Actualités : OUYAHIA AFFIRMATIF :
«Il n’y aura ni présidentielle anticipée, ni succession monarchiste»


Ahmed Ouyahia entame un retour fracassant, non seulement comme patron du Rassemblement national démocratique, mais comme véritable voix du pouvoir, celle réelle et officielle. Il fallait bien une tribune partisane pour justifier l’expression publique et sans «réserve» du directeur de cabinet de la présidence de la République. Le retour d’Ouyahia, c’est, d’abord et avant tout, cela.
Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Il aura suffi à Ouyahia d’une conférence de presse, animée jeudi dernier à Zeralda à l’issue de la session du conseil national du RND qui avait estampillé son retour, pour mettre fin à de nombreuses spéculations. Des plus banales, aux plus taboues. «Le Président Abdelaziz Bouteflika préside et présidera encore jusqu’à la fin de son mandat, en 2019.» Très clairement, il n’y aura ni démission, ni élection présidentielle anticipée. «Vous pourrez le vérifier à l’avenir. A l’automne, par exemple, vous découvrirez qu’il n’y a eu aucun changement à la tête des institutions de l’Etat (...) les élections législatives auront lieu en 2017 et la présidentielle en 2019.» Autre question définitivement balayée par Ouyahia, celle consistant à attribuer au frère conseiller de Abdelaziz Bouteflika des velléités d’accéder à la magistrature suprême : «Je vais apporter trois niveaux de réponse à cette question. D’abord, je ne pense pas que le peuple algérien soit monarchiste ou ait décidé de le devenir. L’Algérie n’est pas l’Egypte (de Moubarak, ndlr). Ensuite, il ne viendrait jamais à l’esprit du moudjahid Abdelaziz Bouteflika, qui a tout sacrifié pour son pays, de vouloir nuire à l’Algérie. Enfin, tout le monde connaît M. Saïd Bouteflika. Et rien ne laisse à croire qu’il entreprenne quoi que ce soit dans ce sens.» Sur un autre plan, Ahmed Ouyahia avait, à plusieurs reprises, tenté de diminuer de l’impact considérable provoqué par la lettre adressée par Gaïd Salah à Amar Saâdani. «C’est la presse et l’opposition qui en font une affaire.» Le directeur de cabinet de Bouteflika préservera toutefois la presse. «Je suis fier que mon pays puisse développer des médias de qualité.» Mais il s’en prendra violemment à l’opposition : «J’ai lu certains commentaires dans la presse. Dire que l’on a violé la conscience des soldats, que certains membres de l’armée ne sont pas d’accord (avec Gaïd Salah, ndlr) c’est de l’irresponsabilité.»
«Je rends un vibrant hommage au DRS, à Si Toufik et à l’ANP»
A une question rappelant l’époustouflante sortie de Amar Saâdani qui s’en prenait aux services et à leur premier responsable en automne 2013, Ouyahia usera de ses talents de diplomate pour livrer une réponse qui ne puisse prêter à équivoque : «Je connais le frère Si Toufik. Je peux vous dire que, si nous sommes ici, aujourd’hui, à discuter dans cette salle, c’est grâce au DRS, à son chef ainsi qu’à toute l’armée et aux différents services de sécurité, y compris les garde communaux qui ont fait face au terrorisme.» Parlant plus en tant que haut responsable de l’Etat que comme chef de parti, Ouyahia revient encore sur la lettre : « Même le ministre de la Défense nationale, président de la République, est président du FLN. Ou est le problème ? Et puis que contient donc de si grave cette lettre de félicitations ? Quant au général de corps d’armée Gaïd Salah, je peux vous dire une seule chose : ce soir, vous allez le voir à la télévision en train d’effectuer une visite de travail dans le sud-ouest sudouest du pays.» Une manière comme une autre de clore le sujet. Par contre, la réponse d’Ouyahia sera autrement plus directe s’agissant du dernier congrès du FLN et l’adhésion massive des ministres du gouvernement Sellal, quatorze au total, au Comité central : «Ce n’est pas nouveau. En 2002 déjà, le gouvernent de Si Ali Benflis en comptait seize. Idem pour celui de Si Abdelaziz Belkhadem. Mais vous pensez qu’il y a une directive quelconque pour pousser les gens à adhérer au FLN ? Non. Dans notre pays, certains ont cette faculté ou cette habitude de vouloir deviner dans quelle direction le vent va souffler.» Autre thème développé par Ahmed Ouyahia, qui, la veille, avait solennellement appelé les partis du gouvernement à se constituer en pôle politique, les rapports entre le pouvoir et l’opposition. Reconnaissant précédemment les carences en terme de communication des institutions, de l’Etat en général, il extrapole sur les partis du pouvoir : «L’opposition en Algérie n’est pas forte. Ce qui lui confère cette impression, c’est plus la faiblesse et la mollesse des partis du pouvoir.» Il est de plus en plus clair que le retour de l’orateur dans l’arène politique trouve dès lors toute son explication. L’homme ne mâche pas ses mots en plus : «C’est quoi cette histoire de faire consensus sur tout ? Nous pouvons, à la limite, aboutir à des consensus sur certaines questions bien déterminées. Mais le consensus absolu est contraire au pluralisme, à la démocratie.» Il précisera davantage sa pensée : «Certes, nous sommes pour le dialogue. Dans le cadre de la réconciliation nationale, l’Algérie a même pardonné à des gens qui avaient assassiné. Mais il y a des limites à tout. Certains vous disent que l’Etat algérien en tant que tel, viennent se rabaisser et assistent à des conclaves, présidés par une église ou je ne sais quelle autre chapelle, au même titre que tout le monde ; certains autres vous invitent à discuter d’une transition, ou alors autour d’une feuille blanche ! Bien sûr, il est hors de question !» C’est le cas également de la révision de la Constitution. «Tous ceux qui voulaient prendre part aux consultations l’ont fait. Quant aux autres, soit qu’ils vous disent qu’ils ne reconnaissent pas le régime, soit qu’ils ne sont pas d’accord avec la révision. C’est leur affaire!»
«Quand l’État doit sévir, il doit le faire»
Dans sa très longue conférence de presse, Ouyahia s’est également attardé sur bien d’autres sujets agitant la scène nationale. «Daesh ? Ce n’est pas une vue de l’esprit. Il est même très proche. Il est déjà en Libye par exemple où il dispose, à satiété, d’un impressionnant arsenal en armement. Ce ne sont plus de modestes armes à main des terroriste d’antan, mais de tout type d’armes lourdes.» Ce qui nécessite un surcroît de vigilance, insistera-t-il. A commencer par stabiliser le front intérieur. Il citera au passage deux foyers de tension : Ghardaïa et la fameuse affaire du gaz de schiste. «A l’allure où vont les choses, avec notamment l’augmentation incessante de la consommation nationale en énergie, dans dix, quinze ans, nous n’aurons plus suffisamment d’hydrocarbures à exporter. Or, nous ne vivons que de cela.» Plaidant ouvertement pour l’exploitation de cette ressource, aux échéances initialement prévues par l’Etat, à savoir dans dix à quinze ans, Ouyahia prévient avec une fermeté non feinte : «L’Etat algérien a, certes, géré avec souplesse cette affaire (… ) Mais lorsque l’Etat doit sévir, doit frapper, il doit le faire.» Disposant certainement de données précises sur de fortes probables implications étrangères de par son poste au cœur de l’Etat, Ouyahia en multiplie les allusions. Sa mise en garde se veut, ici, certainement un message à double destination : interne et externe.
K. A.



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