Culture : EVOCATION
18 juillet 2014-18 juillet 2015
Nesrine Sellal, en souvenir d’une belle âme


Il y a un an, le vendredi 18 juillet 2014, Nesrine Sellal était ravie aux siens, à ses proches et ses amis suite à une longue maladie. Elle n’avait que 27 ans. Très courte, sa vie n’en fut pas moins très remplie. Journaliste, photographe, scénariste, écrivaine, elle aura touché presque à tout et tout réussi. Témoignages.

«Nesrine s’en est allée, trop tôt, trop vite. Et avec elle sa fraîcheur, son émotion, son talent. Lorsqu’une jeune femme aussi rayonnante s’éteint ainsi, il ne reste que des prières pour l’accompagner. Et souhaiter qu’ailleurs la si belle fleur éclose à nouveau. Pour l’éternité», écrivait le 19 juillet, le jour même de son enterrement au cimetière de Beni Messous, Karim Amellal, cofondateur de la revue électronique Chouf-chouf.com. «Talentueuse, promise à un bel avenir, Nesrine Sellal restera pour moi, pour avoir eu le privilège de l’avoir encadré lors de son stage à Liberté, un exemple d’humilité, d’éducation et de courage», rapporte Karim Kébir dans le quotidien Liberté du 20 juillet.
«Elle avait ce regard imposant du courage. Une étincelle dans les yeux qui éclairait sur sa farouche volonté de vivre malgré l’acharnement du destin sur sa santé. (…) Tout ce qu’elle approchait devenait une passion à ses yeux : la photographie, le cinéma, l’art, l’informatique, le journalisme. Elle tentait de compenser la fragilité de sa santé par une certaine boulimie de la vie. Nesrine était consciente qu’elle ne vivrait pas sa vieillesse», témoigne de son côté son confrère Samir A. du quotidien El Watan du 20 juillet. Pour l’avoir connue, accompagnée et encouragée à publier, sous le titre Nesrine Sellal, l’Eglantine fracassée, dans un article publiédans le quotidien Le Soir d’Algérie du 21 juillet, j’écrivais : «Elle m’avait confié en 2009 son recueil de nouvelles Une escapade amoureuse sur lequel on a travaillé longtemps tant elle était exigeante sur la qualité, ciselant chaque phrase et revenant à l’ouvrage sans cesse. (…)
Le temps a passé jusqu’à notre dernière rencontre à l’esplanade de Riad-El-Feth (à l’occasion du Festival international de la littérature et du livre de jeunesse 2011 où elle était récompensée pour une de ses nouvelles) où j’avais pris des dizaines de photos d’elle tout en lui disant, sur le ton de la plaisanterie, un tantinet provocateur, que l’une d’elles servirait d’illustration pour la couverture de son premier livre qui devait paraître dans ma «collection Passe Poche». Ses yeux brillaient d’une joie indicible et son sourire éblouissant illuminait alors les lieux.
Le temps avait encore passé entre longues périodes de déprime et moments d'enthousiasme jusqu’à ce funeste matin du 19 juillet 2014 où j’apprends (…) sa mort brutale... De retour du cimetière de Béni-Messous où elle avait été mise en terre, je ressens le besoin irrésistible de rouvrir son dossier comme si elle m’avait demandé de ne pas l’oublier… Comme si je me devais à cette amana (…) Je garderai de toi, Nesrine, pour toujours, ce sourire éclatant, expression la plus belle de l'amour de la vie que tu avais en dépit de tout ce qui chez toi le contrariait et je te donne ici, publiquement, ma parole de poète que je ferai tout pour publier ce recueil de nouvelles que tu m'avais confié, Une escapade amoureuse, et dont tu reportais la publication à chaque fois pour telle ou telle raison que je comprenais… comme si tu voulais que la beauté de l’églantine, rose ou blanche, n’éclatât qu’après ta mort, au mois de juillet où sa floraison qui débute en le joli mois de mai est la plus belle.»
L’ouvrage de Nesrine Sellal a été publié finalement sous le titre Journal intime d’une condamnée à vivre avec une très belle photo prise par elle au cap Carbon à Béjaïa, photo polysémique de ses pieds dans des baskets chaussures bleues balançant dans le vide au-dessus de la mer, face à l’un des plus hauts phares de la mer Méditerranée, à 220 m au-dessus du niveau de la mer, le plus haut phare naturel au monde… et une préface à la fois sobre et émouvante de son amie, la romancière Kaouther Adimi qui dit tout d’elle en très peu de mots : «Lorsqu’elle s’en est allée, beaucoup nous ont dit qu’elle ne souffrirait plus, que c’était mieux ainsi. Beaucoup ont écrit, parlé, pleuré. Nous, on s’est tus. Nesrine n’avait pas peur de souffrir. Elle ne voulait pas mourir. Elle n’a cessé de répéter que ça allait arriver pour mieux éloigner ce désastre. Nous n’avons cessé de lui dire que ça n’arriverait pas pour la même raison. Ces textes (tristes, sincères, déracinés, émouvants, universels) ont été imaginés par une jeune femme, joyeuse, étonnante, écorchée, enivrée, généreuse, épuisante et sûrement déjà un peu nostalgique. Nostalgique du futur qu’elle avait peur de ne pas connaître. Ou du moins pas complètement.»
«Grandir m’angoisse car c’est pour moi synonyme de responsabilités, de choix à faire et de problèmes à résoudre. Je ne veux pas grandir», écrit l’un des personnages. Aujourd’hui, il n’y a plus d’angoisse. Il n’y a plus de joie non plus. Il ne reste que le souvenir d’une belle âme.» Une belle âme Ad vitam æternam.
Lazhari Labter, écrivain-éditeur



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