumes d’eau importants pompés en subsurface plus que ne le font
les puits d’hydrocarbures conventionnels. Dès lors, toute défaillance
dans l’intégrité du puits peut engendrer des surcoûts importants et
impacter négativement la santé humaine et l’environnement.
En cas de fuites dans le puits, les fluides peuvent migrer à travers des
interstices ou des défauts dans le tubage en acier, les joints de
tubage, ou encore des garnitures mécaniques défectueuses ou le ciment,
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du puits. L’accumulation excessive
de pression dans l’espace annulaire du puits, dite pression de tubage
soutenue (SCP), peut forcer les fluides à s’épancher hors du puits et
dans l’environnement. Dans les fuites externes, les fluides s’échappent
entre le tubage et la paroi rocheuse du puits là où le ciment est mal
appliqué ou absent. Alors, ces fluides peuvent atteindre les eaux
souterraines peu profondes ou l’atmosphère. Les opérations de puits et
leur âge avancé sont deux facteurs susceptibles d’altérer leur
intégrité. Les perforations, la fracturation hydraulique et les tests de
pression entraînent parfois des variations significatives de température
et de pression capables d’endommager les contacts entre le ciment et le
tubage adjacent ou la roche, ou encore fissurer le ciment ou la roche
couverture environnante. La fissuration et les attaques chimiques sont
des facteurs potentiels de dégradation du tubage et du ciment à la suite
de réactions chimiques avec des saumures ou d’autres fluides qui se
transforment en acides corrosifs dans l’eau (acide carbonique ou acide
sulfurique à partir de CO2 et H2S).
Les déterminants de l’intégrité d’un puits concernent trois étapes : le
forage, les opérations, l’obturation et l’arrêt de l’activité du puits.
Pendant le forage proprement dit, les phases-clés pour préserver
l’intégrité du puits consistent à limiter les dommages dans la roche
environnante et à prévenir l’incursion dans le puits d’éventuels fluides
de formation en surpression. Les techniciens de forage doivent alors
équilibrer la surpression des fluides du réservoir avec la pression
hydrostatique de la boue de forage dans le puits, l’acier et le ciment
afin d’empêcher d’éventuelles éruptions d’horizons aqueux souterrains
pouvant être catastrophiques. Cependant, même si ces éruptions peuvent
impacter lourdement l’environnement, elles sont très rares et peuvent
être rapidement identifiées et maîtrisées. Les gaz emprisonnés dans les
pores des formations intermédiaires doivent donc être empêchés d’envahir
le puits au cours du forage.
L’essentialité de l’intégrité d’un puits est intimement liée aux travaux
de complétion du puits, à l’extension de sa durée de vie et de ses
performances. Les fluides doivent être maintenus dans le puits et dans
la formation-cible à l’aide du tubage en acier, du ciment et des
composants mécaniques qui isolent les fluides et scellent les espaces
entre le tube de production, le tubage externe et la roche environnante.
Lorsqu’un puits devient économiquement non rentable, on doit procéder à
son obturation et son abandon dans de bonnes conditions d’étanchéité.
Des barrières mécaniques et en ciment sont installées pour en garantir
l’étanchéité à différentes profondeurs et prévenir toute migration de
fluides vers le haut ou vers le bas dans le puits. Des puits
incorrectement abandonnés peuvent constituer des voies potentielles de
communication entre les couches les plus profondes et la surface,
entraîner des fuites de fluides polluants et la contamination des eaux
de surface et de l’atmosphère. Malgré toutes les mesures de précaution,
l’intégrité d’un puits peut connaître des ruptures, menant très rarement
à des explosions en surface. Comprendre pourquoi et comment surviennent
ces ruptures est vital pour l’amélioration de la sécurité des puits
fracturés hydrauliquement et la minimisation de la contamination de
l’environnement. Les résultats des enquêtes sur les puits offshore et
onshore montrent des disparités dans les proportions de SCP survenues,
reflétant l'importance de la géologie et de la construction des puits.
Dans le golfe du Mexique, une enquête menée sur 8 000 puits montre que
11 à 12% des puits ont connu des indices de SCP dans les gaines
d’étanchéité du tubage externe, avec des taux allant de 2% à 29% selon
les sites. En Alberta, les entreprises ont rapporté que moins de 4% des
316 000 puits réalisés accusent des signes de SCP, avec notamment un
site à l'est d'Edmonton qui affiche un taux de 15,3% de SCP.
