Chronique du jour : DIGOUTAGE
Les cantines
Par Arris Touffan
C’est un véritable artiste, notre Ahmed Ouyahia de premier ministre, pas de
doute. Son humour est d’un raffinement rarement égalé sous nos cieux. Il faut
creuser au quatrième degré, et peut-être même au cinquième si jamais l’hypothèse
d’un cinquième mandat pour Abdelaziz Bouteflika est retenue, pour décoder le
sens de ce qu’il veut dire. Et éventuellement, se fendre la gueule. C’est d’un
sophistiqué, je te dis…
N’est-ce pas de l’humour que de réduire ce qui semblait une victoire symbolique
décisive sur l’obscurantisme, la disparition de la bismalla des manuels
scolaires, à une «erreur d’imprimerie». Vraiment ? Ça vaut bien la peine de se
battre pour l’avenir de nos enfants qu’il faut débarrasser de l’enseignement
mortifère qui leur est dispensé, si c’est pour entendre le chef du gouvernement
anéantir d’une phrase l’avancée.
Mais ce n’est pas son number one, à Ouyahia. C’est l’histoire des cantines
scolaires qui est la première au hit de son répertoire dont il a donné un ample
aperçu à l’assemblée nationale l’autre jour. Les partisans de Bouteflika
disaient déjà qu’il nous a apporté («djabalna», verbe préféré d’Ouyahia) la paix
et le téléphone portable. Ouyahia, nous renvoie à la djahylia
d’avant-Bouteflika, à l’époque où nous ne connaissions pas les cantines
scolaires. Et c’est un blasphème que d’ignorer les cantines scolaires.
L’argument est censé être massue pour terrasser les opposants qui doutent du
bilan du président. Ouyahia sort l’épée laser de la Guerre des Etoiles : les
cantines scolaires.
Tout le monde sait qu’elles existaient avant Bouteflika. Et s’il y en a
davantage, c’est bien la moindre des choses s’agissant d’un président qui est au
pouvoir depuis 19 ans au cours desquels ont été dépensés mille milliards de
dollars. Non, il veut rire. Au quatrième degré… Ou cinquième.
A. T.
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