Soirmagazine : ATTITUDES
Maniaque


Par Naïma Yachir
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Infatigable ! Elle astique, récure, savonne, dépoussière ; bref, ne s’arrête jamais. Quand elle ouvre sa porte aux invités, elle les accueille toujours un chiffon à la main. Elle s’assure d’abord que derrière lui il n’y a pas de bambins, sa hantise ! Elle n’a pas encore oublié les traces de doigts qu’ils ont laissés sur le mur, il y a un an. Elle scrute ensuite l’intrus de la tête aux pieds, enfin, lui suggère, pour ne pas dire le somme, d’ôter ses chaussures. Des mules d’appartement sont soigneusement alignées sur un joli tapis. Il n’a qu’à enfiler une paire avant de s’introduire dans le salon où meubles, bibelots et autres garnitures scintillent. Elle l’invite à prendre place sur des fauteuils recouverts de plaids pour éviter les salissures.
Après son départ, ces fines couvertures iront tout droit dans le lave-linge. Son esprit est préoccupé à surveiller ses moindres gestes, sa manière de prendre la tasse, de la poser sur le dessous de verre qu’elle a placé dans cette intention. «Mais le rustre il l’a mise directement sur le bois, ça va laisser une auréole qui peut être indélébile. Comment le remettre à l’ordre ? Pendant que les débats s’enchaînent avec ses convives, elle, cogite pour trouver le moyen de lui expliquer que son meuble s’abîmera à cause de sa maladresse. Elle n’a pas fini de se triturer les neurones quand plouf ! la tasse de café est renversée sur le tapis.
Il s’empresse alors d’essuyer le breuvage en se servant d’une serviette de lin brodé d’un blanc immaculé. Elle fait grise mine et lui enlève l’étoffe. Elle court dans la cuisine chercher son attirail : le produit anti-tache et sa spéciale mini-serpillière magique. Elle le priera de changer de place devant une assistance muette et entame son grand ménage. Elle débarrassera la table, la déplacera et nettoiera tout ce qui a été «souillé». Les invités sont dans leurs petits souliers. Mais notre maîtresse de maison n’en a cure. Elle n’a d’yeux que pour sa table, son tapis et son salon, elle ne remarquera même pas la gêne de ses convives. Ceux qui la connaissent et ont fini par faire avec se souviennent encore de ses crises de nerfs quand une chaise de la salle à manger a été déplacée ne serait-ce que d’un millimètre, que l’on a oublié de fermer le rideau du salon, que la lunette des toilettes n’a pas été rabattue. Les visites des plus proches se sont faites de plus en plus rares ; quant aux autres, qui se sont fait cordialement rabroués, ils ont juré de ne plus remettre les pieds chez elle.





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