Chronique du jour : HALTES ESTIVALES
Avons-nous échappé à l’oligarchie ?
Par Maâmar Farah
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Comme
chaque été, je republie un certain nombre de vieilles chroniques. Le
sujet que j’ai choisi est l’oligarchie. Je pense que nous sommes à un
tournant car le danger d’une prise du pouvoir total par cette oligarchie
était bien réel. Une poignée d’affairistes, ayant pris un poids démesuré
au sein des plus hautes institutions, était sur le point de tout
contrôler pour faire passer l’Algérie à un nouveau stade du
néolibéralisme. La mainmise de cette oligarchie sur différents pans de
la vie politique, économique, sociale et culturelle allait se poursuivre
et s’approfondir avec la puissance des médias audiovisuels et de la
presse écrite qu’elle contrôlera, créant une nouvelle pensée unique dont
le moteur sera l’argent. La dictature militaire ou bureaucratique n’est
pas mieux mais elle permet toutefois d’espérer qu’il sera possible
d’instaurer une véritable démocratie.Car le danger, avec l’oligarchie,
c’est de vous faire croire que son système est celui de la démocratie.
Voir d’autres pays, parmi les plus grands, pour s’en convaincre. Je sors
ces vieilles chroniques pour illustrer mon propos d’aujourd’hui car il y
a longtemps que j’aborde cette question mais j’ai préféré vous donner à
relire les écrits les plus récents.
1- (...) En Algérie, nous subissons de plein fouet une crise qui n’est
pas due à la baisse du prix du pétrole, mais au manque de courage
politique qui a empêché l’Etat de jouer son rôle dans la lutte contre
l’importation destructrice et l’informel et qui l’a détourné de ses
objectifs sacrés, à savoir continuer à agir pour l’investissement public
afin de stopper une désertification industrielle dont on peut mesurer
aujourd’hui les conséquences néfastes.
J’ai écrit un jour que le fameux partenariat «privé-public» n’était
qu’une manière détournée de céder ce qui reste du tissu industriel aux
copains politiques à qui on devrait plutôt recommander d’investir au
lieu de «zyeuter» le patrimoine foncier qui sera tout de suite détourné
de sa fonction industrielle pour servir d’assiette aux projets
immobiliers lucratifs !
Cette oligarchie veut tout et tout de suite. Elle profite d’une crise
dont elle est, en partie, responsable, pour imposer des solutions
ultralibérales qui vont mener le pays à plus de problèmes économiques et
sociaux.
Dieu merci, les Algériens peuvent enfin mesurer les méfaits de cette
politique que «nous aurions dû» appliquer en 1962 en suivant les
conseils des libéraux de l’époque ! Jusqu’en 2016, les «restes» du
socialisme ont permis à des millions d’Algériens d’aller gratuitement à
l’école et à l’hôpital, de payer moins cher les produits essentiels,
etc.
L’oligarchie vient d’imposer, en partie, ses solutions : les Algériens
pourront faire des comparaisons puisqu’ils s’apprêtent à vivre sous le
règne des «réformes» libérales et de leurs retombées néfastes sur leur
qualité de vie, leur santé, leur travail, leurs retraites et leurs
perspectives d’avenir.
Le libéralisme outrancier n’était pas et ne sera jamais une bonne voie
pour l’Algérie. Rejeté par la Révolution, il a été combattu par les
élites de l’indépendance et toute une génération forgée dans l’esprit du
sacrifice et du patriotisme.
8 décembre 2016
2- Souvent, à la lecture de ces chroniques que je rédige parfois comme
un tribun au militantisme bien accroché mais un peu désuet, de nombreux
lecteurs m'écrivent pour me dire leur peine de me voir m'essouffler pour
rien. «Qui va vous
écouter ? Vous perdez votre
temps !» Alors, quand j'entends des responsables, silencieux comme des
carpes jusque-là, s'interloquer soudainement devant le gâchis
inqualifiable de l'importation et parler de «pays-poubelle» qui
accueille les déchets de toute la planète, je me surprends à titiller
mon ego, en me disant : «Mais je le dis sans cesse depuis le début des
années 1990...» ! En fait, je n'ai aucun mérite. Ce que j'écris me
semble couler de source. Je n'ai jamais écrit pour répondre aux modes du
moment, ni au souci hypocrite d'«objectivité» et de «neutralité» qui
vous met sous la coupe des pensées imposées par l'ordre impérialiste
mondial. Car leur fameuse objectivité voit toujours du même côté.
En se détournant des options progressistes qui sont l'essence même de sa
révolution, l'Algérie a dévié de sa trajectoire. Elle n'avait pas dévié
de sa trajectoire idéologique du temps de Boumediène ou de Ben Bella.
Avec eux, c'était un autre problème, celui de la légitimité posée par
certains, mais l'option socialiste que tous les deux ont défendue et
tenté d'appliquer n'était pas une lubie personnelle ou pure folie. Car
la question fondamentale est là : la Révolution algérienne, dès son
déclenchement, voulait répondre à l'attente des paysans pauvres et sans
terre, donner de l'emploi à ceux qui n'en ont pas, édifier un Etat fort
et juste, unir le front anti-impérialiste en Afrique, nouer des
relations fortes avec les pays progressistes.
Il n'a jamais été question de créer un Etat bourgeois qui ouvrira les
portes aux exploiteurs et perpétuera le système injuste de la
colonisation sous le drapeau de l'indépendance.
