Culture : Grotte de CERVANTÈS
Un patrimoine en perdition
Waciny Laredj en a fait le personnage principal dans
son romain La gardienne des ombres, Don Quichotte à Alger tandis que
Amin Zaoui Un incendie au Paradis ! — s’insurge : La Grotte est dans une
situation lamentable»(…) «J’imagine Cervantès se retourner dans sa
tombe.» Il «lance un appel aux intellectuels, universitaires,
romanciers, dramaturges, poètes pour se constituer en collectifs de
créateurs dont le but est : la sauvegarde, la promotion de cette grotte
historique». C’était il y a deux ans, le 2 avril 2015. Depuis, quiconque
est un tant soit peu jaloux du patrimoine matériel ne peut être
qu’attristé par cette mémoire en jachère livrée aux quatre vents…
Ce qui est pourtant paradoxal est le ton triomphaliste quant aux travaux
de restauration entrepris dans ce site que certains qualifient
sévèrement de poubelle ! A fendre le cœur quand bien même un mieux est à
relever quant à l’hygiène et la propreté de ce haut lieu de l’Histoire
aussi bien pour nous que pour les Espagnols. Et pour cause, le site
porte la signature indélébile du passage de l’illustre Miguel Cervantès
parce que c’est aussi là qu’il aurait entamé l’écriture du roman Don
Quichotte de la Manche, œuvre universelle s’il en faut. Pas seulement
car l’auteur qui s’était réfugié (il y est resté sept mois) dans cette
grotte pour préparer son évasion ratée au demeurant, a été le témoin de
la vie dans la Régence d’Alger au 16e siècle et nous lui devons des
témoignages précieux La vie d’Alger, lui qui n’a pas été un témoin
passif. Il devait maudire ce 26 septembre 1575 où le corsaire Arnaut
Mami lui a mis le grappin dessus. Il faut dire que la Régence d’Alger
était à ce moment-là au sommet de sa puissance en Méditerranée, crainte
et courtisée en même temps. C’est dire que le site est parlant dans ce
qu’il charrie comme histoires et légendes pour le touriste de passage.
En manque de repères bonifiants, la jeunesse d’aujourd’hui pourrait s’y
abreuver fort utilement. Maqam Echahid, qui domine la grotte de son
envergure, représente un pont entre l’histoire ancienne et celle plus
proche de nous. Pour toutes ces raisons, on se serait attendu
naturellement à ce que ce lieu bénéficie d’une grande attention.
Or, il n’en est rien. Vandalisée, menacée par les éboulements, voire un
glissement de terrain, la Grotte de Cervantès est dans une situation
d’urgence. Il n’a plus ni buste du père de Don Quichotte, ni plaque
commémorative. Le gardien des lieux nous surprend quand il nous affirme
qu’il garde chez lui la plaque en question afin de la protéger de la
dégradation ! Mieux, Mohamed Amamra, chargé de la culture à l’APC de
Belouizdad, nous tient le même discours. Il nous dit, comme si cela
allait de soi, que c’est lui qui garde la plaque et qu’il l’installe à
l’occasion d’une quelconque visite officielle ! Voire. Alors, quel futur
pour la Grotte de Cervantès.
A l’institut éponyme nous avons rencontré la directrice, Madame Raquel
Romero Guillemas, auprès de qui nous avons exposé ces préoccupations du
fait même que le site fait partie d’une histoire commune, ainsi qu’elle
a tenu à rappeler. «Nous sommes disposés à aider», nous dit- elle,
s’agissant d’une initiative de sauvegarde de la grotte. Elle renvoie la
balle à l’APC de Belouizdad à laquelle revient la responsabilité de
veiller à la «bonne santé» du site en question.
Elle détaille aussi «la route de Cervantès» organisé par l’institut le
23 avril et se désole par là même que le Peñon (forteresse espagnole qui
mettait Alger sous blocus maritime et qui a été rasée par Kheireddine
Barberousse) ne soit pas accessible au touriste mais que l’on ne peut
apercevoir que depuis le Bastion 23.
B. T.
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