Actualités : Union Africaine
Les enjeux d’une présidentielle
Le continent africain s’apprête à vivre un grand
évènement : à la fin du mois de janvier, les chefs d’Etat devront
désigner le successeur de l’imposante Nkosazana Dlamini-Zuma, la
Sud-Africaine qui a bouclé en beauté son mandat à la tête de la
Commission de l’Union africaine. Les opérations de lobbying
s’intensifient sur fond d’inquiétude d’un Maroc soucieux de réintégrer,
coûte que coûte, l’organisation que son père avait désertée au début des
années 1980.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Il faut dire que cette question
donne un cachet particulier à cette élection déjà perçue comme échéance
de taille susceptible même de modifier le jeu d’alliance traditionnel
des Etats africains.
Le roi du Maroc a déjà annoncé bien avant l’heure son intention de se
rendre à Addis-Abeba, où se déroulera le scrutin, pour défendre en
personne sa demande de réintégration au sein de l’UA.
Sa tentative de réintégrer l’Union africaine avait soulevé de sérieuses
inquiétudes au sein de nombreux membres de l’organisation, dont
l’Algérie, qui y voient probablement une tentative de remettre en cause
les principes acquis par les Sahraouis en quête d’indépendance.
La réaction la plus sévère est cependant venue de la présidente de la
Commission de l’Union africaine. Soucieuse d’avoir le cœur net sur les
réelles intentions marocaines, Nkosazana Dlamini-Zuma avait demandé au
roi de signer «un engagement écrit dans lequel il accepte explicitement
les valeurs et les principes de l’UA dont le respect des frontières
héritées du colonialisme et la ratification de l’acte constitutif».
Cette demande a eu pour effet de provoquer une grande colère du roi qui
a réagi à travers son MAE en accusant la Sud-Africaine «d’avoir retardé
de manière injustifiée la diffusion de la demande du Maroc aux membres
de l’UA».
Pour Rabat, il s’agissait là d’une nouvelle «tentative d’obstruction
improvisée en une nouvelle exigence procédurale inédite (…)» Pour tenter
de contrecarrer la stratégie mise en place par Dlamini Zuma, le Maroc
s’est lancé depuis dans une opération de lobbying intense pour
multiplier ses alliances et augmenter ainsi ses chances de peser sur la
candidature du Sénégalais Abdoulaye Bathily.
Universitaire ayant géré des portefeuilles ministériels sous plusieurs
gouvernements, il a également occupé le poste de secrétaire général de
l’ONU en Afrique centrale. Revendiquant ouvertement le soutien apporté
par le Président tchadien à sa candidature, il espère compter sur les
voix des Etats de l’Afrique de l’Ouest à l’exception de la Gambie.
Mais c’était avant que le Tchad n’annonce l’existence de son propre
candidat. Depuis, ses chances semblent s’être amenuisées. Et on ne
perçoit plus en lui que la «carte» sur laquelle s’appuie le Maroc pour
s’introduire au sein de l’UA. Les relations qu’entretient son pays avec
le Maroc lui ont également, d’ores et déjà, retiré les faveurs de
l’Algérie et des Etats africains favorables à la RASD (République arabe
sahraouie démocratique).
Les premiers indicateurs révélaient que la préférence de ces pays allait
vers le candidat tchadien Moussa Faki Mahamat.
Mais le jeu d’alliances évolue de manière constante. Récemment, le
gouvernement kényan a bouleversé la donne en annonçant que l’Algérie, le
Nigeria et la Sierra Leone allaient voter en faveur de sa candidate
Amina Mohamed. Depuis, une véritable bataille s’est engagée entre les
deux candidats (le Tchadien et la Kényane) entraînant, de part et
d’autre, des camps opposés un début de remodelage de l’échiquier
africain.
D’un côté, les Etats francophones, et de l’autre, les anglophones tous
deux forts des soutiens accumulés. Du coup, la campagne des deux autres
candidats à la succession à la présidence de l’UA, une Botswanaise et un
Equato-guinéen, se fait moins entendre.
Tous les pronostics actuels tournent donc autour du Tchadien en premier
lieu. Moussa Kaki Mahamet est un nom très connu dans la diplomatie
africaine (il a été ministre des Affaires étrangères durant 9 ans) et
est désigné comme étant un grand connaisseur des dossiers sensibles du
continent africain.
A ce jour, il représente son pays dans tous les enjeux centraux que
connaît la région et peut, par conséquent, se prévaloir d’un large
éventail de soutiens. Sa concurrente kényane n’est pas de moindre
envergure.
Amina Mohamed est présentée comme étant une experte des relations
internationales bénéficiant du soutien de nombreux Etats africains. Le
scrutin prévu les 30 et 31 janvier prochains départagera les deux
favoris et le nouveau président de la plus importante organisation
stratégique panafricaine devra obtenir 36 voix sur 54.
L’intégration du Maroc à l’UA dépend du vote de 36 pays. Mohammed VI est
prêt à tout pour obtenir sa réintégration et il a tenté de le prouver
récemment en reconnaissant officiellement l’acte constitutif de l’Union
africaine.
Une carte présentée par les alliés du royaume dans les coulisses des
résidences africaines où s’intensifient les tractations en perspective
des élections.
A. C.
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