Actualités : Saïd Sadi :
«Les clans, ce n’est pas la solution mais le problème»


Invité par trois associations de la commune de Haïzer, à 10 kilomètres à l’est de Bouira, dans le cadre de la commémoration du 36e anniversaire du Printemps berbère, le Dr Saïd Sadi a animé hier samedi une conférence-débat autour du thème «Avril 1980 : luttes d’hier, leçon d’aujourd’hui».
Pendant plus de deux heures, le conférencier s’est longuement attardé sur la chronologie des événements qui ont d’abord précédé avril 1980, en remontant aux premières années de l’indépendance et le début de confiscation de l’identité algérienne par Ben Bella qui avait accepté de s’installer au pouvoir par les chars et Boumediène, celui-là même qui allait le déposer trois années plus tard lors d’un coup d’Etat. Ben Bella déclarait à Tunis aussitôt après son investiture en 1962 : «Nous sommes arabes, nous sommes arabes, nous sommes arabes» ; une déclaration qui allait marquer le début de l’aliénation de l’identité amazighe de l'Algérie et en même temps, le début de la lutte pour justement contrer cette aliénation. Saïd Sadi relatera succinctement ses débuts dans la lutte pour la reconnaissance de la langue amazighe avec ses débuts en étant étudiant dans la chaire de Mouloud Mammeri, puis son rôle dans la traduction de la pièce de Kateb Yacine «Mohamed prends ta valise» et le rôle que cette pièce joua dans l’éveil de la conscience algérienne quant à sa véritable identité millénaire, jusqu’au prix que cette pièce reçut à Tunis dans le festival estudiantin de la Méditerranée.
Puis la fin des années 1970 et le conférencier, alors médecin psychiatre à l’hôpital de Tizi-Ouzou qui travaille toujours pour la cause amazighe, puis l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri sur les poèmes kabyles anciens et la grève générale du 16 avril à laquelle il avait appelé avec ses compagnons de lutte, la répression qui s’en était suivie dans la nuit du 19 au 20 avril dans le campus de Oued Aïssi, ainsi que dans l’hôpital d’où ils furent arrêtés et l’usine Eniem.
En relatant tous ces événements, le conférencier dira que durant toutes ces péripéties, le mot d’ordre était de rester pacifique, ne pas répondre aux provocations des policiers ou des gendarmes et la revendication principale durant tous ces événements d’avril 1980 qui, «ne l’oublions jamais, martèlera le conférencier, un acte fondateur de la naissance de la démocratie en Algérie», avaient comme principales revendications, «tamazight et les libertés démocratiques».
Et le conférencier d’en venir à la génération actuelle , celle qui n’a pas vécu ces événements, qui n’y était pas encore née et qui doit savoir que parmi les leçons à en tirer, figurent d’abord cette méthodologie dans les débats et la manière d’exposer les idées d’une manière pacifique même lorsqu’elles sont contradictoires, en renvoyant cette méthodologie à la tradition villageoise où les gens se réunissaient dans la djemaâ et se rencontraient tous pour l’intérêt de la communauté en laissant de côté leurs divergences et leurs différends. Le message d’avril 1980 est fait de tolérance et de consensus, et toute mentalité qui se base sur le lynchage est une mentalité arabo-baâthiste qui n’a rien à voir avec la mentalité amazighe, dira encore Saïd Sadi qui pense que la Kabylie, pour peu qu’elle se protège de ses propres démons, pourra servir d’exemple et d’alternative à un modèle moyen-oriental que l’Afrique du Nord a copié jusque-là, mais qu’elle prend conscience qu’avec une identité amazighe, sa propre identité, elle pourra constituer une alternative pour une construction démocratique, dira Saïd Sadi qui évoque une rencontre sur ce thème au Maroc en juillet prochain et pour laquelle il est invité. Cela étant, lors des débats, plusieurs points ont été abordés comme l’officialisation de tamazight que Sadi considère comme un piège, ou encore la fondation AFUD qu'il préside et qui est en train de montrer le chemin sur le terrain, comment les citoyens peuvent se prendre en charge et comment valoriser les potentialités économiques d’une région sans attendre le pouvoir, il parlera du MAK en disant que oui pour le débat, oui pour le libre avis, mais avertira sur les conséquences d’isolement de la Kabylie en plaidant contre l'enfermement.
Enfin, Sadi parlera du cas Chakib Khelil sur lequel il était interpellé. Sadi dira que le cas Khelil et la campagne qu’il est en train de mener à travers les zaouias en se faisant accompagner par les télévisions, est une campagne malsaine.
Cela dit, il rappellera que le cas Khelil est une lutte entre deux clans, celui de la Présidence et celui du DRS et cela par presse interposée. Et Saïd de s’expliquer : «Je vous dis sincèrement, les clans en Algérie, ce n’est pas la solution, mais le problème» en répondant à ceux qui évoquent une solution en avançant la prise du pouvoir par un clan au détriment de l’autre.
Sadi rappelle que le DRS avait des dossiers de corruption contre Khelil mais, que le même DRS n’a fait sortir ces dossiers que lorsqu'il avait voulu s’attaquer à l'autre clan, celui de la Présidence. Et le conférencier de conclure : «Un dossier de corruption ne se garde pas pour abattre avec son adversaire, mais se transmet à la justice. Et puis, on ne joue pas avec la corruption, on la combat», dira-t-il enfin.
Y. Y.



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