Actualités : Loi sur la violence faite aux femmes
Quelles suites dans les tribunaux ?
Depuis le 30 décembre dernier, les violences
conjugales, le harcèlement de rue, le vol entre époux et la dépossession
de la femme de ses biens sont criminalisés. Les tribunaux auront-ils
pour autant du pain sur la planche ? Le mouvement associatif est
sceptique et appelle d’abord au changement des pratiques sociales et à
la mise en place des mécanismes pouvant inculquer la notion d’égalité
homme-femme.
Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - La loi n°15/19 du 30 décembre
2015 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966
portant code pénal, criminalise la violence conjugale, le harcèlement de
rue, le vol entre époux et la dépossession des biens de la femme par
l’époux.
Cependant, pour Soumia Salhi, membre de la société civile, la
Constitution algérienne garantit depuis 1962, l’égalité de droit entre
les hommes et les femmes, mais ce n’est pas pour autant que la femme
jouisse de ses droits autant que citoyenne. Dans ce sens, dit-elle, il y
a tout un travail à faire, principalement sur ce qui concerne le
changement des pratiques sociales.
La loi discriminant toute forme de violence contre les femmes, dit-elle,
reste une réponse positive aux attentes de la société civile. «Cela fait
plus de trente ans que le mouvement féministe algérien travaille sur la
problématique de la violence», dit-elle. Ce qu’elle dénonce, par contre,
c’est la clause du pardon. Pour Soumia Salhi, «les femmes jouissent des
droits d’hier qui étaient interdits mais la discrimination et les
violences restent leur quotidien».
Pour preuve, dit-elle, les femmes représentent une tranche de 17% de la
population qui travaille. Cependant, elles ne sont que 7% à accéder aux
postes de responsabilité. Pourtant, les femmes représentent 65% des
diplômés.
Pour la juriste Nadia Aït Zaï, cette loi constitue un premier pas. Elle
va éduquer mais l’éducation, dit-elle, commence à l’école ensuite au
sein de la famille et au travail.
L’Etat, appelle-t-elle, doit mettre en place des mécanismes pour éduquer
la société sur la notion d’égalité homme-femme. «Allons-nous pour autant
pouvoir, à travers cette loi, actionner des poursuites judiciaires dans
une société conservatrice ?» s’interroge Gammoudi Souhila, vice-recteur
de l’université d’Alger I, qui répond d’ailleurs par la négation. Selon
elle, la sanction seule ne suffit pas, elle doit être accompagnée par la
prévention en inculquant la culture de la non-violence dès l’enfance.
Quelques articles de la loi n°15/19
La loi portant code pénal stipule que quiconque volontairement, cause
des blessures ou porte des coups à son conjoint est puni ainsi qu’il est
suivi d’un emprisonnement de un à trois ans si les blessures ou les
coups n’ont occasionné aucune maladie ou incapacité totale de travail de
plus de 15 jours. D’un emprisonnement de deux ans à cinq ans s’il y a
incapacité totale de travail de plus de 15 jours.
Dans ces deux cas, le pardon de la victime met fin aux poursuites
pénales. Il est prévu aussi de la réclusion à temps de dix à vingt ans,
si les blessures ou les coups ont été suivis de mutilation, amputation
ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil ou autres
infirmités permanentes.
De la réclusion à perpétuité, si les coups portés ou les blessures
faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l’ont
pourtant occasionnée. L’infraction est établie, que l’auteur réside ou
pas dans le même domicile que la victime.
L’infraction est également établie si les violences sont commises par
l’ex-conjoint et qu’il s’avère qu’elles sont en rapport avec la
précédente relation de mariage. L’auteur ne peut bénéficier des
circonstances atténuantes si la victime est enceinte ou handicapée ou si
l’infraction a été commise en présence des enfants mineurs ou sous la
menace d’une arme. Dans ces cas, lorsqu’il y a pardon de la victime, la
peine est de 5 à 10 ans de réclusion.
La loi punit, aussi d’un emprisonnement d’une année à 3 ans, quiconque
commet contre son conjoint toute forme de voies de fait, ou de violence
verbale ou psychologique répétée, mettant la victime dans une situation
qui porte atteinte à sa dignité ou à son intégrité physique ou
psychique. Est puni aussi d’un emprisonnement de 2 à 6 mois et d’une
amende de 20 000 DA à 100 000 DA, ou d’une de ces deux peines, quiconque
importune une femme dans un lieu public, par tout acte, geste ou parole
portant atteinte à sa pudeur.
S. A.
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