Sports : Euro-2016 (quarts de finale)
Frappés du sceau de l’inédit
Le sprint final peut commencer. Ce soir, les quarts
de finale de la quinzième édition de l’Euro-2016 débuteront par un
inédit Pologne- Portugal. Un duel aux saveurs particulières : les
Portugais qui ne sont pas à leur premier Euro (ils ont obtenu leur
première participation en 1984 en… France) s’attèleront à démanteler le
«rouleau compresseur polonais» qui n’est pas mieux considéré dans de
telles manifestations, son admission à une phase finale datant à 2008
durant le tournoi co-organisé par l’Autriche et la Suisse. Le duel
Ronaldo-Lewandowski, deux éléments aux visages multiples lors de cette
épreuve française, ne sera pas la seule attraction. Le Madrilène s’est
réveillé lors de la dernière rencontre des poules face aux Hongrois
alors que le Bavarois affiche une affligeante timidité devant les buts
adverses. Demain, Pays de Galles- Belgique est une affiche tout aussi
inédite. Les Gallois qui ouvrent leurs yeux sur une compétition majeure
du football affronteront des Diables Rouges qui retrouvent les terrains
européens après 30 années d’éclipse. Les TGV gallois (Bale) et belge (Hazard)
n’auront pas que leur vitesse à faire valoir durant cette explication
très attendue par les amateurs de sensations fortes.
M. B.
Portugal
Nani, le second couteau coupe aussi
Si Cristiano Ronaldo était Batman, Nani serait Robin. Mais le comparse
est sorti de l'ombre en marquant les deux premiers buts du Portugal à
l'Euro-2016 et il est prêt à récidiver contre la Pologne, en quarts à
Marseille (sud-est), ce soir (20h).
Un éternel espoir ? «Je vois le même Nani que je voyais il y a dix ans,
dit Alain Giresse l'ancien milieu de terrain français à l'AFP. Il a
beaucoup de talent mais mal exploité, il n'a pas réussi la carrière
qu'il aurait pu accomplir». Et Cristiano Ronaldo n'y est pour rien. «Il
n'a pas passé sa vie à Manchester United avec lui, s'il se retrouve à
Fenerbahçe ce n'est pas la faute de Ronaldo, il faut assumer, il n'a pas
pu ou pas su faire mieux», poursuit le vainqueur de l'Euro-1984 avec la
France. En effet, Nani, formé au Sporting, comme son capitaine, a passé
sept saisons à ManU (2007-2014), mais seulement les deux premières dans
l'ombre de Cristiano. Quand en 2009 la star est partie au Real Madrid,
Nani a d'ailleurs vécu ses meilleurs moments avec les Red Devils. Mais
ensuite il est retombé dans ces excès d'individualisme et n'a plus été
un joueur indispensable. Louis van Gaal l'a laissé partir en lâchant un
cinglant commentaire : «Nous n'avons pas d'ailier de très haut niveau,
il va falloir qu'on en achète un.» Nani avait été prêté dès le début de
saison au Sporting, avant d'être transféré à Fenerbahçe à l'été suivant,
en 2015.
«Un intermittent»
Il s'est vengé en critiquant van Gaal dans les médias anglais. Le
Néerlandais «criait sur les joueurs comme s'ils étaient des enfants»,
disait Nani, «difficile de jouer quand quelqu'un vous dit : il faut
passer la balle comme ça, bla-bla-bla. Le foot c'est l'instinct, c'est
des décisions à prendre». Mais il n'a pas toujours fait les bons choix.
Dans les cœurs des supporters de Manchester United, sa cote n'a jamais
approché celle de Cristiano. Ils se souviennent surtout de lui pour une
action pleine d'insolence, pas même un but, une série de jongles de la
tête et du genou pour chambrer Justin Hoyte et Arsenal, un soir de
février 2008 où ManU passait une correction aux Gunners (4-0). La vidéo,
qui se termine par une tentative de découpage de Nani par Mathieu
Flamini, égaye toujours les forums.
«C'est un intermittent», résume Giresse. Du coup Nani a connu une
carrière «en dents de scie, poursuit Gigi. Il est très talentueux, mais
le constat est là, on en attendait plus de lui, un peu comme Quaresma
d'ailleurs», l'autre surdoué de l'attaque portugaise. Pendant l'Euro,
Nani «a été correct», estime Giresse, dans son rôle de dribbleur côté
droit. Il a ouvert le score contre l'Autriche (1-1) puis égalisé contre
la Hongrie (1-1), avant... le doublé de Cristiano Ronaldo (3-3 score
final).
