Contribution : EL DJAZAIR, Récit d’un roman national
L’Algérie, une terre millénaire
(1re partie)
Par Ammar Koroghli
L’Algérie est une terre millénaire : des royaumes numides aux invasions
romaine, vandale et byzantine. Suite à l’islamisation de la terre
algérienne, elle connaît — ainsi d’ailleurs que le Maroc et la Tunisie —
les dynasties des Rostémides, Zirides, Hammadides, Zianides, voire
Almoravides et Almohades. Territorialement, l’Algérie contemporaine se
constitue avec la Régence d’Alger et se perpétue par un Etat-nation
après la colonisation française. Dans cette contribution qui se décline
en trois parties, j’évoquerai donc le passé de notre Djazaïr ; plus
tard, je reviendrai sur El Djazaïr post-indépendance.
Selon les chercheurs, le territoire d’El Djazaïr n’a cessé d’être habité
pour une période qui oscille entre 500 000 ans et un million d'années.
Des découvertes témoignent de la présence de l’Homo erectus,
«contemporain des derniers australopithèques». La présence humaine,
datée de 30 000 ans, est attestée par du «matériel lithique» (de pierre)
retrouvé sur les gisements côtiers de Mostaganem et Ténès. Il semble
également que le paysage était proche de celui de l’Europe (forêt et
cours d’eau coulant jusqu’aux confins du Sahara) ; on y trouvait
éléphants, rhinocéros, hippopotames, lions, girafes, autruches et
antilopes. Dans l’Atlas saharien (Hoggar et plateau du Tassili), on
décèle des gravures rupestres de l’homme néolithique d’une richesse
artistique reconnue et… délaissée. La fin du néolithique au Maghreb est
notamment caractérisée par l’assèchement du climat. Il semble admis que
l’actuelle El Djazaïr soit sortie de la Préhistoire vers les XIIe et XIe
siècles avant J.-C., lorsque les Phéniciens, navigateurs et commerçants
émérites, y débarquèrent.
Deux sites algériens (l’un situé à Aïn El Ahnech près de Sétif et
l’autre à Tighennif près de Mascara) attestent de la présence
d’hominidés. L’archéologie confirme ainsi l’existence d’ancêtres sur
plusieurs milliers d’années. L'Homme de Tighennif est considéré comme le
plus ancien représentant connu du peuplement du Maghreb avec l’Atérien
(de Bir El Ater, wilaya de Tébessa) où les fouilles archéologiques ont
permis de révéler des armes très raffinées servant probablement à la
chasse.
Et avec la révolution néolithique sont apparues les sociétés qui se sont
sédentarisées pour produire leur nourriture au moyen de l'agriculture et
de l’élevage. Il semble que les Capsiens (de Capsa, l’actuelle Gafsa),
ancêtres des Numides berbères, sont apparus dans le sud constantinois ;
ils s'installaient sur des sites à proximité d'un oued ou près des
montagnes. Ils migrèrent aux alentours de 3 000 avant J.-C. au sud de
l'Atlas tellien pour se retrouver au-delà de la ville actuelle de Batna,
jusqu’à Tamanghasset (Tamanrasset) où ils laissèrent derrière eux les
peintures rupestres (celles du Tassili n'Ajjer étant les plus réputées).
Ce sont autant de musées à ciel ouvert qui durent depuis plusieurs
millénaires et soumis, hélas, à la dégradation du temps.
