Actualités : DES CENTAINES DE MILLIONS DE DOLLARS DÉTOURNÉES ANNUELLEMENT
Le pétrole algérien pompé en Libye


En dépit des guerres fratricides, la compagnie libyenne National Oil Company et l'italienne ENI continuent de pomper du pétrole et du gaz algériens sur le champ de Wafa, à la limite de nos frontières.
Des centaines de millions de dollars sont détournées annuellement, sans que les autorités algériennes réagissent. Pendant onze ans, des responsables de la Sonatrach ont laissé durer cette situation qui a coûté au Trésor public plus de quatre milliards de dollars.
Responsabilité de Chakib Khelil

Le détournement du pétrole algérien a été constaté en 2004 par les jeunes ingénieurs qui travaillaient sur le champ d'Alrar, situé au sud d'Illizi, à proximité de la frontière avec la Libye. Ce champ d'Alrar communique avec celui de Wafa, de l'autre côté de la frontière. A cette époque, la Sonatrach exploitait ce bloc avec des moyens rudimentaires, qui n'ont pas changé depuis 1987. En face, les Libyens ont confié l'exploitation de Wafa à l'italienne ENI, qui a pu atteindre un plateau de production important. Et une grande partie de ce pétrole et gaz était aspirée sur le potentiel algérien, du fait de la migration des hydrocarbures vers la Libye où ENI provoquait des zones de dépression. Alerté par les jeunes ingénieurs algériens, Chakib Khelil faisait traîner les choses. Ses relations privilégiées avec Paolo Scaroni ne devaient en aucun cas être altérées par cette histoire de détournement de pétrole et de gaz. Sous la pression des jeunes cadres, Chakib Khelil prend une décision, deux ans après, juste pour calmer les esprits. La Sonatrach et la compagnie pétrolière libyenne, National Oil Company, signeront, le 4 septembre 2006, un contrat portant sur l'étude technique des gisements frontaliers d'Alrar et de Wafa. L'étude devait déterminer l'état de communication des deux gisements frontaliers. Pour donner un maximum de crédit à ce contrat, l'étude a été confiée au consultant américain, en engineering de réservoir, De Gloyer and Mac Naughton (DMN). En quelques mois seulement, le consultant américain a terminé les travaux de vérification et a conclu l'existence de communication entre les deux champs d'Alrar et de Wafa. Mais, du côté Sonatrach, on ne réagit pas. Le rapport de DMN sera, soigneusement, oublié dans un tiroir alors que la production des Italiens de l'ENI sur Wafa augmentait de façon exponentielle. Au même moment où les quantités extraites sur Alrar diminuaient en continu, Wafa a vu sa production augmenter sensiblement.
Qui a pris le relais ?

Ce n'est qu'en 2009, que la Sonatrach a commencé à travailler sur ce dossier. Le 20 avril de cette année, la division Engineering et Construction (ENC) a lancé une consultation restreinte pour une étude «Front End Engineering And Design» (FEED), ayant pour but, l'élaboration de l'ensemble des documents nécessaires pour la constitution d'un dossier final en vue du lancement d'un appel d'offres pour la réalisation en EPC des installations de Séparation et Boosting Entrée Alrar. Cinq ans sont déjà passés depuis la première alerte sur le détournement du pétrole et gaz algériens par les Italiens de l'ENI. La Division ENC et sa hiérarchie du PED mettront deux ans supplémentaires pour sélectionner la société d'engineering qui allait réaliser ces études d'avant-projet détaillé (FEED). Le plus drôle est qu'en date du 27 février 2011, alors que Chakib était parti depuis six mois, l'ENC signait le contrat de FEED avec Genesis Oil&Gas, une filiale londonienne de la compagnie française Technip. A cette époque, Technip et l'italienne ENI étaient pris, ensemble, la main dans le sac sur une affaire de corruption pour l'obtention de contrats gaziers au Nigeria. Tout le monde à la Sonatrach se posait la question de savoir qui a pris le relais de Chakib Khelil sur cette affaire de Wafa-Alrar. Car, pour la réalisation de cette étude, qui a coûté la bagatelle de 8 millions de dollars, la Sonatrach a accordé un délai dépassant l'imagination. Pire encore, cette Division de l'Amont ne lancera les consultations sélectives pour le choix du constructeur qu'en date du 5 juin 2012. Même les «vautours» de Saipem, Lead et SNC Lavalin étaient à ce rendez-vous et espéraient décrocher ce marché. La Division ENC mettra une année et demie pour clôturer le processus d'attribution du contrat d'engineering pour la réalisation des installations de Séparation et de Boosting d'Alrar. Le 18 août 2013, la Sonatrach attribuait ce marché au groupement Petrofac-Bonatti, pour un montant de 52.88 milliards de dinars, soit 650 millions de dollars.
Si on tient compte du délai (32 mois) accordé à la réalisation du projet, les installations d'Alrar ne seront opérationnelles qu'en juin 2016. Dix ans exactement après la première sonnette d'alarme tirée par les cadres de la Sonatrach.
Aucune action d'arbitrage
Du temps de Chakib Khelil, aucune action n'a été menée en direction des Libyens ou des Italiens pour défendre les intérêts de Chakib Khelil. Le 20 février 2012, notre ancien ministre de l'Energie va s'associer avec son homologue libyen, Choukri Ghanem, pour la création, en Autriche, d'une société de conseil dénommée CGKL. A cette même époque, le tribunal de Milan enquêtait sur les relations de Chakib Khelil avec Paolo Scaroni, le président de l'ENI. L'axe du mal est donc identifié. Mais, le plus impressionnant dans l'histoire est le fait que même après le départ de Chakib Khelil, les Italiens continuent de pomper notre pétrole sans que les dirigeants de Sonatrach lèvent le petit doigt pour concrétiser le projet du Boosting d'Alrar. Les communications entre les réservoirs existent partout dans le monde. Chez les pétroliers, on a toujours recours à une opération d'arbitrage pour déterminer les droits de chaque exploitant. Ni Youcef Yousfi ni Salah Khebri n'ont agi dans ce sens, alors que même sur le territoire national, au niveau du champ Sif Fatma Nord-Est (SFNE), l'ENI continue de détourner, dans l'impunité, le pétrole de Sonatrach (Cf. notre édition du 5 mars 2013).
Mokhtar Benzaki





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