Contribution : 22 mars 2016 à Bruxelles 22 mars 1993 à Alger
Par Leïla Aslaoui-Hemmadi
Après Tunis, Paris, Abidjan, les terroristes islamistes ont à nouveau
frappé à Bruxelles le 22 mars 2016. Et lorsque la barbarie islamiste
frappe quelque part en Europe ou ailleurs, des images que nous pensions
enfouies, oubliées ressurgissent de nos mémoires. Corps déchiquetés,
carbonisés, difficilement identifiables suite à l’attentat à la bombe
ciblant l’aéroport d’Alger en 1992, carnage du boulevard Amirouche le 30
janvier 1995 ; attentat à la bombe contre le siège de la DGSN (Sûreté
nationale août 1995). Longue liste des victimes décédées. Longue liste
des rescapés handicapés à vie... Et ce n’est là qu’un mince aperçu d’un
listing autrement plus long, auquel il faut adjoindre celui des
assassinats des journalistes (122), des intellectuels, des médecins,
dentistes, des femmes, des enfants, des bébés, des combattants de la
guerre de Libération, qui s’engagèrent comme «Patriotes» pour combattre
le terrorisme islamiste aux côtés des forces de sécurité. Comment, dès
lors, avec toutes ces plaies non encore cicatrisées, — si tant est
qu’elles puissent l’être un jour — ne pas être solidaire avec les
familles des victimes décédées ou blessées lors de ces attentats ?
Comment ne pas compatir à leur douleur ? Une douleur que nous
connaissons, ressentons, partageons pour l’avoir vécue. Et ce, durant de
longues années.
Pour autant, l’on ne peut empêcher l’image du terrible mur
d’incompréhension du monde entier, resurgir elle aussi de nos mémoires.
Un monde qui tantôt se délectait de nos malheurs via les chaînes de
télévision occidentales et arabes, tantôt invitait sur ses plateaux
télévisés les pseudo-«experts», qui avaient déserté les rangs de l’ANP
ou les islamistes réfugiés dans une des capitales occidentales. «Pays à
feu à sang», «pays dans le chaos», «guerre civile», «violence des deux
côtés», «éradicateurs», «qui tue qui ?», furent les seules marques de
compassion auxquelles nous eûmes droit. Nous apprîmes alors à combattre
la bête immonde seuls et à enterrer nos morts seuls. Le 22 mars 2016
évoque pour moi le 22 mars 1993.
Trois hommes d’une valeur inestimable que l’Algérie ne remplacera jamais
viennent de tomber sous les balles des islamistes. Hafid Sinhadri,
Djillali Liabès et Laâdi Flici ont été assassinés entre le 14 et le 17
mars 1993. Aucune réaction dans le monde.
Le 22 mars 1993 sous un beau soleil algérois une immense marche
regroupant des milliers de personnes a lieu pour dire notre colère, mais
surtout notre résistance et faire le serment que notre pays ne sombrera
pas dans le chaos, comme prédit, voire souhaité par des journalistes
occidentaux bien connus qui ne vinrent jamais en Algérie durant les
années rouges. Ce jour du 22 mars 1993 pas un seul pays du monde n’a dit
: «Je suis Liabès», «je suis Sinhadri», «je suis Flici». Syndicalistes,
combattants de la guerre de Libération, leaders des partis politiques
démocrates, journalistes, médecins, intellectuels, femmes — beaucoup de
femmes — se tenaient par la main ce jour du 22 mars 1993.
A visage découvert, nous marchions, à visage découvert nous exprimions
notre colère à haute et intelligible voix, en sachant que le tour de
l’un ou de l’autre viendrait. Et lorsqu’il vint, pour beaucoup d’entre
nous, nous nous heurtâmes au même silence du monde entier. Aucune
manifestation, aucune banderole pour dire : «Je suis Bentalha», «je suis
Boucebci», «je suis Fatima-Zohra Ouraïs», «je suis la Maison de la
presse» (après l’horrible attentat à la bombe en 1996 où trois
journalistes du Soir d’Algérie furent assassinés). Ou encore «je suis le
père Claverie» (assassiné à Oran en 1996) «Je suis les moines de
Tibhirine» (assassinés en mai 1996). Au lieu de cela, la «solidarité» et
la «compassion» de journalistes occidentaux bien connus auxquels il faut
adjoindre les «humanistes» prirent le nom de «Qui-tu-qui ?».