Il est admis par les historiens que la langue capsienne représente
l'ancêtre des langues berbères au Maghreb (tamazight). Les Grecs les
appelaient «Libyens» et leur terre «Libye». Il y eût au Sud les Gétules
(peuples berbères d’Afrique du Nord décrits comme des nomades et des
cavaliers chevronnés) et au nord, les comptoirs phéniciens (peuple
originaire des cités de Phénicie, région correspondant au Liban),
ensuite les Garamantes (Berbères libyens mentionnés par Hérodote) et
finalement les Numides (ancien royaume du Maghreb central qui avait pour
capitale Cirta, l'actuelle Constantine). El Djazaïr, conquise par Rome,
fut transformée en province romaine ; christianisés, les Berbères
résistèrent à Rome, ensuite aux Vandales et à Byzance. Tour à tour, ils
ont été désignés sous les noms de Libyens, Maures, Gétules, Garamantes,
Numides... Géographiquement, ils étaient établis sur des territoires
s’étendant des Iles Canaries à l’Egypte. Parmi les noms illustres des
Berbères figurent les empereurs Septime Sévère (par son père, il descend
d'une famille d'origine libyco-punique, de culture punique et ayant
obtenu la citoyenneté romaine depuis le Ier siècle) et Caracalla
(d'origine punique également et berbère par son père Septime Sévère et
syrienne par sa mère). D’autres noms non moins prestigieux : les rois
numides Massinissa et Jugurtha, mais aussi Juba I et Juba II. Il y eût
également Dihya — une reine guerrière berbère zénète des Aurès — et Tin
Hinan qui, selon la tradition touarègue, est une princesse originaire de
la tribu berbère du Tafilalet marocain qui s’est installée dans le
Hoggar algérien. Outre les auteurs Apulée et Augustin, on peut de même
citer Youcef Ibn Tachfine (berbère sanhadjien d’Adrar, semble-t-il),
Tarek Ibn Ziyad (avec d'autres Berbères, il fut l’un des principaux
acteurs de la conquête islamique de la péninsule Ibérique), Ibn Battouta
(explorateur et voyageur musulman marocain d'origine berbère qui a
parcouru près de 120 000 km)… La Numidie est sans doute le royaume
berbère le plus connu. Selon Ibn Khaldoun, le terme amazigh désignerait
le patriarche du peuple berbère.
Des Berbères
Historiquement, la question de l’origine des Berbères s’est posée depuis
longtemps. Ainsi, selon Hérodote, les Libyens (vocable utilisé alors
comme terme générique pour désigner les Nord-Africains) prétendaient
descendre des Troyens. S’interrogeant sur les origines des Berbères,
Salluste consulte les ouvrages en langue punique.
Diodore de Sicile présente les Berbères comme «arrivés à un assez haut
degré de puissance et de civilisation». Le Moyen Âge, à l’appui de
récits bibliques et de références historiques étudiées notamment par Ibn
Khaldoun, place les Berbères comme ayant une origine chamitique. Ce
terme ancien désignait un sous-groupe d’origine caucasienne regroupant,
outre des populations sémites, des populations originaires d'Afrique du
Nord, de la Corne de l'Afrique, de l'Arabie du Sud, voire d’anciens
Égyptiens parlant des langues afro-asiatiques autres que les langues
sémitiques. Aux XIXe et XXe siècles, plusieurs auteurs leur attribuèrent
une origine européenne et nordique.
Il semblerait que, d’études génétiques, anthropologiques et
linguistiques et d’études comparatives entre la langue berbère et
d’autres langues, des historiens (tel Charles-André Julien) veulent
montrer que les Nord-Africains actuels (arabophones comme
berbérophones) descendent essentiellement des Berbères. Toujours est-il
que, pour qualifier à la fois l’ethnie et la langue du Maghreb, le
vocable «berbère» fut le plus utilisé (à l’origine «barbaros» utilisé
par les Grecs, puis par les Romains qui jugeaient «barabares» tous
éléments étrangers à leurs cultures. Ibn Khaldoun l’utilse aussi dans
son ouvrage : Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de
l’Afrique septentrionale. Anthropologiquement, au paléolithique, vivait
l'homme de Tafoghalt de type «cromagnoïde». Des tests génétiques sur les
squelettes de Tafoghalt semblent avoir confirmé l'origine
ouest-eurasienne des Berbères (au sens géographique, l'Eurasie est formé
de l'Europe à l'ouest et de l'Asie à l'est). Il appert également qu’au
néolithique, le Capsien de type «méditerranoïde» venant de l'est de la
Tunisie s’y adjoint, la culture capsienne étant décrite comme
«proto-berbère».
