Actualités : Le pouvoir peut-il maintenir le cap ?
Les évènements qui se bousculent ont asséné au
pouvoir des coups durs qui ont davantage fragilisé sa position.
Détient-il encore les moyens de rebondir et de poursuivre sa route ?
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le moins que l’on puisse dire est
que le malaise est grand. Très grand. Et ce sentiment s’est accentué
depuis la publication de la photo du président de la République sur le
compte personnel de Manuel Valls.
Le Premier ministre français savait que la mise en ligne de cette image
reflétant le véritable état de Bouteflika allait générer ce genre de
situation. Cela n’a pas raté.
Depuis, la santé du premier responsable du pays, ses capacités à gérer
les affaires en cours, l’image qu’ont de nous les étrangers, et surtout
l’avenir de l’Algérie, occupent l’opinion publique.
Consciemment, la presse française revancharde a enfoncé le clou en
mettant à jour une vidéo de l’entretien qui s’est déroulé entre Valls et
Bouteflika. Ce dernier se trouve malheureusement dans l’incapacité
totale d’articuler. Impossible de se voiler la face désormais ou de
placer des œillères en se disant que la maladie du Président est connue
de tous.
Les commentaires qui circulent sur les réseaux sociaux reflètent
d’ailleurs largement l’état d’esprit qui règne chez les Algériens.
L’évènement a généré une sorte de compassion mêlée à de la révolte et
l’indignation de devoir subir cet affront. Hier, certains quotidiens
sont même allés jusqu’à interpeller la famille Bouteflika, l’appelant à
un sursaut de dignité qui épargnerait à un grand frère malade de subir
l’humiliation.
L’affaire est mal vécue. Le fait est qu’elle survient à un moment où
rien ne va plus dans le pays. Le retour organisé de l’ancien ministre de
l’Energie a révulsé, révolté une société que l’on tentait de bercer au
doux son de nouvelles mesures de justice introduites par la dernière
Constitution.
La colère s’est exprimée au sein de l’Assemblée populaire nationale
(APN). Des députés ont dit tout haut ce que les Algériens pensent. Une
zaouia de Labyod Sidi Cheikh a refusé de recevoir Chakib Khelil sous la
pression des habitants de cette localité. Interrogé par des journalistes
d’El Watan, un de ces responsables basé à Tizi-Ouzou a même été jusqu’à
déclarer : «Nous ne sommes pas des chakibistes, mais des rahmanites (…)
le recevoir dans une zaouia avec la bénédiction du ministère des
Affaires religieuses est inadmissible.»
De hauts responsables politiques algériens connus pour être les
porte-voix officieux des dirigeants, Ammar Saâdani en l’occurrence, ont
pourtant tenté de faire admettre aux Algériens que Chakib Khelil était
victime d’un complot. Mais la pilule est mal passée.
A son tour, Ouyahia qui s’était jusque-là abstenu de s’aventurer sur ce
terrain mouvant a tenté alors de l’absoudre, le présentant lui aussi
comme la victime d’une guerre de clans. Les deux hommes laissent
entendre clairement que l’ex-ministre est pressenti à un haut poste de
responsabilité.
Par malchance pour Chakib Khelil, l’affaire des Panama Papers arrive à
ce moment. Dans une édition consacrée au scandale impliquant de
nombreuses personnalités du monde dans de sombres affaires de
corruption, de proches collaborateurs de l’ancien ministre algérien de
l’Energie sont cités avec force détails.
L’opinion est choquée. Un autre ministre en poste, l’actuel ministre de
l’Industrie et des Mines, est lui aussi mis en cause. Les révélations
s’enchaînent et font admettre à l’ancien président du Conseil
constitutionnel avoir introduit auprès des autorités algériennes un
homme d’affaires français douteux, Pierre Falcone, accusé d’être
derrière le dossier de corruption de l’autoroute Est-Ouest. Alger réagit
uniquement pour dénoncer la publication de la photo de Bouteflika à la
Une du journal Le Monde.
Tout est figé. Même les partis majoritaires, FLN-RND, censés constituer
une muraille autour du programme présidentiel s’entredéchirent dans une
guerre sourde. Le parti d’Ahmed Ouyahia est proche de l’implosion.
L’embrouillamini est total. La situation est telle qu’elle laisse peu de
latitude à la prise de décisions importantes. Le remaniement ministériel
maintes fois annoncé est sans cesse reporté. Sans raison.
L’opacité politique rend caduque toute lecture mais reflète la
difficulté qu’éprouve le pouvoir à s’engager dans chaque pas dans une
conjoncture aggravée par une crise économique aux conséquences
incertaines et tension extrême aux frontières.
Difficile pour l’instant d’imaginer l’évolution des évènements. Il
faudra au pouvoir un trésor d’imagination pour se sortir de cette
impasse et trouver les moyens de rebondir pour garder le cap encore un
moment.
Chaque jour qui passe est une gageure en la matière et il en faudra sans
doute beaucoup pour gagner du temps jusqu’à l’arrivée du Ramadhan et des
congés d’été qui offrent généralement un répit au monde politique à
travers le monde…
A. C.
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