Culture : Candide aujourd’hui
Les yeux grand ouverts


Candide est l’œuvre de Voltaire (1994- 1778) la plus lue et peut-être la plus analysée et la plus commentée du siècle des Lumières en Europe. Candide ou l’Optimisme a été réédité vingt fois du vivant de l’auteur, ce qui en fait un des plus grands succès littéraires français.
Publiée à Genève en 1759, cette vaste œuvre englobe tous les sujets philosophiques de l’époque (et d’aujourd’hui) : la religion et le fanatisme, la liberté politique et la tyrannie, la connaissance et l’obscurantisme, le bonheur et la fatalité, la liberté et l’esclavage. le thème sous-jacent de ce conte philosophique est le bonheur «ici et maintenant» (hic et nunc en latin), objectif ultime des Lumières. Les autres thèmes (connaissance, liberté…) ne sont que des moyens pour servir cet objectif.
Contrairement aux philosophes de la Renaissance, qui promettaient le bonheur après la mort, dans une tradition classique chrétienne, le travail des Lumières vise à fournir aux hommes les conditions d’un bonheur immédiat sur Terre. Les Lumières ont ainsi développé le concept de droit au bonheur. C’est cette quête du bonheur que relatent les aventures de Candide, un bonheur qui se construit contre les aléas du destin, la folie des hommes et la déraison générale.
La religion de Candide (et celle de Voltaire) est le déisme, fondé sur la croyance en un Dieu créateur de l’univers qui agit comme un horloger, un architecte qui crée mais laisse vivre sa création. C’est donc aux hommes de prendre en main leur destin.
Politiquement, Candide est modéré. Il critique tous les gouvernements corrompus du monde, sans prôner pour autant le renversement de ces gouvernements. Voltaire n’est pas un révolutionnaire : il croit que toute révolution instaure un système politique pire que son prédécesseur.
La thématique du jardin est plurielle dans Candide. Le jardin est le symbole de la culture matérielle, pour la nourriture qu’elle dispense, et intellectuelle, considérée comme une métaphore de la nourriture spirituelle. Le jardin est aussi un éloge de l’ordinaire, du chez-soi, de la normalité, car à défaut de construire un monde parfait, il faut se contenter du monde tel qu’il est. Candide vit dans une petite communauté, repliée sur elle-même. les Etats sont corrompus, il faut donc les quitter pour mener une vie retirée, fondée sur le travail. Le vrai bonheur ne se trouve pas dans un monde parfait irréalisable, un monde de rêves, mais dans l’élaboration d’un bonheur simple, fruit du travail comme le prouve la dernière phrase du conte : «il faut cultiver notre jardin».
Voltaire veut démontrer que les philosophes optimistes , comme Pagloss, ont tort de dire : «Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes». Candide qui était optimiste au début comme son maître, découvre les différentes formes du mal. Il découvre aussi la guerre, le premier mal du monde.
«Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes», raconte le narrateur dans une évidente fausse candeur. Candide en traversant le champ de bataille, après «cette boucherie héroïque» voit de ses propres yeux les horreurs de la guerre : des destructions et des milliers de morts et de blessés soldats, civils, hommes, femmes et enfants dans un village des Abares. «Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l'avaient traité de même.»
Voltaire montre l’absurdité de la guerre, en faisant remarquer que chez les deux belligérants, personne ne sait pourquoi il se bat. Dans les deux camps après «l’héroïque boucherie», on fait chanter des te deum, une cérémonie religieuse pour remercier Dieu après une victoire ! Le philosophe français dénonce également le pouvoir des rois qui justifie la guerre avec l’expression «droit public».
«Le meilleur des mondes» n’a pas beaucoup changé depuis Candide. La guerre à trouvé d’autres justificateurs (présidents, Parlements...) et d’autres motifs avec d’autres expressions. Le fanatisme, enfin, a trouvé d’autres religions.
Kader B.



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