
Régions : LE NOUVEAU RECTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE BOUMERDES :
«Je suis venu réorganiser l’université»
L’important pôle universitaire de Boumerdès (32.534
inscrits) vit, tout le monde s’en est plaint, une instabilité qui coûte
cher au plan de l’efficacité, de la qualité pédagogique de son
enseignement et de la crédibilité de ses diplômes. Lui a-t-on envoyé un
homme pour lui appliquer le remède nécessaire ? Directeur central chargé
de la formation doctorale au ministère de l’Enseignement supérieur et de
la Recherche scientifique, le professeur Abdelhakim Bentellis revient au
bercail puisqu’il est sortant de l’Inh (Institut national des
hydrocarbures) avec le diplôme de géophysicien spécialiste en
exploration et production pétrolière. L’INH est, rappelons-le, l’ancêtre
de l’université M’hamed-Bougara de Boumerdès (UMBB) dont le professeur
a, depuis une quinzaine de jours, la charge. Il remplace le professeur
Ouiza Chirifi. Homme de terrain, comme il se définit, le nouveau
recteur, installé dans l’urgence, «avec des directives très précises de
M. le ministre» rappelle-t-il, a pris la mesure de l’immensité de la
tâche qui l’attend. Justement, notre première question va dans ce sens.
Question : Monsieur le recteur, on constate que l’université de
Boumerdès vit depuis quelques années au rythme des grèves, fermetures de
facultés et autres protestations et remous. Cette instabilité s’est
répercutée sur le niveau global de l’institution ; c’est un constat que
fait l’opinion publique. Cette situation a eu donc, d’une manière
générale, une influence négative ; l’on constate par conséquent une
stagnation et même une régression de la qualité de l’enseignement
qu’elle dispense et la crédibilité des diplômes qu’elle délivre.
Réponse : Vous avez en partie raison dans la mesure où je pense qu’il
n’y a pas eu d’impact sur la formation. Je vais vous dire pourquoi. Pour
assurer une bonne formation, il nous faut un minimum de 12 semaines
d’enseignement par semestre. Nous tournons actuellement, à l’échelle
nationale dans les meilleures universités, autour de 14 semaines. Mais
rien ne nous empêche par exemple de ne faire que 8 semaines et au lieu
de 24 heures par semaine, on en fait 36 heures. L’essentiel et qu’il ne
faut pas réfléchir en grève mais en volume horaire réalisé.
Effectivement, vous avez raison parce que quand je dis 36 heures, c’est
antipédagogique et cela est du bourrage du crâne. Il faut donc faire
très attention. En termes de la nouvelle approche de gestion, lors de ma
première rencontre directe avec mes collaborateurs, les vice-recteurs et
doyens, je leur ai dit que je suis venu avec deux objectifs. Le premier
est très simple, je veux que l’année universitaire 2016/2017 démarre le
15 septembre. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que nous avons
commencé, fin janvier, l’assainissement de toutes les situations de
notre université pour terminer impérativement cette mise à niveau, début
juillet. Le premier objectif sera donc de ramener la stabilité et la
sérénité. Pour atteindre ces objectifs et démarrer l’année sereinement,
j’ai demandé la concertation et le dialogue. Ma politique est de ne pas
attendre que les problèmes surgissent pour les étudier, mais j’irai en
amont de ces problèmes. Je suis un homme de terrain et je supporte mal
de rester 8 heures dans un bureau. J’ai, par ailleurs, entamé une
demande auprès de ma tutelle pour qu’elle m’aide à restructurer
l’université et à la réorganiser. En effet, je dois l’avouer il y a
effectivement une petite pagaille dans tous les domaines. La tutelle a
été sensible à ce problème de restructuration. Il faut aussi mettre de
l’ordre ; aux agents, aux responsables et aux structures d’accomplir
chacun son travail. Dans ma première note qui est une indication sur mon
style de travail, j’ai responsabilisé les gens. J’ai rappelé à tous et à
toutes que je ne pourrai rien faire tout seul. Il faut absolument aller
vers l’étudiant. Le noyau de ce secteur est l’étudiant. Nous sommes là
pour l’étudiant. C’est à partir de ce principe que nous pourrions
assurer une formation de qualité dans la stabilité, la sérénité avec le
dialogue et la concertation.
