Actualités : 175 DINARS POUR UN EURO
Le marché informel de la devise flambe
La monnaie unique européenne, l’euro, s’envole. Hier,
un euro s’échangeait à 175 dinars sur le marché parallèle. Quelles sont
les raisons de l’envolée de la devise européenne face à la dépréciation
de la monnaie nationale ?
Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - Au square Port-Saïd, la
bourse à ciel ouvert d’Alger, les cambistes affichent fièrement leurs
billets d’argent à la main. Le client sera facilement servi en achat et
en vente de la devise. Cependant, le taux de change a atteint hier une
barre inégalée.
En 48 heures, la monnaie unique européenne a flambé. En pleine période
estivale et saison de hadj, un euro était coté à 163 dinars sur le
marché parallèle et à 135 au niveau des banques.
Depuis vendredi, un euro valait jusqu’à 175 dinars. Une envolée que les
cambistes n’expliquent pas, mais qui relève de plusieurs facteurs selon
des spécialistes. L’économiste Bachir Messaïtfa incombe cette situation
en premier lieu à une raison technique due à la chute des prix du
pétrole qui a favorisé la dépréciation du dinar.
Vendredi dernier, dit-il, un euro valait 120 dinars sur le marché
officiel des banques contre 180 dinars la semaine passée. «Le marché
parallèle suit systématiquement cette montée du taux de change formel»
dit-il.
La deuxième raison, poursuit-il, est économique. Il explique que «le
surplus de la liquidité sur le marché parallèle contre le dinar
documentaire, chèque, fait baisser la valeur du dinar par rapport à
l’euro, l’offre du dinar est élastique contrairement à la monnaie
européenne qui est stable».
L’expert international Abdelmalek Serraï estime, pour sa part, que les
Algériens n’ont aucune confiance dans le système bancaire. Selon lui, le
gouvernement en appelant les Algériens à déposer leur argent informel
dans les banques a produit l’effet contraire. «Les gens ont peur que le
gouvernement récupère leur argent, alors ils ont préféré utiliser leur
argent liquide à travers l’achat de la devise», analyse-t-il. Ainsi
l’offre a augmenté sur la monnaie étrangère et européenne en particulier
car les Algériens préfèrent garder la monnaie étrangère, qui est plus
sûre, contre la monnaie nationale.
Le min0istre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, tout en affirmant que
des sommes importantes du marché informel ont été intégrées dans le
circuit formel, a appelé les Algériens notamment les commerçants à
adhérer à cette démarche du gouvernement à éradiquer l’argent informel.
«Pourquoi aller s’endetter chez les étrangers alors que nous avons de
l’argent qui circule chez nous ?», a-t-il soutenu.
Cependant, est-il possible de faire de l’épargne dans une conjoncture
économique actuelle jugée incertaine ?
Les Algériens notamment les hommes d’affaires préfèrent transférer leurs
fonds à l’étranger à travers l’achat de biens immobiliers. Ce marché a
vu son prix s’effondrer notamment en Espagne en raison de la crise
économique.
D’ailleurs, même s’il n’est pas transféré, l’argent liquide est investi
dans le pays dans le même créneau. «La situation économique du pays est
floue, alors j’ai décidé de l’achat de biens immobiliers sur les villes
côtières du pays et les louer, au lieu de laisser mon argent dans les
banques», confie un homme d’affaires.
Le marché de la devise aura encore certainement de beaux jours devant
lui. Les inquiétudes des Algériens face à un éventuel changement de
billets de banque, en dépit des assurances du gouvernement qui dit le
contraire, font flamber la monnaie étrangère devant l’augmentation de
l’offre.
S. A.
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