Actualités : Bruxelles sait pourquoi Sellal parla ainsi
La cigale et le fourbi
De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Sellal, en installant le nouveau responsable de Sonatrach, a délivré des
messages à l’attention de l’Union européenne, Bruxelles a compris. Ça
sera rude pour tout le monde et que pour les parts de marché en Algérie,
il faudra se battre à mort…
Bruxelles relève que Sellal n’a pas parlé comme Abdelhamid Brahimi qui a
déclaré en
1986 : «Grâce au Président Chadli, l’Algérie est à l’abri de la crise
actuelle et de toute crise à venir.» Les prophéties de Hamid la Science
ont été ce qu’elles ont été, les Européens sont attentifs à la question
algérienne, tant économique que politique. Le Vieux Continent a appris,
à travers son histoire mouvementée, «à maîtriser les techniques de la
natation tout en ayant l’œil sur la tenue de sortie laissée au bord de
l’eau (ioôme ouiâsse ala houaidjou). Tant et tant de relations,
d’accords, de conventions, de liens liés au réel et à l’irrationnel,
raccordant les deux entités.
En plus, les signaux du Premier ministre algérien, ont été lancés lors
de l’installation du nouveau P-dg de Sonatrach. Encore une raison
supplémentaire d’analyser avec minutie les propos de Sellal. L’Union
européenne est dépendante des énergies fossiles algériennes et russes
pour l’essentiel. Bruxelles a donc retenu le plus probant dans le
discours — nouveau — du presque président, au moins au niveau
protocolaire, de la parole d’Etat algérien. Trois points ont retenu
l’attention, ici. Le premier est que le nouveau patron de Sonatrach
n’est pas intérimaire et qu’il sait – selon des indiscrétions
bruxelloises — consensuel au niveau des pouvoirs décisionnels du pays.
C’est mieux qu’une gestion approximative due au fait que le responsable
du secteur, non validé par une nomination effective d’Etat, ne peut rien
entreprendre de sérieux. Surtout dans une zone d’influence par laquelle
est passé Chakib Khelil ! Sur cette question, l’Union européenne ne joue
pas aux dés, elle s’engage sur du sérieux, du long terme, pas sur du
vent. Mazouzi semble, à cet égard, satisfaire l’interlocuteur européen.
D’autant plus que Sellal, lors de l’intronisation du désormais gardien
de la vache des orphelins algériens qu’est Sonatrach, a donné des
garanties quant à non seulement la poursuite mais l’accélération des
rythmes d’exploration et d’exploitation des énergies conventionnelles
actuelles. C’est rassurant pour Bruxelles qui ne tient pas tant que ça à
se rabattre sur la Russie exclusivement en cas de ralentissement de la
production algérienne. C’était le deuxième point auquel les experts des
28 ont prêté, particulièrement, l’oreille. Le troisième étant la
reconnaissance au plus haut niveau décisionnel de perturbations
financières à la baisse. D’un mot, l’Algérie qui déclare «la situation à
laquelle est confronté le pays est délicate», permet une lecture des
enjeux actuels et à venir.
Les Européens étant confrontés à une crise des plus angoissantes depuis,
au moins, 2008, préfèrent ce diagnostic cruel aux fausses statistiques,
aux chiffres erronés et aux promesses à l’emporte-pièce. L’UE sait,
dorénavant, que l’Algérie — si tant est qu’elle ne le savait pas avant —
importera moins de produits de la Vieille Dame (Europe et non pas
Juventus de Turin) et que l’embellie financière du pays est derrière
tout le monde. Mieux vaut le savoir en le disant et mieux vaut que
Sellal le dise. Pourtant, la mauvaise passe dans laquelle se trouve
l’Algérie ne réjouit pas Bruxelles. Loin s’en faut ! Les 28 savent,
désormais, qu’il faudra se battre à mort pour conquérir les parts de
marché en Algérie, hormis les hydrocarbures. Contre le reste du monde,
d’abord (Chinois, Américains et autres) et entre eux. L’Union européenne
étant un montage complexe où, certes, la devise est «un pour tous»,
alors que la réalité et «chacun pour soi».
Les incursions françaises en Algérie et hors Union européenne ne
plaisent pas, toujours, ici. Les Allemands, les Britanniques, les
Italiens, les Espagnols ne resteront pas en reste du gâteau Algérie. Ils
n’ont jamais, à vrai dire, été en reste. C’est rude pour tout le monde.
Sellal n’a pas été sur les traces de Hamid la Science, c’est toujours ça
de su pour Bruxelles.
A. M.
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