Ainsi, en sus de subir au quotidien, de jour comme de nuit, la terreur
islamiste, nous étions «sommés» de nous «expliquer». Ou plutôt pour
plaire à ce lobby et bénéficier de tickets de restaurant ou d’une carte
de séjour, il nous fallait absoudre les islamistes et renvoyer au banc
des accusés les forces de sécurité. Pourtant, nous fûmes nombreux,
femmes et hommes civils, invités par des associations à nous déplacer en
Europe, aux USA pour dire ce qui se passait réellement, pour
sensibiliser.
Force est de constater qu’il fut difficile — voire parfois impossible —
de convaincre politiques et sociétés civiles pour une raison toute
simple : lorsque l’autre refuse de vous entendre, de vous écouter, parce
qu’il s’en tient à sa «vérité», vous n’avez aucune chance de venir à
bout de sa mauvaise foi. Nous avons eu des soutiens certes, comme ceux
de Madame Simone Veil, du défunt Stéphane Hessel, Jean-Pierre
Chevènement, Harm Botje (journaliste hollandais qui, après avoir
séjourné en Algérie, écrivait : «L’Etat fonctionne normalement») ; Ono
Kyoto de nationalité japonaise, Bois Piqué Monserrat, journaliste
espagnole. Mais leurs voix et leurs écrits furent souvent couverts par
la mauvaise foi des autres.
Et il n’y a pas eu que le 22 mars 1993 où nous fûmes dans la solitude.
Seuls et incompris. Incompris non pas au sens «ils n’ont pas compris»
mais au sens «ils refusent de comprendre». Je me souviens le 2 novembre
1994, avoir rencontré Bernard Kouchner (en raison d’une amie commune)
lors d’un de mes passages à Paris. La discussion porte bien évidemment
sur l’Algérie. J’explique.... je dis.... et je l’entends me répondre :
«Toutes ces morts sont regrettables mais que voulez-vous Madame, à la
violence des uns répond celle des autres. Parmi les démocrates
assassinés beaucoup ont eu le tort de soutenir le coup d’Etat militaire.
Le FIS a gagné». Le «champion» de l’humanitaire me signifiait froidement
que les victimes algériennes du terrorisme islamiste méritaient de
mourir assassinées. Comme l’on dit chez nous «chah fihoum» (c’est bien
fait). Je maîtrise ma colère parce que je refuse de faire dans
l’émotionnel. Je rétorque : «M. Kouchner, vous êtes libre de penser que
le totalitarisme prend le nom de «démocratie» lorsqu’il s’agit de mon
pays. Mais sachez que l’Algérie ne sombrera pas et un jour viendra où
vous serez contraints de changer d’opinion car le terrorisme n’a pas de
frontières». Lorsque je l’ai vu à la télévision participer à la marche
du 11 janvier 2015 à Paris, je me suis juste demandée ce qu’il me dirait
aujourd’hui si je le rencontrais. Mais je ne le rencontrerai plus car le
2 novembre 1994 est un souvenir douloureux.
8 décembre 1994. Andrée Michel, une amie du Parti socialiste depuis de
longues années, m’invite à faire une intervention à Aubervilliers
(Paris) sur «la situation des femmes en Algérie». Les mines défaites de
Henrie Emmanuelli et de Gérard Foulques (du bureau politique du PS)
présents à la conférence me renseignent sur les véritables intentions
des organisateurs du PS ce soir-là. Je parle de la résistance de femmes,
de femmes égorgées, kidnappées, violées, l’on attendait de moi la
validation de la thèse : aucune différence entre la barbarie islamiste
et ceux qui la combattaient.
Mais pourquoi donc l’Europe n’a-t-elle pas voulu voir la logique des
destructions et de nihilisme des islamistes, leur haine, leur xénophobie
aveugle et sourde?
Pourquoi donc l’Europe a-t-elle attendu d’être touchée pour enfin
comprendre que notre combat contre le terrorisme islamiste était juste ?
Pourquoi l’Etat d’urgence est-il normal en Europe et fut décrié hier en
Algérie, qualifié de violation aux droits de l’Homme par cette même
Europe ?
Je me souviens également de Bruxelles en février 1995. La Belgique
offrait en ce temps-là aux islamistes le statut de réfugiés et les
accueillait à bras ouverts. Février 1995 donc, juste après le terrible
attentat du Bd Amirouche, le 30 janvier 1995. Je me trouve au Centre de
presse international à Bruxelles pour une conférence-débat sur
l’Algérie.