Une étude plus récente sur l'intégrité des puits à l’échelle mondiale
montre que sur des échantillons de plus de 100 puits, le taux d’indices
de SCP se situe dans une fourchette de 3% à 43% à Bahreïn, au Canada, en
Chine, en Indonésie, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au large de la
Norvège et du golfe du Mexique.
Douze cas sur les dix- neuf échantillons étudiés exhibent des taux de
SCP dans les puits supérieurs à 10%. Il est à noter que les données
officielles disponibles sur les ruptures de l’intégrité des puits sont
encore relativement rares et éparses.
En Alberta, la réglementation exige des tests sur la migration des gaz
dans le sol autour des têtes de puits. C’est ainsi que des mesures
effectuées en surface sur l’étanchéité du tubage d’un échantillon de 1
230 puits au Canada révèlent que 23% des puits présentent des fuites de
gaz en surface et dans le sous-sol ; ce qui correspond à un volume de
0,01 à 200 m3 de CH4 qui s’en échappe quotidiennement. Une étude
similaire menée dans la même région sur une base de données des services
de l'industrie a conclu à des occurrences de fuite de gaz pour seulement
0,6% des puits. Par ailleurs, dans une zone-test à l’est d'Edmonton, les
analyses de sol montrent que 5,7% des puits, soit 1 187 sur 20 725
puits, présentent des indices de fuite de gaz. De plus, les forages
dirigés sont 3 ou 4 fois plus sujets à des fuites de gaz que les forages
verticaux avec un taux d’indice de fuite de gaz ou de SCP supérieur à
30% sur les 4 600 puits étudiés. S’agissant de la contamination des eaux
souterraines, la compilation des données relatives aux incidents
inhérents à l’exploitation des hydrocarbures dans l’Ohio et au Texas
montre que sur une période 25 ans, l’Etat de l’Ohio a connu 185 cas de
contamination d’eaux souterraines causés par des ruptures dans les
bassins de stockage des eaux usées ou dans l’intégrité des puits.
L’Ohio, qui comptait environ 60 000 puits en production, exhibe un taux
d'incidents de l’ordre de 0,1%, soit environ 5 puits pour 100 000 puits
en production, pour cette période. Par contre, le taux pour le Texas
était plus faible, avec 211 incidents au total, soit environ 0,02% ou
encore 1 puits pour 100 000 puits en production pour la même période.
Fait intéressant, cette étude comptait aussi 16 000 puits horizontaux de
gaz de schiste dans le Texas et aucun cas associé à la contamination des
eaux souterraines n’a été rapporté. Des enquêtes de terrain à large
échelle sont également disponibles auprès de l’Agence américaine de
protection de l’environnement (EPA). Elles incluent les données
relatives aux violations des mécanismes de l'intégrité des puits et au
respect des exigences réglementaires. Combinées aux SCP et aux incidents
souterrains, ces données montrent des taux de défaillances de barrière
compris entre 1 et 10% des puits ; cependant, les taux de contamination
déclarés pour les eaux souterraines sont plus faibles (de 0,01% à 0,1%
des puits). En fait, ces chiffres constituent une limite inférieure pour
les problèmes environnementaux, tous les cas d’échec n’étant pas
toujours identifiés. Pour une meilleure approche de la réalité, il est
nécessaire de procéder au dépistage systématique de la contamination
potentielle des eaux souterraines et des incidents de rupture de
l’intégrité de puits afin de compléter les données auto-déclarées de
l'industrie. Néanmoins, les conclusions de ces études et enquêtes de
terrain montrent que des risques multiples liés à l’intégrité des puits
existent toujours avec des disparités entre sites et pays, mais leur
limitation relève du possible, pour peu que les procédures en vigueur
soient adaptées aux contextes géologiques et observées minutieusement au
cours des différentes étapes du développement des hydrocarbures non
conventionnels.
