Chronique du jour : Kiosque arabe
Il y a mariages, et mariages
Par Ahmed Halli
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Le
procès des journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera qui s’est achevé
samedi dernier au Caire, ne restera pas dans les annales comme un modèle
du genre, en matière de justice. Certes, il y aurait à redire sur les
orientations générales de la chaîne, et plus particulièrement sur le
parti pris de ses correspondants en Egypte, en faveur des «Frères
musulmans», et de leurs actions violentes. En témoigne notamment la
contribution de la station du Caire, Al-kahéra Mubasher aux campagnes de
désobéissance des islamistes, après l'éviction du président «élu»
Mohamed Morsi. Les autorités égyptiennes ont laissé faire, puis sont
passées à l'action contre les «lampistes», en arrêtant une dizaine de
journalistes, faute de pouvoir s'en prendre aux commanditaires. C'est
ainsi que des journalistes qui faisaient leur métier, même de façon
contestable, moralement et professionnellement(1), se sont vus inculper
d'atteinte à la sécurité intérieure de l'Egypte. La majorité des membres
du groupe, baptisé pour les besoins de la cause, «Cellule du Marriott»,
en référence au prestigieux hôtel d'où ils émettaient, a été condamnée à
trois ans de prison. Les magistrats égyptiens qu'on a connus plus libres
et plus soucieux de tenir leur rôle, ne sortent pas grandis de ce
procès, et la très démocratique Al-Jazeera a eu beau jeu de crier au
déni de justice. La chaîne qatarie aurait été pourtant plus avisée de
claironner qu'on lui faisait un procès politique, vu que la politique
était son objet premier depuis son lancement.
Mais dans un an, peut-être moins, l'Egypte et le Qatar se seront
réconciliés, sûrement au détriment d'un tiers, les journalistes
égyptiens et étrangers auront été relâchés, ou expulsés, et l'affaire
retombera dans l'oubli. Enfin presque, puisqu'il restera cette image
prégnante de l'une des avocates du procès, qui a éclipsé par sa présence
tous les autres acteurs, la star du tribunal, et pour cause, j'ai nommé
Amal Clooney. L'avocate du barreau londonien, née Amal Alam-Eddine, est
issue d'une authentique famille libanaise, même si elle opère sous
pavillon britannique. Son patronyme familial la prédisposait à être
l'étendard d'une toute autre cause, mais le Liban possède encore ces
formules qui permettent l'accès à la modernité, sans passer par la case
de la magie. Connue pour appartenir à un cabinet international dont les
services ne sont pas à la portée du premier venu, Amal Clooney était
chargée de défendre le chef de la «cellule du Marriott», l'Egyptien
Mohamed Fadhel Fahmi. Apparemment excédé par la place occupée par Mme
Clooney, dans les médias lors de ce procès, et sans doute mu par la
jalousie, l'acteur égyptien Mohamed Karim a eu un coup de sang. Sur sa
page Facebook, il a manqué de galanterie et de fair-play en interpellant
l'avocate en termes peu amènes : «Qu'est-ce que Georges Clooney t'a
trouvée, que nous n'avons pas vu. Qu'est-ce qui lui a plu chez ta mère
?»
Une façon carrément injurieuse de rappeler l'adage universel selon
lequel quiconque veut épouser une jeune femme doit regarder la maman
pour voir comment sa fille sera dans vingt ans. Ce qui n'est pas très
gentil pour Mme Alam-Eddine mère. L'acteur qui attend sans doute son
tour de se laisser prendre par pur aveuglement, s'en est pris aussi à
l'acteur américain pour son manque de goût en matière de femmes. Sachant
que s'il a vraiment fait le bon choix, pour lequel il avait toute la
latitude, c'est certainement celui d'Amal qui, une fois n'est pas
coutume, allie la beauté à l'intelligence. Un autre procès venant d'un
comédien quasi inconnu, donc très présomptueux, et visant un géant du
cinéma, apaisé et respecté comme Georges Clooney. Ce dernier, grand
séducteur, a prouvé qu'il aimait non seulement le bon café, comme le
suggère la célèbre publicité, mais qu'il appréciait aussi «l'arabica»,
dans sa graine féminine. Devant les réactions indignées, Mohamed Karim a
retiré son post, offrant ainsi une reddition en rase campagne au couple
Clooney, qui n'en avait pas besoin pour ajouter à sa gloire. Cette
«victoire» confirme toute la sympathie dont peut jouir un mariage
américano-arabe, lorsqu'il n'est pas contre nature, comme ceux qui se
concluent trop souvent dans la région. Un mariage dont le modèle agréé,
et quasiment inimitable, est le couple Washington-Ryadh, uni par le
pacte dit du «Quincy».
Curieux couple, apparemment mal assorti, formé par une des plus
anciennes démocraties au monde, et une monarchie théocratique,
survivance moderne des dynasties musulmanes, qui ont domestiqué l'Islam
pour leurs intérêts. Pétrole oblige, puisque malgré tous leurs moyens
technologiques investis dans l'exploitation du gaz de schiste, les
Etats-Unis, ne paraissent pas être en mesure de se passer du pétrole
saoudien. C'est sans aucun doute ce pacte que le roi Salman va
renouveler solennellement en se rendant ces jours-ci aux Etats-Unis, non
pas pour régler le problème palestinien, mais pour conforter le nouveau
front ouvert contre l'Iran. Il n'y a donc rien de nouveau sous le
soleil, et avant que le ciel ne s'assombrisse, regardons plutôt vers le
couple Amal-Georges Clooney : ces deux-là représentent certainement une
lueur d'espoir pour un avenir autre que celui que certains nous
préparent.
A. H.
1) Les aventures marocaines du «journaliste» égyptien d'Al-Jazeera,
Ahmed Osmane, ne sont pas près de s'achever puisque les révélations sur
ses mariages de jouissance (orfi) se succèdent. Non content de ces
brèves étreintes, l'animateur y a ajouté les insultes contre le pays et
ses habitants. Ce qui a suscité l'indignation de nos confrères
marocains, indignation légitime mais qui aurait pu s'exprimer plus tôt.
D'abord, et surtout, contre ces mariages à la mode islamiste, et avec
des responsables du parti au pouvoir comme entremetteurs.
2) Le pacte a été signé à bord du croiseur américain USS-Quincy, entre
le président Franklin Roosevelt, et le roi Ibn-Séoud, le 14 février
1945, pour une période de 60 ans. Il a été renouvelé pour la même durée
en 2005. http://ahmedhalli.blogspot.com/
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