Les linguistes pensent que les langues berbères (la langue amazighe)
appartiennent à la famille des langues chamito-sémitiques («langues
sémitiques, amharique, copte, langues tchadiques»…). En tout état de
cause, Ibn Khaldoun fait remonter l'origine des Berbères à Mazigh, fils
de Canaan. Les Berbères descendraient ainsi de Canaan, fils de Cham.
Dans son ouvrage intitulé l'«Histoire des Berbères», il cite les travaux
déjà faits sur la généalogie ancienne en désignant deux grandes familles
: Madghis (Medghassen) et Barnis. Les Berbères, formés de plusieurs
alliances entre les Gétules, les Garamantes, les Libyens…, ont noué des
relations culturelles avec les Phéniciens. De ces échanges est née la
brillante civilisation carthaginoise durant laquelle plusieurs villes
portuaires furent érigées (dont Carthage), mais également avec l'Afrique
noire, l'Égypte ancienne, la Grèce antique, l'Empire romain. Par la
suite, il y eut la première guerre punique ; Massinissa mit en place le
premier Etat : la Numidie. Durant l'ère pré-romaine, plusieurs Etats
indépendants se succédèrent : Massaesyles, Massyles, Maures (Berbères
nomades)… Le roi Massinissa unifia la Numidie et fonda la capitale
Cirta. Au cours de la deuxième guerre punique, les Massaesyles
(commandés par Syphax) s’allièrent à Carthage alors que les Massyles
(commandés par Massinissa) se rallièrent à Rome. La guerre finie, les
Romains attribuèrent la Numidie à Massinissa. A la mort de ce dernier,
Scipion Emilien (général et homme d’Etat romain) partagea la Numidie
entre les trois fils du roi. Rome obligea Micipsa, dernier fils de
Massinissa, à répartir sa part entre ses deux fils et Jugurtha, fils
naturel de son frère. Dans sa quête d’unification du royaume, ce dernier
fit assassiner ses cousins et se rebella contre Rome à qui il infligea
de sévères défaites. Mais il fut livré à Rome par Bocchus, son beau-père
et jusque-là allié. La Numidie fut partagée : sa partie occidentale fut
attribuée à celui-ci (il devint ainsi roi de Maurétanie), le reste fut
laissé à un roi vassal de Rome. Plus tard, les Romains parvinrent à
devenir maîtres de la totalité du Maghreb qui fut divisé en provinces.
La Numidie
Au IIIe siècle, l’Afrique du Nord était divisée en trois royaumes
berbères : celui des Maures (royaume de Maurétanie), au centre celui des
Masaesyles avec à sa tête le roi Syphax et près de Carthage, le royaume
des Massyles. Les Masaesyles et les Massyles s'opposaient. Massinissa,
chef des Massyles, parvint à unifier la Numidie, à défendre
l'indépendance de son royaume et à acquérir une prospérité économique
(notamment développement de l'agriculture et de l'élevage). Une monnaie
fut frappée à son effigie. D’un point de vue de l’organisation
politique, chaque province avait un gouverneur et à la tête de chaque
tribu un «Amokrane» (un chef). Parmi ses conseillers figurèrent ses
trois fils : Gulussa (chargé de l’armée), Mastanabal (chargé du trésor
royal) et Micipsa (auquel furent déléguées certaines affaires). A sa
mort, s’ensuivit une difficulté de succession (déjà le problème de
succession se posait à El Djazaïr) ; la Numidie connut alors des
troubles politiques.
Ce fut Micipsa, qui lui succéda ; il envoya Jugurtha (petit-fils de
Massinissa) en Ibérie à seule fin de l'éloigner du pouvoir et nomma
Gulussa vice-roi et ministre de la Guerre. Toutefois, ses deux fils
Adherbal et Hiempsal achevèrent l’œuvre d'unification de Massinissa en
scindant la Numidie en Numidie orientale et occidentale. S’ensuivit
ensuite une guerre entre Rome et la Numidie lorsque Jugurtha y revint
pour s’emparer du pouvoir en exécutant Hiempsal et en expulsant Adherbal
afin de réunifier de nouveau la Numidie.
