Corruptions : Fuite des capitaux, fraude et évasion fiscales en
Méditerranée
L’île de Malte, le nouveau «Panama Papers» ?
«Malte, le Panama de l’Europe ?» Treize médias
internationaux du réseau d’investigation European Investigative
Collaboration (EIC) ont publié, depuis le vendredi 19 mai, des
révélations sur les pratiques fiscales de Malte, île en plein cœur de la
Méditerranée, pas très loin des côtes algériennes. Malte préside l’Union
européenne pendant le 1er semestre de l’année 2017, et ce, jusqu’au 30
juin prochain.
Il y a eu les «Luxleaks», les «Panama Papers», les «Football Leaks»...
Il y a désormais les «Malta Files». Le but de cette enquête : mettre en
lumière les «coulisses de ce paradis fiscal méconnu» qui «prive les
autres pays de deux milliards d'euros de recettes fiscales par an»,
explique Mediapart. Les «Malta Files» sont constitués de deux ensembles
de documents : «Le premier, obtenu par l’hebdomadaire allemand Der
Spiegel, comprend des dizaines de milliers de documents internes (mails,
contrats, relevés de compte…) d’un cabinet fiduciaire maltais spécialisé
dans l’immatriculation et l’administration de sociétés. Le second,
obtenu par le site d’information roumain The Black Sea, est un tableau
Excel qui comporte l’ensemble des données du registre du commerce
maltais, soit 53 247 sociétés au 20 septembre 2016.» On y trouve des
noms de grands chefs d’entreprise, de multinationales (Bouygues, Total,
BASF, Ikea…), de banques ou encore de proches de chefs d’Etat. Comme
dans le cas des «Panama Papers», ces personnes ne sont pas forcément
dans l’illégalité. Un «montage» offshore vise bien souvent à optimiser
de manière légale une fiscalité en jouant sur les différences de règles
entre pays. On sait depuis longtemps que Malte est un paradis fiscal,
comme Jersey, Guernesey, Gibraltar, l'île de Man... Tous territoires
faisant partie de l'Europe. Un autre point commun : ils sont tous
membres du «Commonwealth», donc rattachés à la Grande-Bretagne, et
surtout à la «City», place financière londonienne, là où se gère
réellement tout cet argent.
4 300 yachts battent pavillon maltais
Pourquoi s’immatriculer à Malte ? L’île offre de nombreux avantages,
dont le «leasing maltais», qui consiste à faire acheter le bateau par
une société, qui le loue à une seconde avant de le revendre pour de bon
au propriétaire quelques années plus tard. A Malte, cette pratique
permet une grosse économie de TVA : un taux de 5,4% contre 10% avec le
même système de «leasing» en Italie ou en France par exemple. Ces
avantages font de l’île le second port de plaisance en Europe après le
Royaume-Uni, avec 4 300 yachts battant son pavillon. Plusieurs
propriétaires de navires interrogés par Mediapart ne cachent d’ailleurs
pas l’intérêt essentiellement fiscal de ces montages. Plus largement, à
l’instar du Luxembourg ou de Madère (île portugaise), Malte ressemble
fort à un paradis fiscal niché au cœur de l’Europe, et qui offre une
série d’avantages en matière de création de sociétés ou de domiciliation
d’actifs. Mediapart évoque, citant des enquêtes européennes, un manque à
gagner de plus de 2 milliards d’euros par an pour les fiscalités
européennes du fait de capitaux placés dans l’île afin d’en optimiser la
fiscalité. Ainsi, si le taux d’impôt sur les sociétés est théoriquement
de 35%, en réalité, une société maltaise détenue par des étrangers peut
se faire rembourser jusqu’à 85% de l’impôt sur les dividendes distribués
à ses actionnaires, ce qui aboutit à un taux réel d’imposition de 5%.
Ce système devrait être modifié d’ici à 2021, l’île consentant quelques
efforts en réponse aux pressions de ses partenaires européens.