… Cette «Algérie-poubelle» qui n'en peut plus de recevoir bateau après
bateau, chargés de miel saoudien, de biscuits turcs, de jus du Golfe, de
figues de Barbarie en barquettes et de 50 000 produits dont la majorité
est constituée de camelotes qu'aucun pays n'accepterait. D'ailleurs, si
vous faites un tour dans n'importe quelle supérette, vous allez voir un
tas d'ordures sucrées entassées les unes sur les autres qu'on vous
propose à des prix cassés. Ils appellent ça «Promotion» ! Voilà nos
devises, notre argent collectif, l'argent du pétrole. Et encore, ils
sont bien gentils de montrer quelques restes car vendre ou ne pas vendre
n'est pas leur problème.
Dans tout pays qui se respecte, importer répond à des besoins précis.
Dans n'importe quel pays, le gouvernement veille à économiser l'argent
public pour le mettre au service de l'économie et du bien-être du
peuple. Notre argent est siphonné par des importateurs véreux,
véritables barons devenus trop puissants pour être stoppés dans leurs
trafics transfrontaliers. Et ici, je fais une halte pour ne pas
incriminer les professionnels de l'importation qui travaillent selon des
normes universelles et permettent aux ménages de disposer de tous les
produits indispensables à la vie quotidienne, et au bon prix. Je parle
de ces monstres qui amassent des fortunes grâce à la surfacturation.
Vendre leurs produits est le dernier de leurs soucis. Qui achèterait
d'ailleurs les pierres qu'ils ont ramenées par conteneurs ? Et on aurait
pu les comprendre tant est humaine l'avidité du gain mais le plus grave
est qu'ils n'ont pas pensé à investir dans l'industrie renaissante, ni à
aider ce pays qui en a fait des nababs. Non ! Ils sont nés pour tuer
l'économie nationale. Avec l'argent qu'ils gagnent, ils alimentent le
circuit du change parallèle. Sans leur argent recyclé au noir, le dinar
algérien se porterait beaucoup mieux.
J'ai compris que le gouvernement, coincé par la crise, a voulu
économiser ses devises, comme le ferait n'importe quel gouvernement. Et
j'ai écouté avec beaucoup d'attention le brave Tebboune, un patriote qui
a fait preuve d'une compétence avérée dans la gestion de l'immobilier
national. Chargé du ministère du Commerce, il a sorti son épée pour
faire la guerre aux lobbies de l'importation. J'étais heureux. J'allais
écrire à tous ceux qui me disaient : «La caravane passe, aboie, mon cher
Maâmar !» pour leur faire comprendre que l'on est toujours incompris
quand on évoque les choses avant les autres... Et puis, le fameux trou
noir reprend vie ! M. Tebboune disparaît des écrans radar et la maffia
de l'import remporte la victoire par KO.
Pourtant, nous sommes liés à la parole donnée aux martyrs, nous sommes
les enfants d'une révolution qui n'a pas été menée pour remplacer les
anciens colons par une espèce de mutants analphabètes, grossiers, surgis
de la planète trabendiste des années 1980 et 1990, des exploiteurs
encore pires que les anciens colons. L'Algérie est la fille d'une
révolution progressiste, anti-impérialiste. Et puisque l'on vient de
célébrer la date de l'assassinat du martyr Ben M'hidi, permettez-moi de
vous rappeler ce qu'il attendait de nous. Avons-nous trahi ? Avons-nous
respecté la parole donnée ? A vous de conclure :
«Le peuple algérien reprend une autre fois les armes pour chasser
l'occupant impérialiste, pour se donner comme forme de gouvernement une
république démocratique et sociale, pour un système socialiste
comportant notamment des réformes agraires profondes et
révolutionnaires, pour une vie morale et matérielle décente... Le peuple
algérien est fermement décidé, compte tenu de ses déboires et de ses
expériences passées, à se débarrasser à jamais de tout culte de la
personnalité et le messalisme en est une des formes les plus primitives,
les plus réactionnaires, les plus dégradantes...»
(Fin de citation).
30 mars 2017
M. F.
P. S. 1 : le tribunal administratif des sports a clairement débouté les
fédérations qui ont remis en cause les élections du Comité olympique
algérien. Nous espérons que tout le monde agira en conséquence et fera
preuve de responsabilité en respectant les décisions de cette instance.
Et nous espérons que le ministère des Sports cessera son jeu trouble et
acceptera, lui aussi, ce jugement sans appel !
P. S. 2 : désolé, mais il faut le dire. La diplomatie algérienne n’est
pas seulement en panne. Elle est hors-jeu et c’est le supposé «ami» de
l’Algérie qui la torpille. Après avoir réuni les pays du Sahel sans
l’Algérie alors que la question de la sécurité dans cette zone la
concerne en premier, Macron appelle les deux chefs de la Libye chez lui
et leur arrache un accord de cessez-le-feu. Cela fait des années que
notre diplomatie nous promet cette réunion mais le constat est amer :
parole, parole… Enfin, et après tout le mal fait à l’Algérie par
l’Arabie Saoudite et le Qatar, il est curieux de voir notre pays
observer un silence étrange au moment où les langues se délient et que
les commanditaires des crimes sont reconnus. Nous avons été les premiers
touchés, les premiers à souffrir de ce duo de la terreur, de leur
argent, de leurs centres d’entraînement, de leur propagande télévisée…
Nous avons le droit de leur dire les quatre vérités. Ils sont démasqués
! Là aussi, silence radio mais parole, parole chez l’inutile Ligue des
(traîtres) arabes !
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