Actualités : UNIVERSITÉ
Benjamin Stora à Guelma
«Le monde a connu des chocs géopolitiques où le fossé
s'est profondément creusé entre le nord et le sud, et la misère des
peuples a pris des proportions alarmantes dans certaines régions du
monde», a déclaré Benjamin Stora, à l'université de Guelma, en abordant
la question de l’immigration et son histoire.
C'était lors d'une conférence-débat organisée samedi dernier, à
l'amphithéâtre Saci-Benhamla, de la Faculté des sciences humaines et
sociales (campus Souidani- Boudjemaâ) de la ville de Guelma.
«Depuis des siècles, des pays occidentaux se sont construits en
s'appuyant sur des immigrés. En France, des millions d'algériens ont
bossé durement, pour œuvrer au développement de ce pays», enchaîne-t-il
devant les participants à cette rencontre, organisée à la veille de la
commémoration des événements du 11 décembre 1960.
Il était donc question de restituer les parcours et les mémoires des
peuples en souffrance qui ont immigré pour tenter de reconstruire leur
vie.
«On peut citer le cas des milliers d’Italiens qui ont quitté leur pays
au début du vingtième siècle à la recherche d'un travail, notamment en
Amérique, pour améliorer les conditions de vie de leurs familles»,
déclare l'historien natif de Constantine, dont l’itinéraire de ses
parents ressemble beaucoup à la mémoire de ces familles italiennes.
Cela était perceptible dans son exposé présenté samedi dernier à
l'université de Guelma, aux côtés du recteur, le docteur Mohamed
Nemamcha, et devant une assistance rehaussée par la présence de
professeurs et chercheurs venus de plusieurs universités du pays.
«Le monde est au cœur d'une nouvelle donne géostratégique, ces dernières
années, et plusieurs facteurs se conjuguent pour accélérer le phénomène
d'immigration», estime Benjamin Stora, expliquant cela par
l'effondrement de l'Irak, la Syrie et la Libye. «Au début des années
2010, pas moins de 7 millions de syriens ont quitté leur terre natale
fuyant la guerre, il se sont éparpillés entre la Turquie, le Liban, la
Jordanie, l'Égypte, la tunisie... mais également en Europe, où
l'Allemagne était la porte d'entrée pour ces réfugiés», souligne-t-il.
Pour le conférencier, c'est une migration forcée sans précédent
provoquée par les conflits que connaît la région, mais qui reste
semblable à celles enregistrées bien avant dans le monde.
Autre facteur cité par l'historien français, ce sont les conditions
climatiques, «des milliers d'habitants du Sahara africain ont été
contraints à l'exode climatique. Les uns ont été déplacés du fait
d'inondations et les autres pour fuir la sécheresse. De nombreuses
familles se sont donc trouvées conduites à un exode massif pour assurer
leur survie».
Enfin l'historien français spécialiste de l'Algérie reconnaît que
comprendre l'histoire de l'immigration c'est combler un trou de mémoire
provoqué par un défaut de transmission. Faut-il, donc, rappeler à
certains pays occidentaux, frappés d'amnésie historique, l'apport des
étrangers à leurs histoires, culturelle, scientifique, économique... ?
Noureddine Guergour
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