Chronique du jour : Kiosque arabe
Souad Salah, loin de «l'oiseau bleu»
Par Ahmed Halli
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Les
Russes s'invitent au festin syrien, mais comme ce sont des originaux,
ils ont apporté leurs propres victuailles, et les Occidentaux n'arrivent
plus à savoir si c'est du lard ou du cochon. Comme au bon vieux temps où
la kasma de Draâ-al-Mizan sommait l'impérialisme américain de déguerpir
du Viêtnam, notre ami François Hollande donne de la voix contre Poutine,
le trouble-fête. Émoi de troisième type des Saoudiens qui ne veulent pas
être en reste et retrouvent leur verve d'antan, après avoir exhumé la
panoplie, dont une grue à prosternation giratoire, qui a si bien servi
jadis en Afghanistan. Avec cette différence que les Russes ne sont plus
une puissance athée occupant un pays musulman, mais des mécréants volant
au secours du chiite Bachar Al-Assad. L'Histoire bégaie en psalmodiant.
Résumons : le dictateur de Damas qui commence à devenir sympathique
dénonce les «frappes» françaises, initialement destinées à conjurer le
péril du moment, à savoir Daesh. Toutefois, les «Mirages» de Hollande,
on les voit venir de loin, et on devine clairement quels sont leurs
véritables objectifs. Pendant ce temps, les Turcs ne font plus mystère
de leur volonté de se débarrasser des Kurdes, plus dangereux à leurs
yeux que le califat de Mossoul.
Du coup, on a presque oublié que ces Turcs, version Erdogan, étaient des
alliés de l'Occident, et principalement des Américains. Ah ces
Américains ! À moins qu'ils fassent l'âne pour avoir du son, ces
Américains-là, et principalement depuis l'arrivée d'Obama, nous
déroutent à bien des égards. Ainsi, ils s'entêtent à nous persuader,
nous musulmans, qu'il y a des «islamistes modérés» parmi nous, alors que
nous les cherchons en vain depuis des décennies, et même au-delà, ceci
sans vouloir faire allusion à l'endroit où ils voudraient nous envoyer.
Obama qui n'a pas encore fait un pli, comme à la belote, pour mériter
son prix Nobel et prendre le «dix de der», interpelle lui aussi Poutine.
Le «Tsar» de toute la Russie, qui fait tout en ce moment pour nous être
agréable, a le droit d'envoyer ses «Migs» en Syrie, mais pas contre les
«islamistes modérés». Ce qui veut dire que notre encombrant ami Poutine
ne doit pas bombarder ces gentils barbus, formés et armés de pied en cap
par les Américains, un quart d'heure avant qu'ils n'aient rallié Daesh,
avec armes et bagages. Car, voyez-vous, les Américains, qui ont étudié
notre guerre de Libération en voyant et en revoyant un seul film La
Bataille d'Alger, ont oublié ce qui aurait pu être un autre
chef-d'œuvre, «L'Oiseau bleu».
Pour ceux qui ne connaissent pas cet épisode de la guerre de Libération,
l'opération «Oiseau bleu»(1) est en résumé une opération de noyautage
des maquis en Wilaya 3, où tel est pris, qui croyait prendre.
L'administration colonialiste a armé et financé en 1956 plusieurs
dizaines de combattants de l'ALN, sous le nom de «Force K», et destinés
selon ses plans à combattre le FLN (1). De fait, ces hommes, menés par
Mohamed Yazourène, Saïd Mehlal et Ahmed Zaïdat, exhibaient des corps de
«combattants du FLN» tués, mais c'était en réalité des collabos et des
militants du MNA. Lorsque le commandement de l'armée française commença
à avoir des soupçons, la «Force K» fut intégrée aux unités de l'ALN,
avec les remerciements de Krim Belkacem(2). Comparaison n'est pas
raison, mais c'est la même mésaventure qui est arrivée à Obama, à une
échelle beaucoup plus grande, même si la cause l'est moins. Il est de
notoriété publique aujourd'hui que la majorité des éléments armés de
l'opposition syrienne ont rejoint les milices islamistes, ou ont été
phagocytés par elles. Quant à la cruauté des méthodes et aux horreurs,
elles se ressemblent et obéissent aux mêmes principes, même si elles
sont moins médiatisées que pour Daesh.
Après «l'oiseau bleu s'est envolé» des Américains, c'est une autre
facette de «l'islamisme modéré» que les médias arabes nous ont fait
découvrir récemment, avec «l'opération Souad Salah». Cette dame qui
hante les plateaux de télévision, et dont l'aspect physique peine à
rappeler la perfection de la divine providence, lors de la création
d'Ève, ne fait pas dans la dentelle. Cette prédicatrice ayant minbar à
Al-Azhar, peu soupçonnable de féminité et encore moins de féminisme, a
pour mission d'incarner le wahhabisme à visage humain, mais il suffit de
la regarder un temps pour se convaincre qu'il y a des sorts plus
enviables. Souad Salah qui émet à l'écran autant de phéromones qu'un
esquimau glacé s'est donné pour mission de façonner la femme musulmane,
selon les désidératas, et surtout le désir de l'homme. Ainsi une femme
n'est pas autorisée à «contrôler» le téléphone portable de son mari pour
vérifier qu'il ne la trompe pas avec une autre.
Elle tomberait ainsi dans le péché d'espionnage qui est proscrit en
Islam, mais autorisé selon «Sainte Souad», si c'est le mari qui le
pratique aux dépens de son épouse. Souad Salah aurait pu se contenter
d'apprendre la soumission aux midinettes d'Égypte et du monde arabe,
mais fidèle à sa quête du bonheur, au profit exclusif de l'homme, elle
vient de franchir un nouveau palier. Désormais, tous les violeurs et
esclavagistes du califat islamique peuvent se référer à Souad Salah,
pour justifier leurs crimes. Tout en autorisant les djihadistes à
«prendre du plaisir» avec tout ce qui porte jupon, la prédicatrice
rouvre la porte au «djihad sexuel» en y encourageant implicitement les
femmes. Une condition à laquelle il est certes difficile de la
rattacher, puisque le premier réflexe est de la cataloguer dans le
masculin singulier, avec surcharge pondérale, mais sait-on jamais !
A. H.
(1) L'histoire de cet épisode glorieux, trop peu connu des jeunes
générations, mérite d'être mieux connue et étudiée, tout comme celui de
la «Harka» de Kobbus, dans l'Ouarsenis, qui devait servir le même
objectif, et qui a été démantelée par Omar Oussedik et le Commandant
Azzedine.
(2) L'inanité des manœuvres françaises et l'échec de la
contre-révolution sont illustrés par cette courte mais édifiante lettre
de Krim Belkacem, au Gouvernement
général : «Vous avez cru introduire, avec la “Force K” un cheval de
Troie au sein de la résistance algérienne. Vous vous êtes trompés. Ceux
que vous avez pris pour des traîtres à la patrie algérienne étaient de
purs patriotes qui n'ont jamais cessé de lutter pour l'indépendance de
leur pays et contre le colonialisme. Nous vous remercions de nous avoir
procuré des armes qui nous serviront à libérer notre pays.»
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