Monde : Le Sahara Occidental de Ban Ki-Moon vu de Bruxelles
Crimes et chuchotements
De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Le Sahara occidental sous colonialisme marocain est, aujourd’hui, érigé
en zone interdite, isolé du reste du monde.
Les observateurs, les ONG de défense des droits de l’Homme, les députés
européens, les journalistes autres que ceux agréés par le Makhzen y sont
interdits d’accès.
Dernièrement, une délégation de juristes (France, Espagne, Belgique) a
été reconduite manu militari par la police marocaine et embarquée de
force à partir d’Al Djazira vers le Vieux Continent.
Auparavant, des europarlementaires ont été empêchés de se rendre à
Laâyoune pour établir leur rapport sur la situation vécue par les
populations dans la capitale sahraouie, à Dakhla et ailleurs. Au jour
d’aujourd’hui, la Commission européenne, en définitive, le gouvernement
de l’Europe, a toujours insisté sur les «voies» du dialogue avec Rabat
pour débloquer les verrous et permettre les visites au Sahara
occidental.
Cependant, depuis quelques jours, il paraît évident que le président
Jean-Claude Juncker est agacé et préoccupé par les attitudes du Makhzen
et du palais. En aparté, les diplomates marocains lui promettent que
tout sera mis en œuvre pour que personne ne puisse être empêché d’aller
au Sahara occidental, mais les choses évoluent différemment. Le Maroc
conscient qu’il est un indu occupant là-bas, ne peut se permettre
d’ouvrir les territoires sahraouis, ça causera sa perte. Rabat est
obligé de se comporter ainsi, une autre démarche signifierait le début
de la fin de sa ruineuse aventure dans un pays d’autrui. Le colonialisme
est un et indivisible, il n’est pas configuré pour le consensus, le
dialogue avec l’autre, le retrait accepté et ordonné (France au Viêtnam
et en Algérie en est l’exemple édifiant). Le colon ne part jamais, il
est toujours chassé, coup de pied au derrière. C’est ainsi. Le Maroc est
en train de rater une occasion en or de se retirer du Sahara occidental
grâce aux Nations-Unies qui lui offrent cette possibilité du référendum.
Rabat s’entête et rue sur les brancards, se referme et n’écoute plus. A
Bruxelles, ça chuchote, ça discute et ça s’exaspère, y compris dans les
milieux traditionnellement taiseux par rapport au dossier sahraoui. Une
gorge profonde, s’abreuvant à la source, confie à un parterre de
journalistes «l’Union européenne ne pourra plus ignorer le Sahara
occidental dans ses rapports avec le Maroc». «Surtout, ajoute-t-il,
depuis la décision de la Cour européenne (invalidation de l’Accord
agricole avec le Maroc parce qu’englobant le Sahara occidental, ndlr) et
la position ferme de Ban Ki-moon qui a parlé «d’occupation».
Asiatique, pas connu pour privilégier la formule au fond, diplomate
chevronné et habile, Moon, tient à ajouter cette source, «ne peut pas
avoir dit ça comme ça». «N’oubliez pas aussi qu’il (B. Ki-moon) est
proche des Américains...»
A. M.
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