Non satisfaite de cette politique, Rome se mit en devoir de chercher
querelle à Jugurtha. Conscient de l'étendue de la corruption qui
prévalait chez les officiels romains, il semble qu’il se soit résolu à
corrompre une partie de la classe politique romaine pour avoir la paix.
Rome reconnut diplomatiquement la Numidie occidentale, mais imposa
Adherbal sur le trône en Numidie orientale. Jugurtha, n’arrivant pas à
s’y résoudre, finit par envahir cette partie de la Numidie afin de la
réunir de nouveau. L’exécution par celui-ci de plusieurs hommes
d'affaires romains opérant en Numidie orientale exacerba Rome. Derechef,
Jugurtha parvint à corrompre ses responsables politiques. Malgré la
conclusion d’un traité de paix, les légions romaines envahirent la
Numidie. Jugurtha parvint à résister durant des années, combinant
manœuvres militaires face aux Romains et politiques avec le roi Bocchus
Ier de Maurétanie qui finit par trahir Jugurtha (capturé lors d’un
guet-apens et exécuté). Dès lors, la partie occidentale de la Numidie
fut attribuée à Bocchus, roi de Maurétanie. Les populations se
rebellèrent de nombreuses fois (notamment les Zénètes).
Par ailleurs, autour de Tlemcen, des populations composant les royaumes
Gétules auraient agi de même. On évoque le cas de Tacfarinas qui parvint
à soulever celles-ci ; il mourut à Pomaria (l’actuelle ville de
Tlemcen). La Numidie constitua alors une province de fait.
Elle fut néanmoins, sous Septime Sévère, détachée de la province
d'Afrique pour constituer une province à part entière ; sous Dioclétien,
elle fut une simple province, puis brièvement divisée en deux : «Numidie
militaire et Numidie cirtéenne». Il semblerait que de nombreuses tribus
berbères se convertirent au judaïsme. Le christianisme put ensuite se
développer. Il y eut une révolte à la fois religieuse et politique. Le
donatisme — du nom de l'évêque Donatus — s'étant développé dans
l’actuelle El Djazaïr (notamment dans les Aurès) qui déserta peu à peu
le champ religieux pour devenir une opposition politique à Rome.
Ce, car les donatistes rejetaient la politique religieuse de Constantin
Ier, le premier empereur romain chrétien ; ils réclamaient ni plus ni
moins que la séparation de l'État et de la religion. La répression ne se
fit pas attendre. De l'idéologie donatiste naquit une secte dite des
«circoncellions» : («ceux qui encerclent les fermes»). Ces
circoncellions, ouvriers agricoles, devinrent des radicaux. Ils
considéraient le martyre comme l’ultime vertu chrétienne. Ils voulaient
mourir au combat en refusant de porter des armes en fer. Il semble que
lorsqu'ils n'étaient pas tués, ils se suicidaient en sautant du haut
d'une falaise… Ce mouvement autant religieux que social finit par
disparaître vers le IVe siècle.
Vers 395, l'Empire romain finit par réduire son contrôle sur l’actuelle
Afrique du Nord compte tenu des sérieux problèmes internes qui le
minaient. Toutefois, ce n’est que vers l’an 430 que Rome se retira de
cette région sous la pression des Vandales et des Alains (autre peuple
indo-européen). Vers la même époque, saint Augustin (considéré comme le
symbole de l'intégration de la population berbère au sein de l'Empire
romain) trouva la mort durant le siège d'Annaba par les Vandales. Sous
le règne de Gabaon, les Berbères réussirent à battre les Vandales et à
s'emparer des Aurès. Les attaques de plus en plus fréquentes des
Berbères et la résolution de l'empereur byzantin Justinien provoquèrent
la chute du royaume vandale. C’est ainsi que vers 544, les Byzantins
exercèrent le pouvoir dans la province de l’actuelle Constantine ; de
l'insurrection berbère contre les Byzantins naquirent plusieurs États :
les Djerawa, les Banou Ifren, les Maghraouas, les Awarbas, et les
Zénètes.
