Actualités : LUTTE CONTRE LA MIGRATION CLANDESTINE
Armada européenne au sud de la Méditerranée
De notre bureau de Bruxelles,
Aziouz Mokhtari
Sans mandat de l’ONU, l’Union européenne lance une vaste opération
navale en Méditerranée. Le but annoncé est la lutte contre les passeurs
de migrants.
Les communicants de Bruxelles répètent qu’il ne s’agira que d’une
surveillance «accrue», d’autres utilisent le terme «rapprochée», des
côtes exportatrices de clandestins.
C’est à ce niveau que se terre le piège, que Bruxelles ruse et comme,
toujours, le diable se cache dans les détails. Entre la rive sud arabe
de la Méditerranée et sa rive nord, qui peut, avec précision, délimiter
les frontières maritimes que le droit international a délimitées
juridiquement mais depuis que l’Occident-Otan a décidé de s’y incurser,
elles deviennent poreuses, sujettes à toutes formes d’intervention hors
droit international.
Depuis l’expédition guerrière du trio Nato-Sarkozy-Bernard Henry Lévy en
Libye, tous les dépassements et toutes les atteintes à la souveraineté
des Etats sont possibles et agréées au début, au nom de la lutte
antiterroriste, et depuis peu pour mettre fin à l’immigration
clandestine.
Pourtant, tout le monde sait, les Européens en premier, que c’est cause
perdue d’opérer de la sorte. L’expérience libyenne prouve, s’il fallait
encore le prouver, que la force mise en service des intérêts économiques
et politiques de nantis, c’est le cas, crée plus de drames et de
tragédies qu’elle ne solutionne des conflits.
L’Union européenne, en s’engageant militairement au-delà de son
territoire méditerranéen défini par les traités, franchit une ligne
supplémentaire dans l’escalade, la tension.
Dans le communiqué annonçant la création de la force d’intervention
européenne, il est mentionné qu’au début, les soldats de l’eau de
Bruxelles se limiteront à contrôler l’afflux des migrants en attendant
une résolution de l’ONU. Bruxelles ne désespère pas d’obtenir l’aval de
la haute juridiction onusienne comme si ni les USA, ni la Chine, ni la
Russie n’existeraient.
Si les Américains peuvent accepter l’attitude guerrière de l’UE qu’il
peuvent gérer, voire actionner, il n’est pas sûr, cependant, que Pékin
et Moscou ne lisent pas politiquement les intentions de Bruxelles.
La mer d’Ulysse, de Raïs Hamidou, de Hachemi Guerrouabi, de Fadila D’ziria
et de Jules Cesar est éligible à devenir, dans peu de temps, une
véritable zone de guerre, plutôt de guerres et durables. L’énoncé de
l’édit européen d’hier, de par son ambiguïté, le laisse aisément
supposer.
Que signifie, à vrai dire, «zones exportatrices de migrants» ? C’est
l’ensemble du versant du Midi méditerranéen qui est dans cette
posture. Les côtes libyennes, évidemment, qui sont immenses et collées à
l’Italie, à Malte, à la Corse et englobent une immensité inouïe.
Les eaux maritimes de l’ex-pays de Gueddafi ne sont pas seules
pourvoyeuses en clandestins. La Syrie, le Liban, la Tunisie, le Maroc,
l’Algérie, comme territoires de transit ou comme, carrément, des nations
exportatrices (le Maroc, notamment, pour les présides de Ceuta et de
Melilla) sont et peuvent être déclarées comme telles, puisque l’Union
européenne arrimée à l’Alliance atlantique décide, seule, qui est bon et
qui est mauvais, des zones où il faut agir, des moyens militaires à
mettre en œuvre et des décisions à prendre sans consulter d’autres
partenaires.
S’il s’agissait de lutte contre l’immigration clandestine, et seulement
de cela, l’Union européenne aurait pu, aurait dû, avant de mettre en
branle ses navires de guerre, coopérer avec les sudistes arabes de la
mer d’Apollon. D’autant que le cadre de pareils conciliabules existe, il
porte un générique intéressant : les accords d’association ou le
processus de Barcelone.
On en est loin, très loin, aujourd’hui à Bruxelles, nulle référence à la
capitale de la Costa Brava, la jolie ville catalagne. Il ne s’agit plus
que de Tobrouk, Kidal, Benghazi, Alep, Damas, Beyrouth, Ceuta, Tunis,
Annaba ou Tripoli.
En débarquant à Sidi-Ferruche en 1830, le prétexte du général de
Bourmont pour justifier la présence de l’impressionnante armada autour
du petit bourg de la banlieue d’Alger était de se venger d’un simple
affront dont le consul Vidal était victime.
Rien à voir avec les dangers «immenses» aux conséquences «ravageuses»
que Bruxelles-Otan met en avant présentement.
Houle en Méditerranée !
A. M.
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