On a l’impression que l’ancienne direction a focalisé ses efforts sur la
coopération tout azimut avec les entités scientifiques et
universitaires, étrangères entre autres, délaissant quelque peu ce qui
se passait au niveau de cette université. Est-ce que vous allez recadrer
cette coopération pour orienter vos efforts vers l’intérieur de
l’université ?
D’abord, je ne me permettrai jamais de dire que mes prédécesseurs ont
bien ou mal travaillé. Ce n’est pas à moi de les juger. Seulement, moi
j’ai une politique à mettre en place et j’ai des objectifs. Mon
principal souci sera la pédagogie. C’est d’abord bien former ces jeunes
avec une formation de qualité. C’est présentement un objectif et c’est
le principal. J’espère que j’aurai assez de force pour que ce ne soit
pas le seul. Je vous remercie pour cette question qui me permet de dire
qu’après ce premier objectif, qu’est la pédagogie qui consiste à
prodiguer une formation de qualité aux jeunes qui sont en licence et en
master , pour ensuite passer aux laboratoires de recherches, aux
chercheurs , aux enseignants et aux doctorants. L’évolution et la
visibilité de l’université se font, certes, au niveau international,
mais cette évolution et cette visibilité ne se feront pas au détriment
de la pédagogie. Nous sommes enseignants chercheurs, on s’occupera de
l’enseignement d’abord. J’ai été agréablement surpris par ce qui se fait
par certains laboratoires et unités de recherches où il y a des
publications internationales de très haut niveau, mais il n’y a aucune
visibilité à l’université. Ce sont de petits détails qu’il faut régler
pour permettre à l’université de Boumerdès de reprendre son rayonnement
parmi les plus grands pôles universitaires du pays.
Monsieur le recteur, est-ce que l’université de Boumerdès a fait son
bilan du système LMD et quelles en sont les conclusions tirées,
éventuellement, de ce bilan ?
Ce n’est pas uniquement l’université de Boumerdès qui a fait son bilan,
c’est une organisation, présidée par MM le ministre et le secrétaire
général, qui a travaillé durant trois mois pour organiser cette
conférence nationale, laquelle a réuni 800 personnes. Nous ne
reviendront plus sur le système LMD qui est bon et qui est mondial. Le
problème, c’est sa mise en œuvre de manière correcte.
Justement, si vous permettez monsieur le recteur, j’aimerai insister sur
l’université de Boumerdés.
Concernant Boumerdès, je pense que le système a été mis en place mais en
fin de compte, Boumerdès a trébuché mais, fort heureusement, elle n’est
pas tombée. Vous avez soulevé tout à l’heure le nombre extraordinaire de
grèves, de fermetures de facultés, d’arrêts de cours. Tout ça entraîne
un problème dans la formation. Ce qui est tout à fait juste et je suis
tout à fait d’accord avec vous. La situation est là. Il faut trouver des
solutions et essayer au moins durant ce semestre de sortir de ce
marasme. Je persiste à dire que c’est l’affaire de tous. J’ai dit à tous
les responsables que ces étudiants ne sont pas des fous. S’ils ferment
une faculté, c’est qu’il y a des problèmes. Cependant cela ne veut pas
dire qu’il faut tolérer l’anarchie. Il faut analyser certaines
situations avec perspicacité en ayant une main de fer dans un gant de
velours dans l’intérêt de l’étudiant. Je constate, en outre, que les
instances intermédiaires entre les étudiants et la tutelle font défaut ;
où sont les conseils de discipline, où sont les comités pédagogiques et
les structures de dialogue ? Tout cela sera remis en marche, j’y tiens
car il y va de notre université. Personnellement, j’ai une petite
histoire avec cette université puisque j’ai fait mes études ici pendant
la période faste et c’était une formation de qualité. J’espère être à la
hauteur avec mes collègues qui sont tous solidaires avec moi. Je leur
fais confiance pour qu’ils tournent la page eux-mêmes. Mais la confiance
a aussi des limites.
Interview réalisée par
Abachi L.
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