El Djazaïr conquise à l’Islam
Plus tard, El Djazaïr (Maghreb central) fut conquise par les Arabes
(conquête ayant duré de 641 à 711). La résistance fut plus marquée dans
les Aurès avec la reine berbère Dihya surnommée la Kahéna, qui a pu
vaincre Hassan Ibn Noumâne en 693. De même, Okba Ibn Nafaâ a été vaincu
par Koceila en 689 près de Biskra. La conversion des Berbères à l’Islam
se fit depuis jusqu’au IXe siècle à travers notamment les mosquées et
les zaouïas.
L’arabisation du Maghreb central fut un processus long ; il semble que
la langue se répandit davantage avec l’arrivée des Hilaliens ou Banou
Hilal. L’avancée de la langue arabe se fit également par l’intermédiaire
des Andalous, le berbère subsistant en Kabylie, les Aurès, le Dahra (où
habitaient les Zénètes, descendants des Banou Ifren et des Maghraouas)
et l'Ouarsenis qui regroupe les actuelles wilayas de Médéa, Aïn Defla,
Tissemsilt, Chlef, Relizane et Tiaret.
Après la conquête musulmane du Maghreb, les Berbères se révoltèrent
contre le régime omeyyade à telle enseigne que le Maghreb central devint
autonome. Le kharidjisme devint l'étendard. La dynastie la plus connue
en Algérie fut celle des Rostémides ; dans le reste du Maghreb, on
connaît celles des Aghlabides — sunnites de Kairouan — et les Idrissides
— chiites de Fès. L’histoire a retenu le nom d’Ibn Roustom, kharidjite
(d'origine perse) qui se réfugia dans l'Ouest algérien où il fonda
Tahert en 761 (Etat caractérisé par l’ascétisme de ses dirigeants, son
rayonnement culturel et sa tolérance religieuse). Ayant gardé son
indépendance vis-à-vis des Abbassides, Ibn al-Aghlab fonda la dynastie
des Aghlabides et occupa la partie orientale du pays, hors les Aurès et
la Petite Kabylie. Devenue une cité riche par le commerce, Tahert était
également réputée par ses bibliothèques où on trouvait des manuscrits de
médecine et d'astronomie.
L’Etat rostomide finit par tomber aux mains des Fatimides en 909
(dynastie califale chiite ismaélienne qui régna sur un empire qui
englobait une grande partie de l'Afrique du Nord, la Sicile et une
partie du Moyen-Orient). Ses habitants furent pour les uns massacrés et
pour les autres exilés. Ils finirent au M’zab où ils bâtirent Ghardaïa,
Melika, Beni Isguen, Bounoura et El Ateuf. Le kharidjisme fut remplacé
par le malékisme.
Cette nouvelle dynastie des Fatimides pensait que le khalifat devait
revenir à la descendance d'Ali et de Fatima, considérant les khalifes
abbassides comme des usurpateurs. Il y eût alors l’accession de Ubayd
Allah avec le titre de Mahdi et de commandeur des croyants, après avoir
fait assassiner Abou Abdallah (Yéménite installé à Ikjan, localité de la
commune de Beni Aziz dans l’actuelle wilaya de Sétif). Cet assassinat
déclencha des révoltes berbères notamment chez les Kotamas (Petite
Kabylie).
Les Fatimides, avec l'aide de leurs alliés Sanhadja menés par le chef
berbère Ziri Ibn Menad, réprimèrent les révoltes zénète et kharidjite.
Selon Ibn Khaldoun, les Sanhadja constituaient une des sept grandes
tribus des Branès (Bernés serait le fils de Mazigh, l'ancêtre de tous
les Berbères). Avant son départ, le calife fatimide désigna Bologhine
Ibn Ziri, chef des Sanhadja, comme gouverneur du Maghreb (fondateur de
la dynastie berbère des Zirides régnant sur l'Ifriqiya de 972 à 984).