Impacts de l’exploitation du gaz de schiste sur la qualité de l’air
En plus des risques d’impacts sur la qualité des eaux souterraines et de
surface, de la réduction des quantités importantes d’eau consommées, de
la sismicité induite, on doit envisager la problématique des impacts et
de la réduction des émissions de gaz préjudiciables à l’atmosphère et à
la santé humaine dans le cadre du développement des hydrocarbures non
conventionnels. Leur extraction à partir des formations géologiques de
faible perméabilité appelle toute une chaîne industrielle émettrice de
polluants atmosphériques dans pratiquement chacun de ses maillons.
Comparée à l’extraction de ressources conventionnelles, celle des
hydrocarbures non conventionnels exige une plus grande densité de puits
(environ 10 puits au km2) et une cadence de forage soutenue pour
maintenir le niveau de production en raison du déclin relativement
rapide de la performance des puits au cours du temps. Du fait du
caractère continu des opérations de forage pendant des décennies dans
une région donnée, les émissions de gaz divers par toute la machinerie
impliquée dans les phases du développement, épousent aussi un caractère
continu dans le temps. Mais quel que soit le niveau de ces émissions, il
n’en demeure pas moins que le remplacement du charbon par le gaz naturel
dans la production de l’énergie participe à une réduction substantielle
des émissions de CO2 (environ de 50%), des particules fines, d’oxydes
d’azote NOx, d’oxyde de soufre SO2 et d’autres éléments toxiques tels
que le mercure associés à la production d’électricité. Une étude
scientifique récente dresse un aperçu objectif des impacts du
développement des hydrocarbures non conventionnels sur l’atmosphère.
Elle note que les émissions des polluants volatils débutent déjà avec
les travaux de réalisation des infrastructures de production, de la
préparation de la plateforme de puits jusqu’à la construction des
pipelines, des stations de compression et des centres de traitement.
L’apprêtement de ces infrastructures diverses incluant la construction
des voies d’accès, l’aménagement des sites d’exploitation et les
opérations de forage génère des émissions de CO2, de particules fines,
de NOx avec le fonctionnement des engins et équipements au diesel. Le
processus de complétion d’un puits dure de quelques jours à quelques
semaines selon la complexité de la procédure et un à deux mois pour
plusieurs puits autour d’une même plateforme. Des moteurs, pompes et
générateurs très puissants alimentés au diesel sont mis en œuvre pour
pomper l’eau, les agents de soutènement et les additifs chimiques en
subsurface durant la fracturation hydraulique. Durant cette étape, du
gaz naturel et du pétrole commencent à affluer vers la tête de puits
accompagnés par l’eau et les additifs utilisés pour fracturer la roche.
Evidemment, les pratiques de complétion diffèrent d’une région à l’autre
et d’une société à l’autre. Parfois les eaux qui affluent en tête de
puits sont pompées directement et stockées dans un bassin ouvert sur
site à partir duquel peuvent s’échapper dans l’air environnant du
méthane et des composés organiques volatiles (COVs ou VOCs). Cependant,
les mélanges fluides qui remontent du puits sont de plus en plus stockés
dans des réservoirs fermés ou ouverts dont les vapeurs sont brûlées ou
lâchées dans l’atmosphère avec ce que cela sous-entend comme incidences
sur la qualité de l’air local, notamment là où le climat est pluvieux et
humide. Une fois les étapes de stimulation et de complétion d’un puits
non conventionnel achevées, les opérations de production restent
similaires à celle de l’extraction des hydrocarbures conventionnels.
Les émissions possibles durant la production et le traitement
(déshydratation et séparation) englobent les fuites de gaz naturel, de
vapeurs d’huiles à partir des équipements, les lâchers intentionnels
d’éléments volatils à partir des réservoirs de stockage d’huile et des
eaux produites, et les produits de la combustion incomplète durant le
torchage.
Evidemment les émissions fugitives reflètent la composition du gaz
produit incluant les GES (méthane), des proportions variables de VOCs,
des aromatiques comme le benzène et d’autres polluants comme le toluène,
et parfois des contaminants comme H2S. Le gaz naturel produit à partir
d’un puits de gaz dit humide sera plus riche en VOCs que celui produit à
partir d’un puits de gaz sec. Il ne faut pas omettre également la
contribution des émissions engendrées par les compresseurs alimentés au
gaz naturel, les centres de compression et les unités de combustion qui
produisent leur part de CO2, CO, NOx, VOCs, particules fines,
hydrocarbures aromatiques, SO2 et H2S.
