Monde : Sahara occidental, que veut la France ?
Le colon encerclé
De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Le comportement de la France au Conseil de sécurité sur la question
sahraouie pose, vraiment, question.
Non pas que Paris soutienne les thèses colonialistes marocaines, cela
est su, acté.
Pour autant, relèvent les observateurs, ici à Bruxelles, l’acharnement
anti-sahraoui actuel, notamment lors de la présente session du Conseil
de sécurité, ne semble pas mû, uniquement, par le soutien indéfectible
au Maroc, mais par d’autres calculs qui peuvent mettre la région à feu
et à sang.
Le Royaume-Uni a vraiment compris l’enjeu et Londres a été d’un grand
apport pour Ban Ki-moon et le Polisario lors des débats sur le dossier
du Sahara occidental. Les USA, qui ont initié l’avant-projet de
résolution, ont, de leur côté, carrément tout fait pour isoler la
France. La proposition américaine était rédigée de telle sorte que les
objections françaises ne pouvaient pas transgresser la doctrine
onusienne.
Les marges de manœuvre laissées, volontairement, par les USA pour ne pas
bloquer les débats, ont toutes été, violemment, investies par la France.
Les autres membres — permanents — du Conseil de sécurité ont donc été
contraints de ne pas trop lâcher à Paris parce qu’ils ont compris que la
diplomatie française utilisait la question sahraouie pour affaiblir
l’Algérie et ne pas lui permettre de s’imposer comme moteur dans
l’espace nord-africain. La question sahraouie réglée selon les plans de
paix onusiens, et voilà donc toute la doctrine coloniale et
néo-coloniale française qui s’effondre.
Il est de surcroît validé que la France, toutes obédiences confondues,
n’a pas digéré l’indépendance de l’Algérie.
L’homme aux multiples casseroles, l’ex-président Sarkozy, a dit, l’an
dernier à Bruxelles : «Lorsque j’entends le mot indépendance du Sahara
occidental, j’ai envie de tirer mon révolver.» Selon des journalistes
ayant assisté aux confidences de l’époux de Carla Bruni, ce dernier
aurait aussi ajouté : «Je me demande comment et pourquoi la France
a-t-elle accepté l’indépendance de l’Algérie ?»
La pensée sarkozienne en la question est largement partagée tant à
droite, à gauche, à l’extrême-droite et trouve des apôtres au sein même
des écolos. C’est comme ça jusqu’au jour où le Maroc et la France
sortiront une main devant et une main derrière du Sahara occidental.
La France a déjà vécu pareil déboire au Viêtnam et en Algérie mais,
comme dirait l’autre, le général Giap du Viêtnam précisément, «le
colonialisme est un mauvais élève».
Par ailleurs, l’alignement de la France sur les thèses marocaines au
Sahara occidental dérange la plupart des pays européens, l’Allemagne et
la Grande-Bretagne en particulier. Lors des discussions sur le dossier
pendant cette semaine au Conseil de sécurité, l’Espagne, un autre
«mauvais élève», a semblé prendre ses distances d’avec la France.
Signe des temps ou simplement parce que le gouvernement Rajoy est en
partance ?
A. M.
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