Les Zirides bâtirent une souveraineté dans le Maghreb central. Ziri
chargea son fils Bologhine Ibn Ziri de construire trois villes :
Miliana, Médéa et Alger. En 972, Bologhine fut nommé Emir du Maghreb par
les Fatimides. Il étendit son autorité à l'ouest en s’emparant de Tahert
et de Tlemcen.
Les Zirides s'installèrent en Tunisie, laissant le Maghreb central à
leurs cousins Hammadites. Le fondateur de la dynastie, Hammad Ibn
Bologhine (fils de Bologhine Ibn Ziri), fut désigné gouverneur dans le
Maghreb central. Les Hammadites se détachèrent de l'autorité ziride et
construisirent en 1007 une nouvelle capitale (Al-Qalaa) et rejetèrent
l’autorité fatimide pour signifier leur indépendance tout en adoptant le
sunnisme.
En représailles, les Fatimides lancèrent contre eux les tribus arabes
des Hilaliens installés en Haute-Égypte en 1051. Pour éviter
l'affrontement avec les tribus arabes et s'intégrer au commerce
méditerranéen, les Hammadites transférèrent leur capitale à Béjaïa
qu'ils fondèrent en 1064 ; ils s’y installèrent définitivement en 1090
avant d'être vaincus par l'Almohade Zénète Abd El Moumen.
L'«invasion hilalienne», phénomène migratoire s’étalant sur trois
siècles, a constitué un événement majeur pour tout le Maghreb. Selon Ibn
Khaldoun, des tensions ont existé entre Arabes nomades et sédentaires,
mais également entre les sédentaires et les nomades berbères.
Progressivement intégrés dans la société d'accueil, ils permirent
l'arabisation (notamment chez les Zénètes nomades). A l’en croire, il y
eût une régression dans l’agriculture, mais également dans le domaine
urbain avec le déplacement des populations vers le littoral et l'abandon
des villes intérieures. La nouvelle capitale a été peuplée par les
citadins, commerçants, savants et lettrés ayant fui Kairouan. La région
connut une vraie prospérité.
La cité abritait de nombreux palais et lieux de culte. Le souverain
hammadite El Nasir construisit Béjaïa (capitale du royaume et l'un des
plus importants ports du Maghreb), outre qu’elle fût un pôle
intellectuel renommé pour la science qui attira nombre d’étudiants et de
savants.
Almoravides et Almohades
Du XIe siècle au XIIIe siècle, les Almoravides (El Mourabitoun) puis les
Almohades (El Mouahidoun) ont tenté de construire deux empires qui
regroupaient le Maghreb et El Andalous. Au début du XIe siècle, les
nomades Sanhadja du Sahara occidental se proclamèrent Almoravides. La
«guerre sainte» toucha l'Afrique noire aux fins de conversion. Au début
du XIIe siècle, cet «empire» berbère s'étendit du Sénégal à l’Espagne.
L'Etat almoravide, d’obédience religieuse et militaire, eut une armée
composée de Sanhadja auxquels se joignirent des mercenaires noirs et
européens. Au Maghreb central, les Almoravides s’emparèrent de Tlemcen,
d’Oran et d’Alger. Il semblerait que les villes d’Alger et Tlemcen aient
connu un épanouissement pendant leur règne, mais sans égaler celui de
Béjaïa la hammadite conçue comme centre économique et culturel du
Maghreb central. Le mouvement almohade naissant signifia la fin de
l'empire des Almoravides.
Fondé par Ibn Toumert, ce mouvement s’installa dans les années 1120 dans
le Haut-Atlas marocain.
Les Almohades préconisaient une doctrine réclamant l'unicité absolue de
Dieu. Ibn Toumert prêcha dans une mosquée à Béjaïa en critiquant
notamment les mœurs des citadins ; il en a été chassé. A sa mort, Abd El
Moumen changea le système politique en monarchie héréditaire avec
l’appui de sa tribu d'origine : les Koumya et les Hilaliens qu'il
intégra dans l'armée régulière. Il occupa Tlemcen et Oran.