Aucun des intervenants lors de ce débat n’évoque l’horreur du Bd
Amirouche. Journalistes belges politiques et autres reparlent de l’arrêt
du processus électoral, de «guerre civile»... Amina Bouabdallah 20 ans,
Souad Mahdi 20 ans, Rachid Djoudi 21 ans, Zakia Bouhired 20 ans, Hakim
Boughti 20 ans, fauchés par la bombe n’intéressent personne et surtout
pas la presse belge, plus compatissante à l’égard des assassins. Des
jeunes Algériennes, des jeunes Algériens déchiquetés par ceux qui
n’eurent pas besoin du mobile : «Arrêt du processus électoral
interrompu» pour sortir leurs bombes, leurs kalachnikovs, leurs
couteaux. En 1981, en 1985 — bien avant les législatives de 1991 -
n’avaient-ils déjà pas pris les armes contre la République ? A
Bruxelles, le journal belge Le Soir ne dit pas «Je suis les victimes du
Bd Amirouche». Non, il reprend la déclaration du sinistre Anouar Haddam
«La cible était le commissariat situé au Bd Amirouche. Au même moment un
bus transportant des civils passait par là». Il était en ce temps-là
bien au chaud aux USA. De sa prison en Virginie quelques années plus
tard, il tentera de nier cette déclaration en accusant la presse
nationale d’avoir déformé son propos.
Sauf qu’il «oublia» de dire que le Financial Times reproduisit sa
déclaration belge le 04/02/1995. Toujours en février 1995 à Bruxelles,
le journaliste Abdelouahab Habbat organise dans la capitale belge une
exposition de photographies qu’il a intitulée : «Barbarie plurielle»
qu’il présente comme un hommage à toutes les victimes du terrorisme
islamiste. Lors d’une conférence de presse, il déclare que des agences
l’ont censuré au motif que les photographies étaient horribles.
Le silence, l’injustice faite à ces victimes, la mauvaise foi, ne
sont-elles pas plus abominables ?
Lors de ce séjour belge, je suis informée par un ami que le secrétaire
général du Parti socialiste, M. Gaudin veut me rencontrer (février
1995).
C’est lui qui a souhaité cette rencontre, mais je le sens sur la
défensive, voire un tantinet agressif. M’écoute-t-il ?
Je ne peux en être sûre. Il plaide tel un procureur qui requiert des
années de réclusion contre un assassin pour la plate-forme de
Sant’Egidio. «Pourquoi le camp des éradicateurs a-t-il rejeté cette
solution de paix ? Le terrorisme est une opposition qui n’a aucune autre
solution pour s’exprimer». Je me lève. Je n’ai plus rien à dire à
M. Gaudin. Etonné par ma réaction et se voulant paternaliste, il me dit
: «Que pouvons-nous faire pour aider les démocrates ? L’occasion pour
moi est inespérée. «Vous taire seulement». Je n’attends pas qu’il
m’accompagne à la porte de sortie. Gaudin ne fut pas un cas isolé. Je
peux citer aussi Pierre Mauroy (maire de Lille décédé) en 1997.
En cette année 1995, la mauvaise foi est d’autant plus tenace qu’il y a
une volonté socialiste française d’internationaliser la «crise
algérienne» (ainsi appelée par les socialistes).
L’ex-Président François Mitterrand (décédé) après avoir déclaré au
lendemain du 26 décembre 1991 (législatives) «les urnes ont parlé»
propose, le 3 février 1995, une conférence politique en Europe inspirée
de la plateforme de Rome «comme solution politique à la crise
algérienne». Inutile de rappeler que F. Mitterrand fut ministre de
l’Intérieur en 1957 et ministre de la Justice, garde des Sceaux durant
la même période. Inutile car Algériens et Français le savent. Tout comme
ils n’ignorent pas que le défenseur de l’abolition de la peine de mort
que fut le même Mitterrand pour des raisons purement électoralistes en
1981, se prononça, sans état d’âme, pour l’exécution des premiers
condamnés à mort algériens au Conseil des ministres du mercredi 15
février 1956. Voici ce que nous relatent les historiens Benjamin Stora
et François Malye : «François Mitterrand et la guerre d’Algérie» page 34
:
«Au moment du vote :
- Gaston Deferre, contre
- Pierre-Mendès France, contre également
- Alain-Savary, contre
- Maurice-Bourges Maunoury : pour
- François Mitterrand, pour.
La proposition d’internationaliser «la crise» ne manquait pas de relais
: journalistes de Libération, Libre-Belgique, El Pais, El Hayat à
Londres, les «humanistes», les «experts» en ceci, en cela...
Sans oublier des «chercheurs» du CNRS comme François Burgat qui écrivit
: «L’islamisme marque la naissance d’une génération que l’Occident doit
analyser autrement que comme une pathologie» (L’islamisme en face, aux
éditions La Découverte). «La Découverte» de François Jéze prompt lui
aussi à défendre bec et ongles les islamistes jusqu’à ce jour.