Les expériences montrent qu’un bon nombre de sites présentent des
volumes d’émissions fugitives relativement faibles mais lorsque
celles-ci sont prises à l’échelle régionale sur des milliers de
plateformes, elles peuvent conduire à des quantités substantielles
pouvant impacter la qualité de l’air. Il est donc important de contrôler
au mieux toutes ces fuites et d’en réduire les quantités produites
toutes les fois que cela est possible pour en limiter les impacts sur la
qualité de l’air et la santé des populations proches des périmètres
d’exploitation.
Pour évaluer les impacts des énergies non conventionnelles sur
l’atmosphère tant à l’échelle locale que globale, les managers de la
qualité de l’air doivent disposer d’informations sur la composition, le
volume et les sources à l’origine des émissions.
Deux approches sont utilisées :
- (1) inventaires des émissions et leur modélisation ;
- (2) mesures atmosphériques.
Les inventaires des émissions s’appuient généralement sur des profils de
composition chimique pour estimer les émissions totales de VOCs à partir
de catégories de sources individuelles dans un champ de production
donné. Ces profils moyens sont dérivés d’un nombre restreint d’analyses
de la composition du pétrole et gaz naturel locaux bruts ou de condensat
liquide, de modèles de compositions chimiques des vapeurs émises dans
les déshydrateurs et les réservoirs de stockage de pétrole ou condensat
liquide, ou encore des profils d’émissions par défaut des échappements
de moteur fournis par l’EPA ou d’autres sources. A l’opposé de ces
estimations à caractère général sur la base d’inventaires, des mesures
détaillées de la composition chimique de l’air dans les bassins de
pétrole et de gaz naturel sont de plus en plus pratiquées. Ce sont ces
mesures qui ont révélé des concentrations accrues de méthane, de plus de
20 autres hydrocarbures et de substances toxiques atmosphériques autour
des sites de production d’huiles et gaz non conventionnels aux Etat-Unis.
Ces dernières incluent parfois du H2S, du méthanol, des alcanes à poids
moléculaire élevé, des composés suspectés à l’origine de cancers ou
d’autres effets sur la santé et des aromatiques dont les BTEX (benzène,
toluène, éthyle-benzène et xylène). Dans la contrée de Garfield du
Colorado, l’analyse d’échantillons d’air a permis de détecter cette
catégorie d’hydrocarbures potentiellement toxiques dans un périmètre de
moins de 150 m autour des platesformes de puits durant les opérations de
reflux. Ces concentrations ont été attribuées aux émanations de gaz en
provenance d’eaux de reflux stockées dans des réservoirs ouverts. Si on
se fonde sur les données de l’industrie de 2006, la fraction volatile
brûlée ou lâchée dans l’air et due à la production de gaz naturel dans
les territoires fédéraux des Etats-Unis est estimée entre 0,34% et 5%.
En Pennsylvanie, les estimations des émissions de NOx, VOCs, particules
fines et SO2 à partir du développement de gaz de schiste, sont mal
contraintes et varient d’un facteur de 2 à 5 entre sites. Toutefois, les
centres de compression alimentés au gaz naturel espacés de 80 à 160 km
sont considérés comme les plus grandes sources d’émissions des polluants
liés aux activités de pétrole et gaz en Pennsylvanie (>80% des VOCs,
>50% des NOx, >60% des particules fines et 0 à 60% de SO2). Dans le
bassin de Denver, dans le Colorado, l’inventaire officiel rapporte que
plus de 6 000 réservoirs de stockage de pétrole et condensat sont
responsables de plus de 70% des émissions de VOCs issus de toutes les
sources locales.