En 1151, il battit les Hammadites et occupa Béjaïa en battant les
Hilaliens près de Sétif, vers 1153. L'empire déclina au cours de la
première moitié du XIIIe siècle. Ainsi, en 1212, les Almohades subirent
une importante défaite face aux armées chrétiennes en Espagne. De même,
au Maghreb, le gouverneur de l'Ifriqiya se proclama indépendant en 1229
; ensuite, ce fut au tour du gouverneur de Tlemcen en 1236. Las, la
Reconquista progressait. Les Mérinides mirent fin à l'empire almohade en
1269 avec la prise de Marrakech. Sous les Almohades, il semblerait qu’il
y eût des conversions forcées de juifs et de chrétiens. Durant leur
règne, la langue arabe devint la langue de la culture ; le mysticisme et
les chants soufis se développèrent.
Le Maghreb connut alors un grand afflux d'«immigrés» andalous. Après la
fin de l'empire des Almohades, le Maghreb fut partagé en trois entités
politiques : les Hafsides à l'est, les Zianides au centre et les
Mérinides à l'ouest. La dynastie zianide fut fondée par Yaghmoracen Ibn
Ziane (ancien gouverneur almohade de Tlemcen). La dynastie hafside,
vassale des Almohades, rompit avec eux ; elle domina la moitié orientale
de l'Algérie actuelle avec Tunis pour capitale.
Les deux dynasties résistèrent pendant plus de trois siècles. À l'est,
les Zianides tentèrent d'élargir leur influence. De nombreuses révoltes
éclatèrent à Béjaïa et Constantine, accentuant ainsi leur caractère de
principautés instables.
En 1299, les Mérinides parvinrent à occuper la ville à deux reprises ;
ils envahirent également le territoire hafside. Les deux dynasties
hafside et zianide disparurent après la prise de leur capitale Tunis et
Tlemcen par les Ottomans, respectivement en 1574 et 1555. Les Zianides
firent de Tlemcen (ville réputée pour sa tolérance religieuse) une cité
importante avec cent mille habitants (tout comme Béjaïa). Centre de
rayonnement culturel et commercial, elle fut l’une des villes les plus
renommées du Maghreb.
A. K.
(À suivre)
Bibliographie (non exhaustive)
• Mahfoud Kaddache : L'Algérie des Algériens de la Préhistoire à
1954, Ed. Paris Méditerranée EDIF, 2003 ;
• Paul Balta (sous la direction de) : Algérie, Ed. Nathan-ENAL, 1988 ;
• Gilbert Meynier : (L’Algérie des origines. De la préhistoire à
l’avènement de l’islam, 2007).
• Ibn Khaldoun : Histoire des Berbères (Traduction, William Mac-Guckin
de Slane, Éd Berti, Alger 2003).
• Serge Lancel : L’Algérie antique : De Massinissa à saint Augustin
(éditions Mengès, 2003).
• Charles-André Julien, Histoire de l’Afrique du Nord, Payot et Rivages
1994 ;
• Charles-Robert Ageron : Histoire de l’Algérie contemporaine, (Presses
universitaires de France - PUF, 1990).
• Benjamin Stora : Histoire de l’Algérie coloniale : 1830-1954 (La
Découverte, 2004).
• Pierre Bourdieu : Sociologie de l’Algérie, (Ed. PUF 1958, réédition de
2001).
• Salem Chaker : Berbères aujourd’hui, (Ed. L’Harmattan, 1999).
• Renaud de Rochebrune, Benjamin Stora, Mohamed Harbi : La guerre
d'Algérie vue par les Algériens. 1, Des origines à la bataille d'Alger
(Ed. Denoël, 2011).
• Rédha Malek : L'Algérie à Evian : histoire des négociations secrètes :
1956-1962 (Ed. du Seuil, 1995).
• Lounis Aggoun, Jean-Baptiste Rivoire : Françalgérie : crimes et
mensonges d'Etats : histoire secrète, de la guerre d'indépendance à la
«troisième guerre» d'Algérie ; (Ed. La Découverte, 2004).
|