Comment oublier le mur d’incompréhension auquel nous nous heurtâmes Mme
Saïda Benhabylès et moi-même, lorsque nous demandâmes à rencontrer
l’ambassadeur de Belgique, M. Maricou, le 07/04/1997 ? Nous le
sollicitâmes de transmettre trois exemplaires d’une lettre adressée au
Premier ministre belge, au bourgmestre de la ville de Bruxelles et au
ministre de l’Intérieur en signe de protestation à la marche d’éléments
de l’ex-FIS prévue le 12 avril 1997 (la veille d’élections législatives
en Algérie). Réponse de l’ambassadeur : «Cette marche est
pacifique. Nous ne pouvons pas l’annuler au nom de la liberté
d’expression». Incroyable mais vrai. La marche a tout de même été
annulée grâce aux pressions conjuguées de femmes algériennes et belges.
Pourquoi donc ce laxisme ? Pourquoi donc ce laisser-faire ? Jusqu’au
point de permettre à une commune belge de se radicaliser et fournir des
kamikazes programmés pour semer la mort ce 22 mars 2016 à Bruxelles.
Comment oublier le 20 avril 1997 ? Je suis conviée à un déjeuner
organisé par le chargé d’affaires de la République de Hongrie à Alger.
L’ex-ambassadeur de Grande-Bretagne en Algérie, M. Gordon, est également
invité. L’Algérie est le sujet principal. M. Gordon reproche à la presse
de caricaturer les islamistes et d’user de mots comme barbarie : «Il ne
faut pas mettre dans le même sac tous les islamistes». Ce à quoi je
réponds : «Que Londres peut se vanter de ne pas appartenir au clan des
caricaturistes puisque la Grande-Bretagne accueille à bras ouverts les
“bons” terroristes qui massacrent les “méchants” républicains». N’est-ce
pas en France, à Paris que «Bakioun ala el ahd» (fidèles au serment),
organisation islamiste dirigée par des islamistes algériens sous le
couvert d’association caritative, eut durant de longues années pignon
sur rue ?
Je n’ai pas oublié le débat particulièrement houleux avec un chercheur
américain, Aroon Kapil, le 13 juin 1995, dans les studios de Arte
(émission «Algérie maintenant»). L’émission devait être diffusée la
semaine d’après, elle le fut quinze jours plus tard et à minuit !
Motif ? Jérôme Clément, président de la chaîne, estima regrettable «mon
acharnement à monopoliser la parole» ! Que dire de la rencontre en
novembre 97 avec la Commission des droits de l’Homme du Parlement
européen ?
Les islamistes, leurs défenseurs et Cohn-Bendit demandèrent aux députés
de voter une résolution afin que soit dépêchée une commission d’enquête
en Algérie. Le syndicaliste au parcours prestigieux, Abdelmadjid Azzi,
Mme Fouzia Ababsa, journaliste, se souviennent, certainement comme moi,
de la mauvaise foi des «organisateurs» qui nous volèrent vingt minutes
sur notre temps de parole ! Au final et grâce à nos efforts de
convaincre au moins ceux et celles qui voulurent nous entendre comme la
députée Catherine Lalumière (France) et Mme Fischer (Allemagne), les
parlementaires n’adoptèrent aucune résolution relative à une commission
d’enquête.
Et lorsque le panel onusien se déplaça en juillet 1998, les
«auditionnés» dont je fis partie purent constater l’agressivité et la
mauvaise foi du président du panel, Mario Soarès, plus islamiste que les
islamistes.
Une attitude, fort heureusement, non partagée par les autres membres de
la délégation dont Mme Simone Veil.
La mission de la commission était d’informer et non d’enquêter.
Pour quelles raisons ce «coup de foudre» pour le totalitarisme de la
part d’une Europe qui eut à combattre le nazisme ? Pourquoi avoir permis
à des islamistes délinquants dans une vie antérieure de devenir une
menace pour cette même Europe ? Je serais injuste si je m’arrêtais au
seul Occident. Mes pseudo-frères et sœurs arabes n’ont pas été en reste.
Durant cette période combien douloureuse, dure à vivre et à supporter,
le Maroc par la voix de son roi, Hassan II — paix à son âme — nous
conseilla au lendemain du 26 décembre de servir de laboratoire pour la
région. Silence absolu de la Tunisie, de la Libye (ou ex-Libye ?).
Délectation de l’Arabie Saoudite qui encourageait le terrorisme croyant
pouvoir mettre sous sa botte l’Algérie.
