
Actualités : Il y a 12 ans disparaissait El Hachemi Cherif
L’homme de la double rupture
«La démocratie veuve», écrivait-on en haut de ces
mêmes colonnes au lendemain de la disparition du secrétaire général du
MDS, un certain 2 août 2005. L’homme clamait pourtant, en toute
circonstance, son inamovible dogme de double rupture avec l’islamisme
politique et le système rentier et bureaucratique.
Un leitmotiv qu’il assumera jusqu’à son dernier souffle et que les moins
avertis pourfendront soit par intéressement, otages qu’ils furent entre
les mors hybrides d’un même étau, soit par ignorance.
Le temps et le cours de l’Histoire vont néanmoins lui donner raison à
travers les mutations et développements survenus aussi bien au niveau
national que dans le monde, un peu plus d’une décennie après sa mort.
C’est que les bouleversements révélés, depuis, ont donné une
signification plus accrue aux périls charriés par l’islamisme politique
et la ploutocratie corruptrice et corrompue.
El Hachemi Cherif, qui était à l’écoute des moindres frémissements de la
société, n’avait pas cessé, lui, de croire au sursaut inéluctable de
cette dernière et vouera toute son existence au combat pour la liberté
et la modernité en refusant toute compromission y compris avec les
segments de la mouvance démocratique qu’il préféra alerter ou critiquer
fraternellement.
Son intransigeance sur la question précise d’accommodement aux processus
politiques qui associeraient les courants obscurantistes et le système
rentier et corrompu, il la doit à sa grande clairvoyance et à la
pertinence de ses analyses dans les moments critiques ou d’incertitudes
qui ont jalonné l’histoire récente du pays.
Intellectuel de premier plan doublé d’un homme d’une grande probité, El
Hachemi Cherif scella son alliance avec le patriotisme désintéressé dès
la puberté, abandonnant ses études à l’âge de 17 ans pour rallier la
cause de la libération nationale. Il participa activement à la grève
estudiantine de 1956 et dut rejoindre les maquis de la wilaya IV en
1960, pour échapper à l’arrestation par l’armée coloniale.
A l’indépendance, il est nommé sous-préfet de Palestro qu’il baptisera
lui-même du nom du commandant Si Lakhdar. Opposant au coup d’Etat du 19
juin 1965, il s’engagea dans l’Organisation de la résistance populaire,
ORP, authentique vivier qui donnera naissance plus tard au PAGS (Parti
de l’avant-garde socialiste). El Hachemi Cherif dirigera aussi la
puissante fédération des travailleurs de l’éducation et de la culture,
la FTEC, qui sera démantelée, mais jouera néanmoins un rôle important
dans les luttes qui ont succédé aux évènements d’octobre 1988 à travers
le comité national contre la torture, le Rassemblement des artistes,
intellectuels et scientifiques (RAIS) et le mouvement des journalistes
algériens (MJA).
Du Pags au MDS, en passant par Ettahadi, il sera, dans les années 1990,
l’un des précurseurs les plus en vue de lutte citoyenne contre le
terrorisme islamiste et insufflera, de par sa témérité, aux premiers
comités d’autodéfense ainsi qu’à la CCDR une adhésion populaire
inespérée dans le contexte de l’époque. «A tout point de vue, on lui
doit sûrement cette capacité de sortir des sentiers battus de la
politique, se refusant de dissocier les causes de l’effondrement de la
société et du pourrissement de l’Etat lui-même, il apportera des
réponses innovantes et indiquera d’autres pistes que celles que recycle
le système afin de retarder l’échéance historique.
C’était ce à quoi il s’est consacré, laissant, après son départ, des
outils doctrinaux bien fourbis mais aussi un vague sentiment
d’inachèvement. Il s’était tu au milieu d’un cours magistral», écrivait
à son sujet le chroniqueur Boubakeur Hamidechi.
K. G.
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