Chronique du jour : Ici mieux que là-bas
Trump et l’herbe qui ne repousse plus
Par Arezki Metref
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A
l’instar d’Attila, le roi des Huns, là où passe Donald Trump, l’actuel
Président des Etats-Unis, l’herbe trépasse ! Ipso facto ! Ou plutôt
comme le suggère, avec un humour chagrin, le caricaturiste d’origine
algérienne Khalil Bendib qui anime le site américain Other Words :
«Partout où il va, la démocratie ne repousse plus.» Herbe ? Démocratie ?
Peut-on voir en Donald Trump une sorte de réincarnation d’Attila des
temps atomiques, les temps de Mad Max ? A bien des égards, la réponse à
la question spéculative est oui. Un oui franc et massif même !
Heureusement qu’il ne semble pas s’adonner au footing, ça aurait fait
une victime supplémentaire : la belle pelouse de la Maison Blanche.
Avec sa décision insensée, mais qu’il faut reconnaître synchrone avec sa
promesse de campagne, de retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur
le climat, il empêche l’herbe de repousser, mais vraiment, et au premier
degré. Les conséquences, prévisibles, de cette lubie qui n'en est pas
une, en fait, sont de pénaliser la sauvegarde de l’environnement à
l’échelle planétaire menacé par le réchauffement climatique. Et il n’est
pas sûr, comme le font accroire Donald Trump et ses affidés, qu’elle
profite économiquement aux Etats-Unis. Les plus grands spécialistes
pensent, au contraire, que la sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris
sous la pression des lobbies des énergies fossiles, disqualifie à terme
les entreprises américaines sur le marché des énergies renouvelables qui
sont le marché du futur.
Le mouvement de protestation aux Etats-Unis contre cette décision de
Trump est motivé à la fois par des raisons politiques d’opposition
rédhibitoire à l’actuel Président, dont l’élection n’est jamais vraiment
passée dans une partie de l’opinion américaine, mais aussi par des
raisons écologiques et même économiques. Des villes entières se sont
désolidarisées de cette initiative solitaire. Al Gore, Arnold
Schwarzenegger et plusieurs personnalités s’y sont opposés. Elon Musk,
P-dg de deux grosses entreprises Tesla Motors et Space X, a même
démissionné de son poste de conseiller de Trump en signe de
protestation.
A supposer que l’herbe ait jamais poussé sous les derricks, elle ne
repoussera plus non plus au Qatar depuis que l’Arabie Saoudite et ses
alliés ont déclaré Doha capitale du soutien au terrorisme djihadiste. Au
passage, ici nous ne pleurerons pas le fait que l’infâme Al-Qaradawi
figure sur la liste des 59 individus classés terroristes. Tant va la
cruche à l’eau...
Qu’est-ce que ça a à voir avec notre Attila de Trump ? Peut-être rien en
apparence mais certainement un lien existe-t-il entre ce brutal
isolement diplomatique du Qatar et la récente visite de Donald Trump en
Arabie Saoudite. En quittant ce pays avec un chèque de 110 milliards de
dollars, il a empoché la rançon pour dédouaner la monarchie saoudienne
de tout soupçon d’aide au terrorisme. Et comme il faut tout de même
dégoter un coupable, ce sera le Qatar et, corrélativement, l’Iran.
D’ailleurs, Donald Trump revendique ouvertement dans un tweet être à
l’origine de la crise qui a conduit à l’ostracisation diplomatique du
Qatar par l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Yémen,
l’Egypte et les Maldives, pour financement du terrorisme : «Durant mon
récent voyage au Moyen-Orient, j’ai affirmé que le financement de
l’idéologie radicale devait cesser. Les dirigeants ont montré du doigt
le Qatar et regardez !»
Il semblerait que Trump, qui n’en est pas à une énormité près, n’ait pas
été au courant de l’existence sur le territoire qatari de l’une des plus
importantes bases militaires américaines stratégiques avec un effectif
de 10 000 hommes. Comme quoi, Attila…
Ces mesures radicales consistent en la suspension des vols aériens, la
fermeture des frontières terrestres et maritimes avec le Qatar, des
interdictions de survol aux compagnies aériennes qataries et des
restrictions aux déplacements des personnes.
Ce qui est cocasse, c’est que tout est parti d’un communiqué attribué à
l’émir du Qatar Tamim Ben Hamad al-Thani qui déclarait que Téhéran ne
devrait plus être perçu comme l’ennemi traditionnel, mais reconnu comme
un allié. Le sang sunnite salafiste n’a fait qu’un tour. Sidération. Au
même moment, Trump désignait le régime des mollahs et l’Etat islamique
comme le nouvel axe du Mal. La boucle est alors bouclée. Même si la
ficelle est grosse, elle passe sans mal, faisant oublier que l’Iran
combat Daesh. Mais une fois encore, depuis Bush, Washington est
coutumier du fait. On cherche les poux dans la tête de Baghdad en 2003
et on déglingue l’Irak. Et maintenant, c’est le tour de l’Iran ?
Le plus dramatiquement burlesque dans cette histoire, c’est que le
communiqué qui a tout déclenché serait un faux probablement fabriqué par
des hackers russes qui auraient piraté la Qatar News Agency (QNA),
l’agence de presse officielle du Qatar. Mais, plus hallucinant encore,
est la dévolution par le Qatar de l’enquête sur ce hacking au… FBI
américain.
L’herbe ne repousse plus non plus au FBI, à moins que ce ne soit à la
Maison Blanche, depuis l’audition par le Sénat de James Comey,
l’ex-patron du FBI limogé par Trump le 9 mai.
Le grand flic éconduit n’a pas fait, de l’avis des observateurs, de
déclarations proprement fracassantes, mais il a dressé de Donald Trump
un portrait passablement calamiteux. Outre le fait d’avoir traité le
Président des Etats-Unis de menteur à plusieurs reprises, il a estimé
que son limogeage avait été motivé par son refus de comprendre la
demande euphémique du locataire de la Maison Blanche de mettre fin à
l’enquête sur les liens de proches du Président avec la Russie. Rappel :
il s’agit en l’occurrence de l’enquête qu’a entreprise le FBI visant à
démontrer une éventuelle coordination entre l’équipe de campagne de
Donald Trump et les responsables des piratages informatiques dont a pâti
sa rivale Hilary Clinton, et qui sont imputés à la Russie par le
renseignement américain.
Donald Trump a encore devant lui quelques années pour désherber
totalement la planète. A moins que son zèle ne provoque, à un moment ou
à un autre, la procédure d’impeachment.
En attendant, ne faut-il pas méditer cette sagesse de l’humoriste
français Raymond Devos : «Un jardinier qui sabote une pelouse est un
assassin en herbe.»
A. M.
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