Autre délectation de la chaîne Al-Jazeera, connue pour sa haine à
l’égard de l’Algérie.
Juin 1997. Rencontre à Metz entre femmes arabes sur la situation des
femmes. Une Tunisienne, une Palestinienne, une Marocaine et moi-même.
Quatre universitaires, quatre femmes sachant en principe ce dont elles
parlent.
La première à prendre la parole fut la Palestinienne. Pas un mot de
solidarité avec les Algériennes. Sans doute ne voulait-elle pas se
souvenir que c’est dans mon pays qu’est né l’Etat palestinien.
La Marocaine et la Tunisienne déclarent péromptoirement que jamais leurs
pays ne connaîtront le sort de l’Algérie car le roi et l’ex-président
Ben Ali ne laisseront jamais faire. C’est toujours une belle opportunité
d’intervenir le dernier. Je rappelai à mes «sœurs» arabes que les
Algériens se battaient contre l’obscurantisme au péril de leurs vies
pour protéger toute la région. «Si nous tombons vous tomberez avec
nous», conclu-ai-je.
Je n’ai que compassion pour les victimes tunisiennes et étrangères de
l’attentat du Bardo, mais je ne peux m’empêcher de dire que moi aussi
j’aurais voulu que ces «Arabes», si proches géographiquement, fussent,
hier, aussi compatissants à notre égard que nous le sommes aujourd’hui
avec eux.
J’ai entendu exprimer ces vérités non point au nom d’un sentiment de
rancune qui m’animerait mais pour une autre raison plus importante que
nos rancœurs. Aujourd’hui, le monde entier — y compris les USA, qui
avant septembre 2001 faisaient l’éloge des «bons» islamistes — a compris
que seule la solidarité entre Etats, entre peuples aura raison de
l’islamisme terroriste.
Car le monde entier a compris que le terrorisme islamiste n’a pas de
frontières. Et si j’ai évoqué la magnifique marche du 22 septembre 1993
à Alger, c’est pour dire :
aujourd’hui, marchons ensemble en nous regroupant autour de valeurs
communes. L’une d’entre elles et la plus importante étant qu’une victime
du terrorisme islamiste n’a pas de nationalité parce qu’elle est victime
de la haine et de l’obscurantisme.
Nous rassembler pour défendre le droit à la vie, le droit à la culture,
pour défendre la tolérance et le respect de l’autre. L’heure — et c’est
urgent — n’est plus de disserter sur les «bons» et les «mauvais»
islamistes. L’islamisme est une idéologie qui assassine lorsqu’on n’y
adhère pas. L’heure est de faire taire les «puristes» attachés aux mots
plutôt qu’aux valeurs. C’est ainsi que nous aurons raison de la bête
immonde en nous rassemblant autour de ce qui fait notre force parce que
attachés aux mêmes valeurs. La menace est partout et à ce propos, la
Suisse ferait mieux de nettoyer ses djihadistes installés comme on le
sait depuis l’ère de Mourad Dehina et consorts... Ce serait plus
judicieux pour elle de le faire et plus rentable plutôt que de chercher
des poux à ceux qui n’en ont pas. Enfin, pour nous autres Algériens, la
vigilance est de mise et je ne crois absolument pas ceux qui nous disent
que la menace aux frontières n’existe pas ou serait une surenchère. La
vigilance est de mise d’autant que si l’appel au meurtre d’un écrivain
par un islamiste a été sanctionné par la justice quand bien même la
peine est symbolique, d’autres islamistes prennent le relais en
s’acharnant contre notre ministre de l’Education nationale, Mme
Benghebrit Nouria, accusée de vouloir «franciser l’école». Leur
véritable motivation est que l’école qu’ils ont massacrée durant des
décennies leur échappe aujourd’hui.
Gageons seulement que madame la ministre, que des générations d’écoliers
auraient dû avoir bien avant sa nomination, ne sera pas sacrifiée pour
plaire aux islamistes. De par le passé, une ministre de la Formation
professionnelle nommée en octobre 1991 fut remplacée par Saïd Guechi,
décédé en février 92. On ne lui reprocha pas son incompétence — loin
s’en faut. Il lui fallait céder son poste à un islamiste. Elle a pour
nom Mme Benameur Anissa. Si je parle de cela ce n’est point pour dévier
sur un autre sujet. C’est, au contraire, pour répéter que ce qui nous
rassemble avec les autres pays dans la lutte antiterroriste, c’est aussi
de protéger l’éducation nationale contre les dérives islamistes dont on
connaît les méfaits à l’école.
Cela fait partie des valeurs à défendre qui nous rassemblent et nous
ressemblent.
L. A.-H.
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