En pratique, on utilise un calcul empirique pour quantifier les
émissions en cours sur la base du volume d’hydrocarbures extrait en
barils que l’on multiplie par un certain nombre de coefficients. Ce
volume est dans un premier temps multiplié par le principal facteur dit
d’émissions incontrôlées issu d’un modèle de 2002 et dont la valeur est
de 6,2 kg par baril de pétrole ou de condensat produit. Le résultat
obtenu est ensuite multiplié par quatre coefficients : le facteur
d’efficience du torchage (95%), le facteur de pénétration de la règle
dans la région (92.56%) qui mesure la fraction des opérations où sont
mises en œuvre les mesures d’atténuation prévues, le facteur
d’efficacité de la règle (80%), le facteur d’efficacité du captage (75%,
25% des vapeurs sont lâchées dans l’air). Mais l’efficacité de cette
méthode reste modeste : en mai 2012, des mesures aériennes donnent des
valeurs pouvant aller jusqu’au double des estimations empiriques des
émissions de VOCs dues aux activités du pétrole et gaz dans le bassin de
Denver. Aux Etats-Unis, les émissions totales de méthane associées à
l’extraction du gaz naturel à l’échelle régionale et nationale demeurent
incertaines et font l’objet de recherches. Les estimations officielles
par l’EPA donnent des taux annuels fluctuants sur la décennie écoulée,
se situant entre 0,2% et 1,5% de la production nationale brute. Sur la
base de mesures directes effectuées sur 190 sites de production de gaz
répartis à travers les Etats-Unis, le taux national des émissions a été
estimé à 0,42% de la production totale brute en 2011, légèrement
inférieur au taux estimé par l’EPA (0,49%) en 2013. On a trouvé que les
fuites au niveau des équipements et des dispositifs pneumatiques sur les
sites de production constituaient les principales sources de méthane
dans les opérations de production à l’échelle nationale. A l’opposé de
ces mesures d’émissions ascendantes et aux estimations basées sur des
inventaires, des mesures atmosphériques récentes par des méthodes
aéroportées et sur de hautes tours, donnent des taux de fuite plus
grands pour deux bassins de production de l’ouest des Etats-Unis.
Dans le bassin de l’Uinta, on estime que 55 000 ± 15 000 kg de méthane
s’échappent dans l’atmosphère chaque heure, ce qui correspond à un taux
de 6,2 à 11,7% de la production totale de gaz naturel dans la région
alors qu’un taux de 4% est estimé pour le bassin de Denver. On voit bien
que ces taux sont supérieurs à celui fourni par l’EPA en 2013 pour tous
les systèmes de gaz naturel des puits jusqu’aux utilisateurs finaux.
Nonobstant, il est à noter que le développement du gaz de schiste a
l’avantage de diminuer les émissions de certaines substances polluantes,
en particulier lorsqu’il est utilisé pour la production de l’énergie. Il
est pratiquement admis que le gaz brûlé pour produire de l’électricité
ne génère que la moitié de la quantité de CO2 libérée par la combustion
du charbon pour le même but.
Du coup, si les fuites de gaz sont maîtrisées et minimisées, les gains
en termes de GES seront substantiels, notamment en tant que probable
pont vers de futures énergies renouvelables. Approximativement, ce sont
1 à 3 kg de NOx et 2 à 10 kg de SO2 par mégawatt-heure produit qui sont
émis par les centrales électriques au charbon et qui seront évités si
celles-ci étaient alimentées au gaz naturel. Par ailleurs, au lieu de
pratiquer le torchage des gaz lors de la phase de complétion, il est
possible de les récupérer et de les envoyer dans les circuits de vente
après l’opération de séparation eau/gaz dans les réservoirs de stockage
des eaux de reflux.
C’est ce que l’on a convenu d’appeler «la complétion verte» qui devrait
être mise en œuvre sur tous les puits à partir de 2015 aux USA. Cette
opération limitera les rejets de gaz dans l’atmosphère, et
particulièrement le méthane, et contribuera à la réduction partielle des
gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Développement du gaz de schiste et risque de sismicité induite
La sismicité associée à la fracturation hydraulique à grande échelle et
à l’intensité de l’énergie d’extraction devient l’une des préoccupations
de la recherche dans les pays à forte production d’hydrocarbures non
conventionnels. En fonction du facteur à l’origine, on distingue :
- (1) la sismicité due à la fracturation hydraulique qui inclut rarement
des séismes pouvant être ressentis par les populations et
- (2) la sismicité due à l’injection profonde des eaux usées qui génère
parfois des séismes de plus forte énergie.
La réactivation des failles par la fracturation hydraulique et
l’élimination des eaux usées peut être facilitée par l’augmentation de
la pression des pores de la roche, réduisant ainsi la contrainte
effective dans la zone de la faille. Ce phénomène permet à l’énergie
stockée dans la roche d’être libérée plus facilement. Par ailleurs,
l’injection des fluides de fracturation ou des eaux usées en profondeur
peut croiser une zone de failles ou transmettre une onde de pression des
fluides qui réduit la contrainte effective dans la zone. Ces deux
phénomènes peuvent induire des séismes dans les sites de production.
