
Actualités : Filières sidérurgie et métallurgie
Les projections du gouvernement sont-elles réalistes ?
Le gouvernement compte énormément sur les deux
filières de la sidérurgie et de la métallurgie, entre autres leviers,
pour aider à faire sortir le pays de sa dépendance de la rente du
pétrole. Les projections sont optimistes. Les objectifs fixés sont-ils
pour autant réalisables ?
Younès Djama - Alger (Le Soir) - Avec la reprise des
participations minoritaires du Groupe ArcelorMittal dans les deux
sociétés ArcelorMittal Algérie et ArcelorMittal Tébessa ainsi que sa
participation majoritaire dans ArcelorMittal Pipes & Tubes Algérie par
la partie algérienne qui contrôlera de ce fait entièrement ces sociétés,
c’est une renaissance pour le secteur de la sidérurgie et la métallurgie
en Algérie.
Ces deux filières comptent beaucoup pour le gouvernement qui met le cap
sur la politique de diversification de son économie pour la faire sortir
de sa dépendance de la rente pétrolière. Globalement, le secteur de la
sidérurgie est la base de la croissance économique diversifiée, estime
Mohamed Achir, enseignant d’économie à l’Université de Tizi-Ouzou, mais
il juge que ce n'est pas le monopole de l'Etat qui pourrait à lui seul
garantir une industrie sidérurgique et métallurgique compétitive. Il
préconise des investissements privés et publics dans cette branche
industrielle «stratégique» et qui, selon lui, surtout doit être projetée
dans une chaîne de valeur internationale pour arracher des débouchés.
Cet enseignant qualifie de secteur émergent avec un «très fort
potentiel» la filière de la sidérurgie/métallurgie.
Pour sa part, Ferhat Aït Ali appelle à avoir des projections réalistes
et ne pas verser dans des objectifs «fantaisistes». Comme la projection
de 10 millions de tonnes d'acier que s’est fixée le gouvernement. «Pour
produire 10 millions de tonnes d'acier, il faut non seulement des
investissements, mais aussi 12 millions de tonnes de déchets chaque an,
ou 100 millions de tonnes de minerais. Ce chiffre équivaut à 1 million
de wagons par an, soit 50 000 rotations de train, sur des voies ferrées
vétustes ou inexistantes pour Gara-Djebilet. En moyenne, cela nécessite
30 trains/jour, vous les voyez passer sur nos voies actuelles ?»,
analyse-t-il. Pour cet enseignant, le problème n'est pas dans la relance
en elle-même, «mais dans la mobilisation des fonds, la rentabilité de
ces gisements, et l'objectif recherché derrière cette relance, ainsi que
la forme juridique des entreprises appelées à y investir».
L’objectif de 3 millions de tonnes d’acier lui semble beaucoup plus
réalisable et surtout moins «fantaisiste». «Quand on lance des projets à
10 millions de tonnes, alors qu'une usine censée produire 1,8 million
n'est pas en état de produire 200 000 tonnes du fait de sa propre
gestion du secteur, cela sonne comme une mauvaise blague», résume Aït
Ali.
«L'usine de Bellara (Jijel) en est encore au début de chantier, celle de
Gara-Djebilet est au stade qui précède l'étude d'utilité et de
faisabilité, et celle d'El-Hadjar à l'état d'épave, d’où (le
gouvernement) compte-t-il sortir toute cette quantité en cinq ans, alors
qu'il n'a même pas été capable de réviser ses budgets 2 ans après la
crise ?» interroge-t-il.
Le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, a
récemment déclaré que l'Algérie compte augmenter progressivement sa
production d'acier pour atteindre les 12 à 13 millions de tonnes/an(mt)
à l'horizon 2020, ajoutant que «quelque 4 mt/an seront ainsi assurés par
le complexe de Bellara (Jijel) en partenariat avec les Qataris, ainsi
que 3,5 mt/an par celui de Tosyali (Oran) avec un partenariat turc, et
2,2 mt/an par El-Hadjar, et près de 1,5 mt par an par le groupe privé
algérien ETRHB, en plus de la production de trois autres investisseurs
privés locaux.
La facture annuelle d'importation des produits sidérurgiques et
métallurgiques par l'Algérie est de 7 à 8 mil^liards de dollars, tandis
que la consommation en acier devrait doubler en 2025 par rapport à 2015,
a-t-il indiqué.
M. Bouchouareb a auparavant souligné que 2016 devait être l’«année des
mines» avec la mise en exploitation de plusieurs projets
d’investissement lancés ces dernières années, notamment en ce qui
concerne le phosphate, le fer, le marbre, le manganèse, le vanadium et
le zinc.
Y. D.
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