Blanchiment d'argent et faits de corruption
Malte est d’ailleurs secoué depuis plusieurs semaines par un scandale
lié à de l’évasion fiscale : le premier ministre actuel, fragilisé par
des révélations sur le compte offshore de son épouse, a été contraint
début mai de convoquer des élections législatives anticipées pour
rasseoir sa légitimité. Selon l'hebdomadaire italien L'Espresso, Malte
est la nouvelle terre promise pour ceux qui fraudent le fisc. 8 000
entreprises de Malte contrôlées par des actionnaires italiens ! Malte
fait bien partie de l'Europe, mais demain on découvrira Chypre... Le
ministre des Finances du Land allemand de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a
qualifié Malte comme le «Panama de l'Europe». Il a eu lieu aussi accès
aux documents consultés par l'EIC. «Les données révèlent comment des
entreprises et des individus utilisent cette île de Méditerranée pour
échapper massivement à l’impôt. C’est fait en partie avec des astuces
légales, mais aussi fréquemment via des sociétés offshore dont le seul
objectif est de créer des montages d’évasion fiscale», a expliqué ce
dernier.
Y a-t-il des entreprises ou des personnalités algériennes impliquées
?
Malte a le taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) le plus bas
d’Europe. Une enquête du journal Malta Today (en anglais), qui a
participé à cette enquête, révèle que l'île méditerranéenne a remboursé
2 milliards d’euros d’impôts en 2015 aux sociétés détenues par des
étrangers. Cette petite île européenne pratique l'optimisation et
l'évasion fiscales, mais aussi du blanchiment d'argent et des faits de
corruption.
Y a-t-il des entreprises ou des personnalités algériennes concernées par
cette enquête et impliquées dans ces pratiques de fraude et d’évasion
fiscales ? A ce jour, rien n’a encore filtré de l’exploitation de ces
dizaines de milliers de documents. Mais si dans «Panama Papers» — le
Panama est en Amérique centrale —, des Algériens, et pas n’importe
lesquels, ont été cités, preuves à l’appui, il est plus que probable
qu’il y en ait dans ce nouveau scandale apparu dans un pays pas du tout
très loin, presque voisin, d’autant plus que des relations étroites
existent entre Malte et l’Algérie. Il était même question, dès 2009, de
signer un accord de non double imposition entre les deux pays. Affaire à
suivre.
Synthèse médias par
Djilali Hadjadj
Un paradis fiscal méconnu
Paradis fiscal méconnu qui préside jusqu’en juin l’Union européenne, la
petite île de Malte (430 000 habitants) prive les autres pays de 2
milliards d’euros de recettes fiscales par an.
Il y a eu la Suisse, le Panama, l'Irlande et le Luxembourg. C’est
désormais au tour de Malte de voir ses pratiques fiscales déloyales
exposées au grand jour.
La petite île méditerranéenne a l’honneur d’assurer, jusqu’au 30 juin,
la présidence tournante de l’Union européenne pour la première fois de
son histoire. Si le registre du commerce maltais est public, il reste
néanmoins peu transparent, puisqu’il est impossible d’y faire des
recherches par nom. Grâce au tableur des «Malta Files», les journalistes
de l’EIC ont pu décortiquer la liste des 77 818 personnes et entreprises
qui sont directrices ou actionnaires de sociétés maltaises. Sans compter
ceux qui se cachent derrière des prête-noms. On y trouve de grands chefs
d’entreprise, des multinationales (Bouygues, Total, BASF, Ikea…), des
banques (Reyl, JP Morgan), un acteur célèbre, les fondateurs d’une
grande maison de luxe, la famille d’un important chef d’état étranger,
des mafieux en quête de discrétion, la fille du président angolais
Isabella dos Santos, ou encore la sulfureuse compagnie pétrolière d’Etat
de l’Azerbaïdjan.
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