Bien que la sismicité ressentie attribuée à la fracturation hydraulique
soit peu documentée, aucun séisme de magnitude supérieure à 4 n’a été
rapporté. Dans les champs de Horn River Basin au Canada, des séismes de
magnitude inférieure à 3,8 ont été rapportés récemment. Des séismes de
moindre intensité (2,3 – 2,8) induits par la fracturation hydraulique
ont été détectés en Oklahoma, aux Etats-Unis, et au Lancashire, en
Angleterre. Dans certains cas, le ciblage direct par les opérations de
failles dont les plans sont souvent associés à des zones de fractures
hautement perméables pouvant accroître notablement les taux de
production de gaz peut provoquer une certaine sismicité. Néanmoins, les
cas de séismes rapportés et attribués à la fracturation hydraulique
demeurent faibles, comparés aux autres facteurs déclencheurs
anthropiques comme l’exploitation minière et la mise en eau des
barrages. La sismicité induite associée à l’injection des eaux usées est
rare mais génère des événements d’énergie plus élevée. De nombreux
séismes ressentis accompagnent davantage l’injection d’eaux usées que la
fracturation hydraulique. Entre 1967 et 2000, les géologues ont relevé
un fond continu avec un taux d’occurrence de 21 séismes de magnitude Mw
≥ 3.0 par an dans le centre des Etats-Unis. A partir de 2001, avec la
montée de la production de gaz non conventionnels, ce taux est passé
progressivement à environ 100 séismes du même type, atteignant 188 pour
la seule année 2011.
Les scientifiques de l’USGS attribuent l’augmentation de cette sismicité
à l’injection profonde des eaux usées issues de l’exploitation du gaz et
pétrole dans la région.
La magnitude des séismes attribués à cette injection est souvent
supérieure à celle des séismes dus à la fracturation hydraulique et peut
atteindre jusqu’à 5,7. Pour l’année 2011, des séismes de magnitude
comprise entre 4 et 5,3 sont associés à l’injection profonde des eaux
usées dans les localités de Youngstown, de l’Ohio, de l’Arkansas, du
Texas, etc., le dernier étant attribué à l’élimination des eaux
provenant de l’extraction de gaz de houille. Le séisme le plus puissant
(Mw = 5,7) attribué à l’injection profonde d’eau à proximité d’un puits
en cours de la fracturation hydraulique s’est produit près de Prague, en
Oklahoma, en 2011, détruisant 14 habitations et blessant deux personnes.
Cet évènement et deux autres de magnitude supérieure à 5 semblent avoir
été déclenchés par un grand séisme de magnitude 8,8 qui s’est produit à
Maule, au Chili.
Il semblerait que ce grand séisme ait débloqué des failles qui ont
atteint le seuil de charge critique à la suite de l’injection localisée
des eaux usées. Cette explication soulève la nécessité de comprendre
davantage le processus de charge et de déclenchement de la sismicité
induite dans de pareils cas.
En fin de compte, la sismicité induite par l’injection profonde des eaux
usées est connue de longue date. Des évènements ressentis associés à ce
type d’opérations sont rares mais peuvent atteindre des magnitudes
suffisantes pour endommager des bâtiments et blesser des personnes. La
probabilité de leur occurrence peut être réduite par les mesures
élémentaires suivantes devant être observées lors de la fracturation
hydraulique ou de l’injection profonde des eaux usées en volume
important et sous de fortes pressions :
- (1) éviter l’injection de fluides dans des failles actives ou des
failles dans des roches fragiles ;
- (2) limiter les taux d’injection pour réduire l’augmentation des
pressions dans les pores ;
- (3) installer un réseau local d’enregistrement là où il y a un
potentiel de sismicité ;
- (4) établir des protocoles alternatifs d’opérations à l’avance pour
modifier les opérations en cas de déclenchement de sismicité ;
- (5) réduire les taux d’injection ou abandonner les puits si la
sismicité venait à se déclencher.
I. A. Z.
* Géophysicien département STU, université Mouloud-Mammeri de
Tizi-Ouzou.
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