Actualités : RÉUNION ENTRE FAÏEZ ESSERRADJ ET HAFTAR À PARIS
Les dessous d’un sommet
Chaque jour qui passe le démontre davantage : les
Français sont visiblement décidés à peser de tout leur poids sur la
région du Sahel en s’imposant comme des acteurs incontournables pour la
résolution des conflits en cours.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Faïez Esseradj était attendu à Alger
ces temps-ci, mais sa visite semble avoir été reportée aux calendes
grecques ou peut-être purement annulée. Le chef du Gouvernement d’union
nationale (GNA) de Libye est attendu aujourd’hui à Paris pour une
réunion de la plus haute importance.
Il est appelé à y rencontrer son principal rival, le redoutable général
Haftar, maître des territoires Est-libyens et clé de toute avancée
positive dans le conflit qui mine son pays. Cette rencontre se tiendra
tout naturellement sous la présidence d’Emmanuel Macron.
L’Elysée a fait de cette échéance un évènement, car la France, fait
savoir un communiqué officiel, «entend par cette initiative faciliter
une entente politique entre le président du Conseil libyen et le
commandant de l’armée nationale libyenne au moment où le nouveau
représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies pour la
Libye prend ses fonctions de médiateur de l’ONU».
La même source annonce que Ghassan Salamé prendra part aux échanges qui
se dérouleront en région parisienne et soutient que l’initiative
s’effectue en «concertation avec tous les partenaires de la France et
que cette dernière entend marquer son appui aux efforts pour construire
un compromis politique sous l’égide des Nations-Unies qui réunisse
l’ensemble des acteurs libyens (…) pour la présidence française l’enjeu
est de bâtir un Etat capable de répondre aux besoins fondamentaux des
Libyens et doté d’une armée régulière unifiée sous l’autorité du pouvoir
civil».
Le communiqué de l’Elysée présente également l’entreprise comme une
«nécessité pour le contrôle du territoire libyen et ses frontières pour
lutter contre le groupes terroristes et les trafics d’armes et de
migrants (…)».
L’Algérie, engagée depuis une longue période dans un processus
d’accompagnement pour la résolution du dossier libyen, n’a naturellement
pas été conviée à cette rencontre.
Comme pour le cas du Mali, les autorités françaises ont décidé de se
limiter à des entretiens téléphoniques dont la teneur a été en partie
portée à la connaissance publique par le biais d’un communiqué du
ministère algérien des Affaires étrangères.
Le ministre, fait savoir celui-ci, a eu jeudi un entretien téléphonique
avec son homologue français. «Les deux ministres ont eu un échange
approfondi sur la situation en Libye à la lumière des développements
intervenus sur le terrain et des initiatives lancées pour accompagner
les autorités de ce pays dans leurs efforts de sortie de crise.»
Dans le cercle des connaisseurs du dossier, l’affaire fait jaser. Les
communiqués rendus publics tant par la partie française qu’algérienne
sont perçus comme de simples formalités indispensables vis-à-vis des
opinions concernées.
La rencontre entre Esserradj et Haftar apparaît comme la résultante de
toutes une activité secrète menée depuis un certain temps. Le fait même
que le général Haftar ait accepté de se réunir avec son rival du GNA en
est une preuve suffisante.
Ce dernier s’est en effet toujours montré hostile à toute initiative de
ce genre, mais pour des raisons qui paraissent aujourd’hui évidentes.
«Des calendriers étrangers n’ont jamais permis la concrétisation de
cette phase importante dans la résolution du conflit libyen», confient
des sources bien au fait de la situation.
«La libye est un pays qui attise beaucoup de convoitises, les
calendriers étrangers sont légion là-bas chacun y cherche son intérêt,
l’intérêt de son pays (…) souvenez-vous du fameux sommet tripartite qui
devait se dérouler il y a quelques mois entre l’Algérie, la Tunisie et
l’Égypte. Il n’a pas pu se tenir pour des raisons qui deviennent de plus
en plus évidentes.
Certains pays voisins ont œuvré pour que l’initiative soit ôtée ou plus
exactement transférée ailleurs, l’interférence est très ressentie, très
palpable. Interrogez-vous sur les appuis qu’a eus par exemple l’Égypte
pour mener ses raids en territoires libyens ? Le rôle joué par le
général Haftar est indéniable, reconnu par tous.
En politique, c’est autant d’éléments qu’il faut assembler pour cerner
les enjeux qui se déroulent. Et ce sont ces mêmes éléments qui ont fait
échouer certaines rencontres à Alger. Souvenez-vous enfin des
manipulations qui ont eu lieu à la suite de la visite effectuée par le
MAE algérien dans de nombreuses régions libyennes, il y a quelques mois.
Des voix anonymes attribuées au Parlement de Tobrouk affilié à Haftar
ont crié au scandale et accusé les Algériens de se comporter en
territoire conquis. Mais, en réalité, l’Algérie, qui a œuvré et
continuera à le faire pour la réconciliation des frères libyens, a
intérêt à ce que le rapprochement entre les deux parties rivales
libyennes se fasse.»
A. C.
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