Chronique du jour : SOIT DIT EN PASSANT
Les oranges d’ailleurs
Par Malika Boussouf
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J’aime beaucoup, le matin, dès le réveil, allumer la télé, histoire de
prendre des nouvelles du monde et commencer ma journée loin de ces
choses qui font la morosité ambiante et que je vais, par instinct de
survie, m’efforcer d’éviter dans les heures qui suivent.
C’est là qu’une jolie chroniqueuse retient mon attention. Elle s’exprime
en direct à partir du plus grand marché de gros européen et énumère, au
présentateur du journal télévisé qui l’interroge, le type d’oranges
qu’il faut soit presser et boire, soit peler et manger, après les avoir
débarrassées de la cire dont elles sont recouvertes. outre les rouges
importées de Sicile et autres sanguines d’Espagne, il y a les maltaises
de nos voisins tunisiens en proie à la toujours présente menace
terroriste.
Dans l’immense variété d’agrumes exposés, il n’y a, bien entendu, rien
d’algérien. Et pendant que la journaliste dépêchée sur les lieux
explique avec allégresse et félicité comment il faut consommer le fruit
en question, je pense à ceux de nos agriculteurs qui, depuis la fameuse
réforme agraire des années 70, ont bradé cette raison de vivre
essentielle pour une autre activité, il paraît, plus lucrative. Le
trabendo, par exemple ! ça rapporte clairement pas mal pour l’effort que
cela demande. Et voilà que me revient en mémoire la pitoyable histoire
du gars à qui on reproche de ne pas travailler et qui dit ne pas
comprendre pourquoi il le ferait puisque son père, encore de ce monde,
s’acquittait parfaitement de la tâche ? Et puis, comme il y a le pétrole
pour vivre et les maquis pour ruer dans les brancards en cas de besoin,
à quoi bon s’user le popotin à en faire plus que ce que l’on attend de
nous !
Surtout que l’on ne nous demande rien d’autre que de garder notre calme
dans ce pays où chacun joue une partition à la taille de ses besoins. A
quoi bon protester et d’ailleurs, on ne proteste plus ou si peu. Pendant
que tout le monde s’abrutit à tenter de donner un sens à sa vie, tout
reste sous contrôle. La vigilance est à son apogée.
Là-haut, au palais d’El Mouradia, on ne lâche rien.
M. B.
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