Actualités : 8 mai 1945
La reconnaissance, encore et toujours !
A chaque commémoration du 8 Mai 1945, en France, et
bien en dehors des célébrations officielles de la fin de la Seconde
Guerre mondiale, la mobilisation se renforce pour «L'autre 8 Mai 1945».
Il ne s'agit pas de la victoire contre le nazisme, mais du crime d'Etat,
prolongeant en quelque sorte les horreurs des hordes nazies, commis
contre les Algériens.
La revendication d'une reconnaissance d'un acte planifié, d'un massacre
collectif devait être renouvelée hier à Paris. Une cinquantaine de
partis, d'organisations, d'associations et d'amicales avaient appelé à
un rassemblement unitaire, sur le parvis de la mairie de Paris, pour
conforter cet appel, mais la préfecture a désigné une autre place. Pour
les responsables du collectif, l'essentiel était de tenir ce
rassemblement, même à distance de la mairie, et sur une place, celle du
Châtelet, offrant moins d'espace.
A Marseille, un rassemblement s'est tenu la veille, le 7 mai, parce que
l'administration l'entendait ainsi, mais pour remettre la plaque
commémorative, déjà arrachée à deux reprises. Comme pour le 17 Octobre,
les autorités françaises ont peine à se déjuger et à reconnaître des
faits avérés, corroborés par de multiples témoignages, de crainte de
s'aliéner la partie extrémiste de l'opinion française.
L'un des signataires de l'appel, le militant associatif M'hamed Kaki,
avait affirmé vendredi soir que les Algériens de France ne cesseraient
jamais d'entretenir la mémoire du 8 Mai 1945. «Ils espèrent, qu'à la
longue, on va se lasser, mais on ne sera jamais lassés et on ne baissera
jamais les bras, jusqu'à ce que toute la lumière sur les massacres soit
faite».
Et pour que ce travail de mémoire se fasse et soit pris en charge par
les historiens, il faut que les archives de ces évènements soient
accessibles, aussi bien en France qu'aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne. En prélude à ces rassemblements prévus également dans
plusieurs communes de France, le Centre culturel algérien à Paris a
organisé vendredi soir une projection débat. L'histoire du film proposé
est assez originale puisqu'il a été réalisé par une jeune femme, Meriem
Hamidat, née en France, bien après les évènements, et dont les parents
sont originaires de Sétif. Comme personne ne lui a jamais raconté cette
histoire, elle décide, en 2007, de prendre sa caméra et d'aller
recueillir les témoignages des derniers témoins de cette période. Elle
se défend de vouloir faire œuvre d'historienne, et affirme n'avoir pensé
qu'à recueillir des déclarations pour la postérité, y compris celle de
sa propre famille, impliquée dans le drame. On y voit ainsi des hommes
et des femmes raconter la répression, et surtout, la loi d'airain de la
colonisation qui affamait souvent les Algériens avant de les massacrer.
On a pu revoir en particulier la figure emblématique de Bachir Boumaza,
président de la Fondation du 8 Mai 1945, qui raconte comment revenu du
lycée où il était «potache», il avait retrouvé la plupart de ses
camarades tués. Il y a eu, enfin, un véritable moment d'émotion lorsque
la réalisatrice a annoncé, qu'en plus de M. Boumaza, toutes les
personnes qui témoignent dans le film sont décédées.
Alain Ruscio, l'auteur de Nostalgérie-L'interminable histoire de l'OAS,
présent à la manifestation, a mis en exergue la participation des colons
à la répression.
C'était la première fois, selon lui, qu'on a assisté à cette alliance de
l'armée, de la gendarmerie et de la police avec les colons, réarmés ou
surarmés pour la circonstance.
Historien de la colonisation, dans ses versions algérienne et
vietnamienne, il a rappelé que la défaite de l'armée française avait eu
lieu le 7 mai 1954, soit neuf ans presque jour pour jour après le début
des massacres. C'était en quelque sorte, a-t-il souligné, une revanche
sur le 8 Mai 1945, et l'annonce d'une autre revanche qui allait
s'enclencher la même année avec le 1er Novembre 1954.
Ahmed Halli
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