Excuses à Ronaldo
Décidément, Nani retombe dans l'ombre du maître. Il ne pèse pas le
même poids, malgré ses 100 sélections (20 buts), tout de même à 29 ans,
loin de CR7 et ses 60 buts en 130 capes. Avec l'équipe nationale, il
avait pourtant commencé par un but sur corner direct dès sa première
sélection! Mais le Portugal s'était incliné contre le Danemark en amical
(4-2), le 1er septembre 2006, bref: un coup d'éclat pour rien. Né à
Praia au Cap-Vert, Luís Carlos Almeida da Cunha, surnommé Nani par sa
grande sœur quand il était petit, a appris à se contenter des entrées
annexes dans la grande histoire du football, comme le 600e but de
l'Euro, marqué contre l'Islande, comme il a appris à vivre dans l'ombre
du triple Ballon d'Or. Il avait même dû s'excuser publiquement auprès de
Cristiano pour l'avoir privé d'un triplé contre l'Espagne (4-0), en
amical en novembre 2010, en touchant le ballon qui allait entrer dans le
but. Il avait été signalé, à tort, hors-jeu, et le but avait même été
refusé. Robin s'est d'ailleurs lui-même chargé de défendre Batman après
son doublé contre la Hongrie: «Tout le monde devrait la fermer ce soir
sur Cristiano.» Contre la Pologne, on reparlera peut-être de Nani.
Programme du week-end (en heure algérienne)
Jeudi 30 juin (20h)
A Marseille : Pologne-Portugal
Vendredi 1er juillet (20h)
A Lille : Pays de Galles-Belgique
Pologne
Fabianski : «Bambi» a les crocs
l Il est réservé, modeste, poli, à tel point qu'en Pologne on le
surnomme parfois «Bambi», comme le petit faon de Disney.
Le gardien Lukasz Fabianski, sur qui l'ogre Ronaldo jettera des regards
affamés aujourd’hui en quart de finale de l'Euro, se bat depuis des
années pour montrer qu'il n'est pas trop gentil. L'image est rarissime.
Après la qualification aux tirs au but contre la Suisse en 8e samedi
dernier, Fabianski l'introverti a explosé de joie. Car ses parades de
grande classe ont largement contribué à l'accession en quarts, alors
même que cet éternel second ne doit sa place de titulaire qu'à la
blessure de Wojciech Szczesny après le premier match de poules. «Fabianski
ou le triomphe d'un joueur discret», a titré le quotidien polonais
Rzeczpospolita avant le quart très attendu contre le Portugal jeudi à
Marseille.
Humilité, discrétion, gentillesse...
Ce qu'on considère comme des qualités chez le commun des mortels
peut vite sonner comme un reproche pour un sportif de haut niveau. C'est
ce qui est souvent arrivé à Fabianski, en club comme en sélection. La
moindre petite erreur et c'est son supposé manque d'assurance qui
ressurgit, au profit d'un rival plus extraverti ou spectaculaire. «Les
gens m'ont toujours jugé sur mon comportement en dehors du terrain,
aimable, bien élevé...», reconnaît dans une rare interview le gardien de
31 ans, marié à une amie du lycée, père d'un enfant et dont le nom n'est
jamais apparu dans les rubriques à scandale.
Sur le banc d'Arsenal
Fabianski a porté pendant sept ans les couleurs d'un des plus gros clubs
du monde, Arsenal, de 2007 à 2014, période durant laquelle son humilité
est mise à l'épreuve. Il passe l'essentiel de son temps sur le banc des
remplaçants, d'où il regarde jouer Jens Lehmann puis Manuel Almunia.
Idem en sélection, où il est souvent numéro deux, derrière Artur Boruc
ou Szczesny. En 2014, Fabianski quitte les «Gunners» pour Swansea où il
devient enfin le numéro un incontestable. «Il est très dévoué à son
travail, chaque jour il s'attache à perfectionner des éléments de son
jeu, à devenir meilleur», soulignait l'an dernier Garry Monk, à l'époque
manager de Swansea. Né en 1985 à Kostrzynnad Odra, à la frontière avec
l'Allemagne de l'Est, Fabianski a commencé son parcours au Polonia
Slubice. «Mon premier entraîneur Jerzy Grabowski était très exigeant. Il
nous a appris à être droits et travailleurs», se souvient-il. Après la
qualification contre la Suisse et alors qu'on lui parlait de sa
performance remarquable, il a, sans surprise, loué le collectif. De quoi
entretenir encore son image mais dans un sens positif cette fois-ci,
puisque les résultats suivent et que la Pologne a atteint ses premiers
quarts de finale d'un tournoi majeur depuis le Mondial 1982 (3e). «Fabianski
est un jeune homme normal, qui ne cherche pas à être célèbre, à exhiber
des tatouages, des voitures, des petites amies ou une épouse-célébrité»,
s'est félicité le journal Rzeczpospolita. Hasard ou allusion
subliminale, cela sonne un peu comme l'antiportrait de la mégastar
Cristiano Ronaldo. Le gentil «Bambi» sera-t-il assez féroce pour
résister au loup ce soir ?
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