Actualités : REPORTAGE
Alger, un jour de campagne électorale


Alger, un jour de campagne, mérite vraiment qu’on s’y arrête. La ville renvoie l’image d’un tableau hétéroclite, véritable puzzle aux pièces éclatées à travers lesquelles se meuvent des Algériens qui en ont beaucoup à dire.
La première image est frappante. Digne d’une immense scène à ciel ouvert où un dispositif spécialisé a été mis en place pour courtiser cet Algérien qui se plaignait, il y a quelques heures encore, du peu d’intérêt qu’on lui accorde.
Une fois n’est pas coutume, ce même citoyen a le privilège de ne pas avoir à se déplacer ou entamer des queues interminables pour savoir de quoi il en est. On lui court après. Des groupes de jeunes en sont même chargés. Ce sont des militants de partis ou des défenseurs de candidats auxquels on a assigné la tâche de distribuer des tracts, des dépliants, des programmes… tout un tas de papiers où «tout est expliqué».
Le choix des endroits où ils se postent est judicieux. Stratégique. Les artères principales sont des zones de prédilection. Ce sont celles où circulent le plus de personnes. Au 1er-Mai, la foule ne manque pas. Deux militants d’une même formation politique, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), sont disposés de part et d’autre de la grande rue qui mène vers Belouizdad. Une manière de ratisser large.
D’une main légère, les passants se saisissent poliment des papiers qui leur sont tendus. Certains sourient, comme amusés par un procédé auquel ils se sont habitués au fil des échéances, d’autres le font avec nonchalance. Mais tous, sans exception, finissent par jeter un coup d’œil au contenu du dépliant.
Une femme, passée trop rapidement, est vite rattrapée par un jeune qui lui remet un tract. Pas de discussions ni d’explications. L’étudiante se dit pressée. «Certaines personnes cherchent à comprendre, les questions sont souvent vagues, nous on essaye de leur expliquer du mieux que l’on peut ce qui se passe.» Et que se passe-t-il ? «Il faut aller voter le 4 mai.»
Le MSP semble particulièrement actif dans ces lieux. Un tour effectué à la Grande-Poste et la place des Martyrs démontre la même réalité. Avec Ennahdha, le parti de Mokri est d’ailleurs l’une des premières formations à investir les tableaux d’affichage aux toutes premières heures ayant suivi l’ouverture de la campagne électorale. D’autres affiches sont venues après. Mais elles demeuraient encore rares hier.
Par stratégie, certains partis préfèrent retarder l’heure de coller leur affiche. Elles ne seront sorties qu’à la fin de la première semaine, ou même un peu plus tard, de manière à jouer sur la «nouveauté» qui retiendra l’attention et éviter également certains désagréments. De malheureux candidats ont vu leurs affiches déchirées dans la journée d’hier. D’autres pancartes ont été chargées de graffitis, de peinture ou portent des mentions de gloire aux clubs de football. «Dans certains endroits, des tableaux d’affichage ont déjà été détruits, c’est affreux, on n’a pas besoin de faire cela uniquement parce que nous ne sommes pas d’accord. Ce sont des pratiques qui retardent l’avancée de la société», commente un homme d’un certain âge.
Les panneaux attirent toutefois la curiosité des Algériens. Les passants, des hommes surtout, s’y attardent systématiquement. Dans un costume gris bien mis, un quinquagénaire scrute une affiche. «Vous allez voter ?» «Non, dit-il en riant. J’ai beaucoup de respect pour les élections et je pense que si le moment était différent j’aurais certainement voté, mais à quoi bon le faire aujourd’hui ? La période est très mal choisie pour demander aux gens de participer à ces élections, personnellement, j’ai le cœur serré, je perçois 20 000 DA de retraite et je dois me débrouiller pour boucler mes fins de mois. J’ai l’impression de ne pas exister. Et puis, tous ces gens (les candidats, ndlr) qu’ont-ils fait pour nous ?» Près de lui, un jeune ajuste sa casquette. «Moi je ne sais pas, je ne les connais pas ces candidats. Hier à la télévision, j’en ai entendu qui disaient que la participation des citoyens pourrait changer les choses, vous pensez que c’est vrai ?» L’air vague, il poursuit : «En tous les cas, ils ont l’air sérieux.» Son regard se dirige vers les poubelles toutes neuves qui se remarquent un peu partout à Alger.
Les ruelles sont également débarrassées de leurs ordures. Des équipes de police sont plongées dans l’éternelle mission qui consiste à dégager au plus vite la circulation. Des peintres retapent des façades où des équipes sont chargées de coller ces affiches où l’on peut lire «Fais écouter ta voix.» Le slogan diffusé continuellement à travers la télévision et les radios est connu y compris des enfants qui l’entonnent souvent à la sortie des écoles. Ces scènes décrispent les mines des mamans qui reviennent du marché.
A Belcourt, un fou-rire s’installe au sein d’un groupe de jeunes filles, surprises par une musique qui jaillit du fond d’un local. Le siège du FNA ne passe pas inaperçu. Quatre portraits de Moussa Touati, souriant et drapé d’un burnous blanc, freinent les passants.
Les regards sont fixés sur les photos, mais les commentaires se font sur d’autres sujets. Ceux d’une vie quotidienne à laquelle est venu se greffer un évènement qui casse la routine…
A. C.



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